Leçons antillaises au mouvement social français contre la réforme des retraites (02.12.2010)

Baroud d'honneur 02.jpgTerres de râleurs, fainéants, perpétuels retardataires, inorganisés... sont des clichés distillés pour parler des antillais. Lors des grèves générales en 2009 ils étaient omniprésents dans la bouches de commentateurs avertis. Aujourd'hui que le mouvement social en France connait un échec dans sa lutte contre la réforme des retraites, c'est bien dès Antilles que les principales leçons de lutte sont données.
Les sondages étaient clairs: entre 65 et 70% des personnes interrogées déclaraient soutenir la grève. Pourtant le succès n'est pas au bout. Pourquoi ? La première raison est certainement la détermination gouvernementale et le discours socialiste qui a du mal à s'éclaircir. Mais regardons du côté du mouvement social lui-même et le rapport qu'ont les français avec la grève. Et si c'était là, la principale explication de l'échec de la résistance syndicale et populaire ?

Baroud d'honneur.jpgRassemblant un capital sympathie les classes populaires et moyennes, le mouvement social n'a pas jugé nécessaire d'entraver celui-ci. De fait, les formes classiques de grèves étaient complètement inadaptées. Paradoxalement, c'est dans le soutien populaire qu'il faut chercher les causes, non exclusives, d'un échec. Le gouvernement su l'utiliser et les syndicats n'arrivèrent pas à le capitaliser.

 

Solidaires mais pas engagés

Les responsables syndicaux voulaient éviter le retournement de l'opinion. Bloquer les services publiques c'était faire payer aux classes populaires et moyennes très durement leur soutien. Un dilemme se posait. Il était encore plus perceptible quand les usagers s'exprimaient. Nombreux se déclarèrent solidaires mais sans vouloir être gênés dans la vie quotidienne. Sur ce point une première leçon de la grève antillaise du début 2009 est à retenir. Contrairement à ce qui vient de se passer en France, aux Antilles, à leur début et durant plusieurs semaines, le soutien et l'engagement populaire étaient indéfectibles. 100% des antillais ne soutenaient pas la grève. Mais le mécontentement était, et est si enraciné, qu'une frange très majoritaire de la population accepta les sacrifices. Là est une solidarité qui se voyaient dans l'engagement de la population. Elle est indispensable au bon lancement d'un mouvement social de grande ampleur. Elle a manqué à la grève contre la réforme des retraites. La quête de satisfactions purement individuelles a eu le dessus. Oui à la grève, mais non aux problèmes de transport. Oui à la grève, mais non au problème de garderie d'enfants. Oui à la grève mais pourvu que l'essence soit acheminé... etc. Le paradoxe est là et il a eut raison des stratégies syndicales. Comparativement aux Antilles l'étendue des récriminations faite n'était pas comparable. De fait, la solidarité était souvent qu'un principe et pas une réalité.

 

La jeunesse

lycéens reforme retraites.jpgUne autre leçon antillaise est à trouver dans la place de la jeunesse ou plutôt le regard porté sur les jeunes. Alors que le système scolaire antillais fut paralysé, en France, les jeunes furent accusés de naïfs manipulés, inconscients et casseurs. Ces adjectifs traduisent en grande partie une méfiance des jeunes, un mépris de leur capacité à raisonner, et un oubli de leur place dans les mouvements sociaux de l'histoire de France. A la décharge d'un tel raisonnement on peut s'interroger sur la place des lycéens. Mais il ne faut pas oublier que les jeunes sont aux premières loges pour constater l'impact d'une vie de labeurs sur les parents!

 

Et les étudiants ?

Les absents étaient les étudiants. Il y a bien eu quelques universités qui connurent des initiatives de blocage, mais globalement niet. Pourquoi ? Il faut oser le dire: à cause des syndicats étudiants de gauche. Premièrement le discours brouillé de la gauche sur les retraites n'a pas su donner aux syndicats étudiants des arguments qui légitimeraient une grève des facultés. Mais je vois une seconde cause bien plus importante que sont les traces des mouvements universitaires passés. Les syndicats étudiants se sont lancés ces dernières années dans des grèves qui ont usé. Contre la masterisation, contre la loi LRU, contre la disparition des IUFM, etc. Chaque année les classes populaires étudiantes étaient victimes de blocages. Dans un compétition entre universités les premières victimes furent ceux dont les parents ne pouvaient pas payer une location de studio, des repas, des ouvrages, des abonnements de train, le restaurant universitaire, dans le vent et une grande partie de l'année. Le manque d'efficacité, de lisibilité, et de pertinence des anciennes grèves étudiantes empêchèrent inévitablement une mobilisation étudiante, malgré les vacances, qui certainement aurait été déterminante pour un éventuel succès.

Les choses se sont passées globalement de manière différente aux Antilles. Victimes des mêmes injustices sociales les jeunes ont été des moteurs de la protestation antillaise.

 

"Le contrôle de la violence"

Sécurité LKP.jpgLa mort du syndicaliste Bino aux Antilles est survenue alors que le conflit était largement entamé. Les accords de fin de conflits prendront en Guadeloupe le nom du syndicaliste. Sans minimiser cette fin tragique dans une grève où l'armée a débarqué en Guadeloupe avec des méthodes d'invasion en pleine nuit (zodiaques, véhicules légers, outils d'interception...) les débordements furent peu nombreux. Il faut dire que l'impressionnant service de sécurité du LKP veillait, sachant que le succès dépendait d'une bonne image. Mais surtout le LKP ne vivait pas la grève contre les guadeloupéens, mais contre l'exploitation.

Cet « absence de violence » est à noter (une grève générale est par nature un acte violent où un contexte favorable à des violences). Les caméras en France se sont délectées de chaque débris de verres, de fumés lors des mobilisations contre la réforme des retraites. Ces images ont desservi une grève qui avait déjà du mal à s'imposer.

Aux Antilles, se sont les images de barrages, de rayons vides qui furent diffusées dans les médias. Elles avaient pour conséquence de montrer l'impact de la grève et la détermination des grévistes. N'oublions pas que la grève générale a durée en Guadeloupe plus d'un mois et plusieurs semaines en Martinique

 

Refus des contrefeux et prééminence de l'intérêt collectif.

Lors des grèves antillaises, des contrefeux étaient allumés. C'est une stratégie classique en gestion des conflits. Que ce soit le désir de créer une tension entre la Guadeloupe et la Martinique, le chantage au sous développement, la montée du chomage... Mais malgré ces dernier la grève générale a toujours su se présenter comme le prix élevé à payer pour l'intérêt de tous. C'est de toute évidence ce qui a principalement manqué aux syndicalistes français.

 

Que retenir ?

Couverture livre)002.jpgComme je le dis dans le livre Entre espérance et désespérance, il est extrêmement difficile de comparer les mouvements sociaux antillais et français. Ils sont différents. Cela doit être respecté. Par contre, les intentions, les motivations, la détermination, la solidarité, peuvent être comparés. Indiscutablement aux Antilles elles étaient plus importante que lors des grèves contre la réforme des retraites. L'intérêt collectif a durant longtemps supplanté les intérêts individuels. En France cela n'a pas été la situation la plus répandue. Conséquence; la grève française a été plus une thérapie de groupe, un baroud d'honneur, qu'une lutte où l'espérance d'avoir gain de cause était présente. Les Les individus soutenaient la grève mais é Voilà la principale leçon qu'assigne aujourd'hui les Antilles à la France.

17:02 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook