"Diffamation" du cultuel antillais. Réflexion en prolongement d'un article à paraître (28.08.2010)

Conscience et Liberté.JPGCouverture Entre espérance et désespérance.JPGLe premier chapitre de mon dernier livre est une prise de position. J'affirme qu'aujourd'hui les croyances antillaises sont incomprises. En fin de livre je souligne par exemple que la vitalité de groupes religieux antillais est une source de dynamisme du protestantisme. Des responsables politiques, voire des juges, font des affirmations surprenantes faites de stéréotypes sur les antillais. En filigrane ils posent que les antillais seraient des naïfs manipulés par des groupuscules. Remarquons que cette idée est aussi présente dans la lecture de moult intellectuels antillais sur le religieux antillais. Je ne partage pas celle-ci car les populations ne sont pas passives. Elles sont acteurs de leur univers cultuel. Outre ce cas antillais que j'ai déjà longuement analysé, l'occasion m'a été donné de prolonger le débat dans un article à paraître sur la diffamation des groupes religieux. Il sera dans plusieurs mois accessible dans la revue Conscience et Liberté. Cette revue est un organe de l'Association Internationale pour la Défense de la Liberté Religieuse.

 6_vignette.jpgL'AIDLR a été fondée par Jean Nussbaum, médecin français. Il assista à la création de l'Organisation des Nations Unies. Grâce à un important carnet d'adresses il créa l'AIDLR dont l'expertise est reconnu à l'ONU aujourd'hui. Elle a longtemps été présentée comme un organe confessionnelle. Si son histoire est encrée dans le religieux américain, Conscience et Liberté, rassemble différents experts sur la liberté religieuse. Jean Baubérot fait d'ailleurs une excellente présentation de la l'AIDLR et de sa revue dans l'ouvrage que j'ai dirigé avec Régis Dericquebourg sur les adventiste. Sur le site de l'AIDLR (en lien depuis longtemps sur ce blog) on peut lire:

La première présidente de cette Association fut donc Mme Eleanor Roosevelt. A son sujet, André Dufau écrit : « Elle accepta la présidence du Comité d'honneur de la nouvelle Association [...] qui comprenait d'éminentes personnalités comme Edouard Herriot, président de l'Assemblée nationale française, et des membres de l'Académie française comme Paul Claudel, Georges Duhamel, André Siegfried, le duc Louis de Broglie. »

Dès sa constitution, l'Association bénéficia du soutien d'hommes renommés issus des milieux universitaires, religieux et politiques. Plusieurs d'entre eux en furent les présidents. Après Mme Eleanor Roosevelt, ce fut le Dr Albert Schweitzer, médecin français, académicien, prix Nobel de la paix ; puis, en 1966, Paul-Henri Spaak, homme politique belge, ancien ministre des Affaires étrangères, qui avait joué un rôle dans la formation de l'Europe de l'après-guerre. De 1972 à 1976, lui succéda René Cassin, juriste, membre de l'Institut, prix Nobel de la paix en 1968. René Cassin a été l'un des inspirateurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en 1948. En 1977, la présidence est revenue à Edgar Faure, avocat français, ancien président du Conseil d'État et ministre de l'Éducation nationale, jusqu'à sa mort, en mars 1988. De 1989 à 2001, Léopold Sédar Senghor, ancien président de la République du Sénégal, membre de l'Académie française, lui apporta à son tour son soutien. Aujourd’hui, cette présidence revient à Mme Mary Robinson, ancienne haut-commissaire aux droits de l’homme et ancienne présidente de la République irlandaise.

Entête AIDLR.JPGMon article que vous lirez dans Conscience et Liberté d'ici plusieurs mois, note que l'image de groupe religieux est volontairement altérée. Cet acte rentre dans la classification juridique de la diffamation. Mais cela n'est pas à sens unique. Les critères classiques du droit français qui permettent d'établir la diffamation s'appliquent aussi à l'encontre des groupes et traditions religieuses. Ainsi des individus ou des groupes peuvent se sentir diffamés sans l'être du point de vue juridique. Une série d'arrêts de la Cour Européenne des Droits de l'Homme a cependant fait évolué la notion de diffamation. L'article que je ne pourrai résumer ici, montre que cette évolution prend en compte le rôle social de la diffamation. Elle erait une sanction affligée par « les normaux » à ceux qui sont différents, assument cette différence et la vive sans se considérer comme des porteurs de troubles sociaux.

pape.jpgQuelque peu technique cet article vise à démontrer que la diffamation dont sont victimes des groupes et des traditions cultuelles résultent de la stigmatisation sociale. Elle peut venir de personnes extérieures à la tradition, mais aussi d'acteurs qui appartiennent à la tradition diffamée. C'est le jeu social. Cette observation conduit à ne pas considérer la diffamation comme une simple construction juridique, mais comme un acte profondément social. Lorsque des analystes de la culture antillaise réduisent les croyances antillaises à une manipulation de l'Occident, de l'Amérique ou à un effet du colonialisme, il y a une méconnaissance du religieux, mais surtout la création d'un terrain favorable à la stigmatisation de la société antillaise par ses détracteurs. Pour faire simple, entendre des auteurs et observateurs des Antilles réduire à la maxime du dominant/dominé la lecture du cultuel antillais, c'est donner le bâton pour se faire battre. Dire des jéhovistes, adventistes, baptistes, catholiques qu'ils manipulent les consciences antillaises c'est en rien connaître ces organisations et surtout les consciences antillaises. C'est de mon point de vue la plus grande des diffamations religieuses dont le cultuel antillais est victime aujourd'hui. Elle est répandue, majoritaire et donne l'impression de se fabriquer un espace de liberté. Là n'est qu'une impression.

 

(Illustrations: www.aidlr.org)

16:27 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Facebook