Le rapprochement des positions adventistes,(de JL Chandler) (17.05.2008)

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Le 30 août 1846, James White (à 25 ans) épouse Ellen Harmon (18 ans) devant Charles Harding, un juge de paix à Portland dans le Maine. On imaginerait cette cérémonie dans une chapelle ornée de fleurs, au son d’une marche nuptiale, mais ce n’est pas le cas. Ayant été expulsés de leurs congrégations d’origine, les millérites n’ont pas de bâtiments d’église. Ils se réunissent dans des maisons. Les nouveaux époux n’ont pas de lune de miel. Un luxe pour les gens de cette époque, surtout à la campagne, qui n’ont ni le temps ni l’argent de s’offrir un plaisir aussi agréable. Leur idylle et leur mariage n’ont pas été très romantiques mais James et Ellen s’aiment. « Elle a été ma couronne de joie », avouera t’il plus tard. « C’est le meilleur homme qui ait jamais marché dans des chaussures de cuir », dira t’elle longtemps après.

Les nouveaux mariés sont pauvres, et Ellen est malade de surcroît. Leur premier lieu de résidence est tout simplement la maison de la famille Harmon à Gorham dans le Maine. James subvient comme il peut aux besoins du foyer en coupant du bois dans la forêt, en travaillant dans les champs ou en transportant des pierres pour la construction de voies pour les chemins de fer. Des travaux durs et pénibles, mal rémunérés et souvent payés en retard. Il arrive que les pierres entaillent et ensanglent ses mains.
 

Rapprochements
Vers la fin de 1846, les positions doctrinales de Joseph Bates, de James et d’Ellen White, les fondateurs de la future Eglise adventiste du septième, se rapprochent. Sitôt après leur mariage, les White lisent le livre de Bates sur le sabbat. Ils examinent tous les textes cités dans la Bible. Ils parviennent à la conviction que le septième jour de la semaine est le jour biblique du repos. Ils se mettent à l’observer immédiatement à la très grande surprise de Robert et d’Eunice Harmon. A ce moment là, une cinquantaine de millérites observent le sabbat – 25 dans le Maine et un nombre à peu près similaire dans le reste de la Nouvelle Angleterre. James et Ellen sont les seuls sabbatistes de Gorham.
Peu de temps après, semble t’il, Ellen, qui a été baptisée par immersion à 14 ans dans l’Eglise méthodiste, demande le rebaptème – sans aucun doute en tant qu’adventiste. James, qui la baptise, rapportera : « Je la soulevai hors de l’eau et elle entra immédiatement en vision ».
Si les White acceptent assez facilement la doctrine du sabbat, il en va autrement (nous l’avons vu) de Joseph Bates sur la doctrine des dons spirituels, et notamment sur le rôle prophétique d’Ellen White. Mais sa position change en novembre 1846. Il assiste à une réunion à Topsham dans le Maine, dans la maison d’un adventiste nommé Curtis, au cours de laquelle Ellen White reçoit une vision. Durant la vision, elle décrit ce qu’elle voit : les planètes du système solaire et les étoiles. A un moment donné, elle parle d’une planète entourée de ceintures roses et ajoute : « Je vois des lunes ». « Oh, s’écrie Bates. Elle voit Jupiter ! ».
S’avançant dans la pièce, comme si elle voyageait du regard dans l’espace, Ellen dépeint une autre planète, aux ceintures et aux anneaux de couleurs variées. Bates s’exclame : « Elle décrit Saturne ». Une autre planète (Uranus) est décrite. Puis la vision s’achève sur la scène grandiose des « cieux qui s’ouvrent » - une expression qui désigne le soi-disant « espace ouvert » de la nébuleuse d’Orion.
Un passionné d’astronomie, un art qu’il a exercé dans la marine durant ses voyages, Bates est très impressionné. Il chuchote :
- Oh, j’aurais aimé que Lord John Rosse soit ici ce soir ! 
- Qui est John Rosse ?, lui demande James White.
- Oh, c’est le grand astronome anglais. J’aurais aimé qu’il soit ici pour entendre cette femme parler d’astronomie et décrire l’ouverture des cieux. C’est supérieur à tout ce que j’ai entendu sur le sujet.

Après la vision, Bates est encore plus surpris. Ellen White décrit les satellites des planètes qu’elle a vue aux personnes présentes. Quand Bates lui demande si elle a étudié l’astronomie, elle répond qu’elle ne se souvient pas d’avoir jamais ouvert un livre sur le sujet. « Cela vient du Seigneur », conclut-il tout heureux. Après cette expérience, ses doutes s’estomptent sur l’origine divine des visions. Sceptique, il a examiné plusieurs fois Ellen White en vision, craignant la fraude et l’égarement. Mais il est convaincu maintenant. Il déclarera plus tard qu’à plusieurs reprises : « J’ai écouté chaque mot et j’ai observé chaque mouvement afin de détecter une tromperie ou une influence hypnotique » (A Vision, 7 avril 1847 ; reproduit dans A Word to the Little flock de James White, p.21).

 
Critiques
Plus d’un demi-siècle plus tard, certains critiques, et Dudley Canright en premier lieu, avanceront que cette vision prouve qu’Ellen White n’a pas le don de prophétie – citant en cela le livre The Rise and Progress of Seventh-day Adventists (publié en 1892) de John Loughborough, le premier historien adventiste, qui rapporte le nombre de satellites connus en 1846 : quatre en orbitre autour de Jupiter, sept pour Saturne et six pour Uranus (p.127). Depuis (et déjà du vivant d’Ellen White) la science en a découvert beaucoup d’autres.
Mais les chercheurs adventistes proposent une autre explication – notamment dans Ellen White and her Critics de Francis Nichols et They were there d’Edgar Douglass. Il existe trois sources primaires de la vision de Topsham : le témoignage d’Ellen White dans Spiritual Gifts, vol.2 (1860, p.83), celui de James White dans A Word to the Little flock (mai 1847, p.22) et de madame Truesdail – présente à la réunion à l’âge de 16 ans – qui a été interrogée par Loughborough. Ces trois sources indiquent qu’Ellen White n’a pas identifié le nom des planètes, ni n’a précisé le nombre des satellites. C’est Joseph Bates a nommé les planètes d’après ses descriptions et qui a énuméré les satellites quand il racontait cette histoire. Loughborough, qui n’était pas présent à la réunion de Topsham, a inclu ses déductions dans le récit. Les chercheurs adventistes concluent que Dieu a utilisé la vision pour convaincre Bates du don prophétique d’Ellen White, et non pour apporter des révélations en astronomie.
Et il est vrai qu’il y a les sceptiques, les critiques et les opposants au ministère prophétique d’Ellen White. Comment expliquer le phénomène des visions ? Quelle est leur cause, leur origine, leur mécanisme ? On interroge la jeune femme. On l’examine à l’épreuve de la Bible et de la science. On y reviendra dans le prochain article.
 

Correspondance
Pour les adventistes sabbatistes, les visions d’Ellen White sont une source d’orientation dans une période de confusion. Plus tard, ils estimeront que c’est une bénédiction de Dieu pour une Eglise naissante : « C’est lui qui a fait don de certains comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme évangélistes, et d’autres encore comme pasteurs et enseigants... en vue de la construction du corps du Christ » (Ephésiens 4.11-12).
L’histoire de l’adventisme sabbatiste est désormais en marche. Le rapprochement de tous les principaux acteurs et des positions doctrinales adventistes – tels que le retour du Christ, le sabbat, l’instruction du jugement et les dons spirituels -  se poursuit. Vers la fin de 1846, l’article d’Owen Crosier sur l’instruction du jugement dans le Day Star (publié en février 1846) tombe entre les mains de Bates et des White. Bates, qui considère cet article comme « supérieur à tout » ce qui a été écrit auparavant sur Daniel 8.14 et la doctrine du sanctuaire, le recommende chaleureusement aux millérites. Au début de 1847, les trois fondateurs de l’adventisme démarrent une correspondance avec le trio de l’état de New York (Hiram Edson, Owen Crosier et Franklin Hann).
Le samedi 3 avril 1847, Ellen White reçoit une vision importante dans la maison de Stockbridge Howland à Topsham. Alors qu’ils sont en prière, elle voit un guide céleste. Celui-ci la conduit à la cité céleste et l’introduit dans le lieu très saint du sanctuaire. Jésus est à coté de l’arche de l’alliance. Elle voit les deux tables des dix commandements écrits du doigt de Dieu. Elle décrit la scène : « Ceux de la première table étaient plus lumineux que les six autres. Mais le quatrième, le commandement sur le sabbat, brillait davantage que les autres. Car le sabbat a été mis à part pour être observé en l’honneur du saint nom de Dieu. Le saint sabbat paraissait glorieux. Un halo lumineux l’entourait » (Early Writings, p.32-33 – en français Premiers écrits). C’est pour elle une confirmation prophétique des recherches bibliques des adventistes sur le sabbat.

Pour les adventistes sabbatistes, les dix principes de la loi morale sont éternels (Matthieu 5.17-19). Pour cette raison, ils doivent être observés. Mais cela ne veut pas dire que leur application sauve une personne. James White, le champion adventiste de la doctrine du salut par la grâce, l’écrira sans aucune trace d’ambiguité : « Que cela soit clairement compris. Il n’y a pas de salut dans la loi, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de qualité salvatrice » (Life Incidents, p.354). Ainsi pour lui, le salut est le don gratuit de Dieu obtenu par la mort du Christ à la Croix en substitut pour les pécheurs repentants. L’observation de la loi morale est la réponse aimante à sa grâce et oeuvre à la transformation du chrétien par la puissance du Saint-Esprit (Ephésiens 2.8-10). Bates et White s’efforceront donc de convaincre les millérites sur ce point.

23:29 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook