La décennie la plus critique de l’adventisme par JL Chandler (30.09.2009)

Vous le savez déjà mais je le rappelle rapidement. L'analyse de l'adventisme est pertinente que si on prend en compte l'histoire et les croyances du groupe à partir des travaux de chercheurs non adventistes et adventistes. L'avantage est d'avoir une vision globale. Nous allons continuer fort de cette position qui est loin d'être partagée dans le monde de la recherche. Le regard de JL Chandler est à ce titre intéressant. Adventiste, passionné de l'histoire et de la théologie adventiste Chandler intervient souvent sur le blog via des notes pour vous parler de l'histoire et de la théologie de l'église adventiste. L'un se comprend avec l'autre. Son regard, de l'intérieur est donc un élément de plus pour celui qui veut cumuler différentes sources pour comprendre l'adventisme. En ce sens, je vous livre trois notes de Chandler sur l'histoire de l'adventisme. D'autres notes sur ce thème sont disponibles sur le blog.

Durant la décennie 1850, un problème crucial se pose aux adventistes : l'inexistence d'une organisation. Sans un clergé salarié, sans lieux de culte, sans moyens financiers et sans institutions, le mouvement est menacé de disparaître. Les adventistes n'en ont pas du tout conscience. Au contraire, ils sont farouchement hostiles à toute forme d'organisation qu'ils associent au diable, à Babylone, à l'apostasie, à quelque chose de ce genre. Ils n'ont pas oublié. Ce sont des organisations religieuses qui ont rejetées le message de William Miller et qui les ont expulsés de leurs congrégations. James et Ellen White réalisent le danger. Mais ils ont toutes les peines du monde à les persuader de s'organiser en Eglise. 

La crise structurelle
Au début de la décennie 1850, de nouveaux problèmes surgissent. Sans une organisation légale, les congrégations adventistes sont sans défense. Il arrive qu'elles soient visitées par des prédicateurs fanatiques (les spiritualistes), ou qu'elles soient menacées de dissolution quand une maison aménagée en lieu de culte est récupérée ou vendue par son propriétaire. 
James White comprend le sérieux du problème. Il mène une campagne acharnée en faveur d'une organisation du mouvement. En dépit des réticences des adventistes, il avance étape par étape vers cet objectif. Joseph Bates et lui signent des cartes de recommandation pour les « prédicateurs autorisés » à prêcher dans les assemblées. A partir de juillet 1851, ils commencent à consacrer des pasteurs. Dans les colonnes de la Revue adventiste, White essaie désespérément (avec sa femme) de convaincre les adventistes de s'organiser en Eglise. En pure perte. En 1853, il crée l'école du sabbat (sur le modèle de l'école du dimanche) pour l'instruction religieuse des enfants. En 1855, il établit la première entité légale adventiste avec la construction d'une imprimerie à Battle Creek au Michigan.
Mais ces avancées, ces embryons de structure, ne compensent pas le manque criant d'une véritable organisation. Ce qui doit arriver finit par arriver. Après quelques années de croissance, vers l'automne 1856 le mouvement est en crise. Sans collecte de fonds structurée et régularisée, plusieurs pasteurs sous-payés et découragés abandonnent le ministère. Sans direction et soutien spirituel, les congrégations locales sombrent dans l'apathie. Jésus n'est pas encore revenu et certains adventistes se lassent déjà d'attendre. Pour la première fois de leur jeune histoire, ils sont confrontés au problème de l'attente. « Le Maître tarde à venir ».

 

La crise spirituelle
Une crise spirituelle s'ajoute à la crise structurelle. Car pour éviter la critique de ceux qui ont des préjugés sur les visions de sa femme, James White décide en 1851 de ne pas les publier dans les colonnes de la Revue adventiste. Pendant quatre ans, seulement sept articles d'Ellen White paraissent dans l'hebdomadaire sans jamais faire référence à des visions. Négligées, celles-ci deviennent moins fréquentes. Les adventistes sont moins sûrs de leur importance et Ellen White pense que sa mission est presque terminée. Mais ses paroles percutantes d'encouragement manquent cruellement aux croyants dispersés et léthargiques.
A la même époque, elle voit en vision que les adventistes sont dans la condition spirituelle de Laodicée, une des sept églises du livre de l'Apocalypse (chapitres 1-3). A travers la description de ces congrégations locales d'Asie mineure, les commentateurs de l'école d'interprétation prophétique historiciste ont vu ici un résumé de l'histoire du christianisme :

 

  1. Ephèse : l'église de la pureté doctrinale (1er siècle).
  2. Smyrne : l'église persécutée (2-3e siècle).
  3. Pergame : l'église compromise avec le monde (4-5e siècle).
  4. Thyatire : l'église assise sur le trône (6-15e siècle).
  5. Sardes : l'église formaliste (16-17e siècle).
  6. Philadelphie : l'église missionnaire (18-19e siècle).
  7. Laodicée : l'église à moitié-engagée (20-21e siècle).

Laodicée symbolise le christianisme de la dernière période de l'histoire du monde. C'est l'église qui se vante de ses gros moyens mais qui est tiède, endormie, satisfaite d'elle-même et inconsciente de ses besoins spirituels. Sans le savoir, ce groupe est « pauvre, aveugle et nu » spirituellement. Faisant écho au message de l'Apocalypse, Ellen White invite les adventistes à secouer cette attitude complaisante. Toute sa vie, elle sera une revivaliste, prêchant inlassablement le réveil lors de ses tournées des camps-meetings et des congrégations. 

 

Le remède pour Laodicée
On observe ici une sorte de décalage entre le point de vue d'Ellen White et des commentateurs sur le point de départ de l'ère de Laodicée. L'histoire semble valider l'interprétation de ces derniers. Primo, les historiens appellent le 19e siècle l'âge d'or des missions protestantes. Deuxio, sans moyens, les premiers adventistes n'ont rien pour se vanter. Dans ces conditions, la prophétie s'applique t'elle vraiment à leur situation au milieu du 19e siècle ? D'une certaine façon, peut-être bien !
Passée les premières années de ferveur religieuse, on voit déjà se profiler à l'horizon quelques touches de la mentalité laodicéenne : le relâchement, la lassitude, la complaisance, la poursuite de l'aisance matérielle et l'autosatisfaction. Projeter le mouvement dans l'ère de Laodicée est déjà une partie du remède. Pour produire un réveil, il faut une prise de conscience. La description de la dernière des sept églises de l'Apocalypse produit un électrochoc. Elle confirme qu'on est bel et bien dans la dernière période de l'histoire du monde. Que le retour du Christ se rapproche !
A travers l'histoire du christianisme, l'espérance d'un retour imminent de Jésus a été le moteur des grands mouvements de réveil. Les premiers chrétiens ont cru qu'il se produirait durant leur génération. Martin Luther, John Wesley, Charles Spurgeon ou Dwight Moody le pensaient à leurs époques. Les périodes d'apostasie et de déclin spirituel coïncident le plus souvent  avec l'oubli de la promesse ou avec son renvoi à une période plus éloignée dans l'avenir. Dans un sens, les mouvements de réveil sont toujours profondément des mouvements adventistes.
L'adventisme ne se projette jamais très loin dans l'avenir. Chaque génération  d'adventistes pensera voir Jésus revenir dans les airs. Si Ellen White décourage la moindre tentative de spéculation sur la date de son  avènement, ses écrits (et ceux de ses contemporains) laissent transparaître qu'elle s'attendra sincèrement à ce qu'il revienne dans un avenir proche. Mais elle soulignera que dans sa sagesse, Dieu n'a pas révélé le moment précis de sa venue pour ne pas mettre la foi des croyants gravement en danger. « Nous n'en ferions pas bon usage » (Review and Herald, 22 mars 1892). Se laissant aller à la nonchalance et à la superficialité avec Dieu, certaines personnes renverraient - erreur fatale - leur préparation spirituelle au dernier moment et les fanatiques créeraient une émotion et « une excitation malsaine » autour de la date (Lettre 34, 1884).
Les premiers adventistes ont tendance à appliquer les prophéties de la fin à leur époque contemporaine. Ils n'ont pas de raison de penser autrement car ils voient les signes du temps de la fin (Matthieu 24) défiler devant leurs yeux. Ils n'anticipent pas que des décennies s'écoulent avant l'apothéose du retour du Christ. Néanmoins, James White les encouragera souvent à la prudence : « Quand l'histoire n'est pas encore écrite, l'étudiant de la Bible ne doit pas avancer ses suggestions de manière trop catégorique » (Review and Herald, 29 novembre 1877). Les théologiens adventistes observent que la plupart des prophéties de la fin se réalisent de manière progressive dans le temps. Les premiers adventistes n'ont simplement pas imaginé qu'elles s'étaleraient sur une durée plus longue.
L'histoire de l'adventisme est celle du réveil en perpétuel recommencement. Alors que les années passent, que l'attente se prolonge, comment maintenir la flamme spirituelle et missionnaire ? Selon Ellen White, c'est dans la persévérance de l'attente aujourd'hui, par la relation journalière avec Dieu qui refuse de se laisser absorber par les tracas du quotidien et d'encourir le risque de se faire surprendre par le retour du Christ à l'improviste : « Tenez-vous donc en éveil, puisque vous ignorez quel jour votre Seigneur viendra » (Matthieu 24.42).
Nous verrons comment le couple White contribuera à retourner la situation critique de la décennie 1850. Ellen cherchera à dissoudre la crise spirituelle et James se chargera de résoudre la crise structurelle.

10:56 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : historique | |  Facebook