CHARLES FITCH : Le séparatiste du mouvement adventiste (de JL Chandler) (19.12.2007)

8a8fb6fc2fce8eed9759a48c78bd45bd.jpgLa chute de l’empire ottoman le 11 août 1840, correctement prédite par Josiah Litch en interprétant Apocalypse 9, provoque à la fois un sursaut d’intérêt du public pour les prophéties bibliques et un assaut frontal contre elles. Pour les uns, la rectitude des interprétations historicistes est confirmée. C’est la preuve réjouissante que le Christ va bientôt revenir triomphant sur les nuées du ciel. Pour les autres, furieux ou indifférents, c’est une illusion, une imposture qu’il faut stopper.

L’opposition montante

La presse se fait mordante dans ses critiques envers William Miller, bien que personne ne doute de sa sincérité. Par dérision, on labelle les millérites par le terme « adventistes ». Le nom dérive du mot latin adventus qui signifie « l’avènement, la venue ou l’arrivée ». Il est à l’origine des mots advent en anglais et avent en français. Le verbe latin advenire veut dire « venir ». De ce fait, le sens donné au nom, censé être une insulte, n’est pas clair. Au pied de la lettre, il signifierait « ceux qui viennent », ce qui n’a guère de sens. Mais bizarrement, il signifie plutôt dans l’esprit des critiques « ceux qui attendent » en vain et pour rien. Un autre nom, « les attentistes » ou « les illusionnés », aurait mieux fait l’affaire. Ironie de l’histoire, cette confusion du sens ou cette erreur de choix du nom décrit parfaitement la croyance millérite : « ceux qui attendent celui qui vient » (Apocalypse 22.20).
Dans l’histoire du christianisme, ce phénomène n’est pas nouveau. Les opposants traitent souvent les professants de toute sortes d’épithètes peu flatteurs. Pour se moquer des disciples du Christ, on les a appelé « chrétiens » (les cinglés de Christos). Quand Martin Luther affiche ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg pour protester contre des abus et des erreurs, ceux qui l’approuvent sont appelés « les protestants ». Certains découvrent que le baptème biblique se fait en toute conscience et par immersion. Ils sont traités « d’anabaptistes » (les rebaptisés). Certains veulent purifier l’Eglise anglicane de ses traditions. On les affuble du nom de « puritains ». John Wesley et ses amis ont des habitudes méthodiques d’étude de la Bible, de prière et de service social. On les couvre de mépris en les nommant « les méthodistes ». Les millérites sont en bonne compagnie.
Afin de ridiculiser les millérites, la rumeur circule qu’ils se sont préparés des robes blanches d’ascension. Personne ne peut prouver leur existence mais les rapports diffamatoires persistent. S’en donnant à coeur joie, les cartoonists croquent des caricatures dans les journaux. Du haut de leurs chaires, certains hommes d’église accusent William Miller d’agiter l’opinion publique avec un message pour le moins contestable. Ne sait-il pas que nul ne connaît « ni le jour ni l’heure » de la venue du Christ (Matthieu 25.13) ? Il est un faux-prophète !
Bien-sûr, Miller le sait. Il le répète même à l’envie. Ses exposés frappent par le calme et la rigueur de leurs présentations. Ils amassent les informations historiques et scientifiques et souvent occultent l’élément émotionnel de leurs expériences. Son étude de la Bible est logique et rationelle. On n’a pas affaire à un exalté. Et pourtant... Miller ne peut pas s’en défaire. La prophétie des « 2300 soirs et matins » de Daniel 8.13 est distincte dans le temps et aboutit à une date. Il est également vrai, si on prend le terme au sens le plus purement littéral, qu’il ne connaît pas le jour J et l’heure H du retour du Christ.
 

La première prédiction de la parousie
Jusqu’au début de 1843, Miller se contente simplement d’annoncer que l’évènement aura lieu « vers environ 1843 ». La plupart des dirigeants millérites, Joshua Himes en particulier, sont plus que réticents à l’idée de fixer une date particulière. Ils repoussent l’agitation des fanatiques qui, sous l’impulsion de John Starkzeaker, se mettent à pratiquer une forme extrême de sanctification. Malgré tout, les attaques des critiques et l’excitation des millérites sont de plus en plus difficiles à contenir. De toutes parts, on les presse avec une insistence croissante de déterminer la date exacte du retour du Christ. Après tout, Josiah Litch a bien trouvé la date de la chute de l’empire ottoman. Cette pression populaire force les dirigeants millérites à étudier la chronologie prophétique de manière plus approfondie.
William Miller a toujours cru que le temps des périodes prophétiques devait être calculé d’après le calendrier juif et non romain. Il sait que l’année juive commence au printemps, non en janvier. Comme il ignore comment les rabins ajustent leur calendrier lunaire, il conclut que l’équinoxe du printemps constitue le point de départ l’année juive. Il pense que Jésus reviendra entre le 21 mars 1843 et le 21 mars 1844. Cependant, il observe – un détail important pour la suite de l’histoire - que si durant sa première venue le Christ a accompli le sens symbolique des cérémonies juives du premier mois juif, les fêtes du septième mois juif devraient s’acomplir lors de sa seconde venue. Etant malade à ce moment là, il n’insiste pas sur l’idée qui passe presqu’inaperçue.

Brièvement voiçi la signification des fêtes (voir Lévitique 23) :
Au printemps, les fêtes du premier mois juif (mars-avril)

 

A l’automne, les fêtes du septième mois (septembre-octobre)

 

Partageant la conviction de Miller, Himes, Litch, Apollos Hale, Sylvester Bliss et d’autres millérites estiment qu’il faut utiliser une méthode plus précise dans le calcul de l’année juive, notamment celle qui a été préservée strictement par les Juifs karaïtes à travers les siècles. Selon la tradition kataraïte, l’année juive en 1843 commence le 18 avril au coucher de soleil, au lieu de l’équinoxe du 21 mars suggéré par Miller. Le prédicateur admet d’ailleurs volontiers que ses calculs ne sont pas parfaits. Les millérites pensent que Jésus reviendra au plus tard le 18 avril 1844.

 
L’appel à quitter « Babylone »
Le message millérite soulève une tempête d’indignation et de sarcasmes. Un nombre croissant d’églises interdit aux millérites de se réunir dans leurs édifices. Des membres et des prédicateurs sont purement et simplement exclus de leurs congrégations. Jusqu’alors, les millérites n’ont jamais envisagé de se séparer de leurs dénominations. Charles Fitch (1805-1844) les invitera à le faire.
Ce jeune pasteur congrégationiste, puis presbytérien, accepte la doctrine du retour du Christ en mars 1838 après avoir lu six fois le livre de William Miller. Zélé et impétueux, il présente aussitôt la nouvelle à ses collègues. Mais leur réaction le mortifie. Ils réagissent avec un mépris qu’il l’abasourdit et le démoralise. Alors qu’il est en proie au doute, qu’il jeûne et prie en gémissant devant Dieu, il reçoit la visite de Josiah Litch qu’il n’a jamais rencontré auparavant. Celui-ci l’invite à réétudier le sujet de la seconde venue de Jésus. Rassénéré, Fitch se joint au mouvement millérite.
Le 26 juillet 1843, Fitch prêche un des plus fameux sermons millérites. Intitulé « sors de Babylone, mon peuple », il se base sur Apocalypse 18.1-5. Dans la Bible, Babylone symbolise une confusion religieuse. Fitch invite les chrétiens sincères à quitter les dénominations qui rejettent le message de la venue imminente de Jésus. Ce sermon laisse un profond impact sur les millérites. Ils n’établissent pas une nouvelle dénomination mais il y trouve une justification théologique pour se séparer de leurs congrégations d’origine. Les dirigeants millérites sont moins enthousiastes. Avec réticence, Himes sera l’avocat d’une rupture seulement en automne 1844. Miller ne parviendra jamais à s’y résoudre, même après son exclusion de sa communauté religieuse locale à la fin de 1844.

 

 Le premier désappointement
Le 18 avril 1844 passera sans aucun signe visible du retour du Christ. Les millérites sont déçus mais pas dramatiquement dans la mesure où aucune date n’a été clairement déterminée. Certains sont désillusionnés. Ils retournent dans leurs anciennes congrégations ou ils abandonnent la foi chrétienne. Beaucoup d’autres s’attendent à ce que Jésus apparaisse à n’importe quel moment. Miller reconnaît dignement son erreur en public. Néanmoins, il attire l’attention des croyants sur la déclaration d’Habakuk 2.3 :

« C’est une vision qui porte sur un temps fixé, qui parle de la fin et qui n’est pas mensongère. Si elle tarde, attend-la, car elle vient sûrement, elle ne tardera pas ».

 
Pour les millérites, Dieu fait preuve d’une grande patience à l’égard d’une humanité perdue. Il accorde un délai supplémentaire afin que le monde soit averti et que les gens se convertissent.

« Le Seigneur n’est pas en retard dans l’accomplissement de sa promesse, comme certains se l’imaginent, il fait simplement preuve de patience à votre égard, car il ne veut pas qu’un seul périsse. Il voudrait, au contraire, que tous parviennent à se convertir ». (2 Pierre 3.9)  

 
Les périodiques millérites se remplissent d’articles sur la perception du retard de la parousie, annoncé par Jésus lui-même dans la parabole des dix vierges (Matthieu 25.1-30). A la stupéfaction de leurs détracteurs, vers l’été 1844, la prédication millérite repartira de plus belle avec une énergie accrue. En effet, les millérites vont faire une découverte qui soulèvera vraiment les ailes de leur espérance.

16:20 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Historique | |  Facebook