Adhésion à la Fédération protestante : clin d’œil à l’histoire adventiste. (3) (11.09.2006)

medium_16th_Street_Baptist_Church.jpgL’analyse de l’adhésion à la fédération protestante de l’Eglise Adventiste du 7ème Jour a réveillé beaucoup de débats au sein des communautés locales adventistes. Certains adventistes pensaient que cela permettrait de capitaliser des ressources pour être mieux reconnu dans l’espace religieux français. Pour d’autres c’était trahir l’identité d’adventiste, qui pour eux c’était forgé par opposition au protestantisme. Ce débat est de mon avis intéressant. Il permet de mettre en évidence les différentes représentations qu’ont les membres de leur église. En outre il démontre, comme j’aime à le montrer, que les organisations religieuses minoritaires ne sont pas des lieux d’une constante homogénéité. Du point de vue historique ce débat, qui est loin d’être clos dans l’adventisme français, conduit à noter que l’adventisme dans son histoire a toujours été un espace de liens ambivalents avec le monde protestant. Une illustration demeure l’émergence du groupe. Je vous ai déjà noté, rapidement (c’est malheureusement l’une des contraintes du blog), que l’adventisme était issu d’un mouvement de réveil millénariste le millérisme, du nom de son premier initiateur, William Miller. Miller a longtemps été influencé par la doctrine baptiste du retour du Christ. Insatisfaite par les démonstrations baptistes, il étudia rigoureusement l’eschatologie biblique au travers principalement du livre de Daniel. Il détermina que le retour du Christ était pour octobre 1844. Cette année-là marqua la fin du millérisme. De cette fin, allait naître, entre autre, l’Eglise Adventiste du 7ème Jour. Sans qu’il le sache, Miller avait des contemporains qui étaient arrivé à la même conclusion que lui. Le Jésuite Manuel Lacunza (1730-1801), Gutierrez de Rozas, juriste mexicain, d’Adam Burwell missionnaire anglais au Canada, le Pasteur anglican Robert Scott, Pierre-Jean d’Algier, ou encore du grand missionnaire Joseph Wolff avait tous la même conviction que Miller.

Mais ce qui est intéressant pour nous, en pensant à l’adhésion de l’Union des Fédération Adventistes à la FPF, c’est que les doctrines que vont adopter des millérites et par la suite l’Eglise Adventiste du 7ème Jour proviennent pour nombres d’elles de croyants venant d’autres églises protestantes. L’exemple le plus marquant reste sans doute la doctrine du sabbat. Celle-ci entra progressivement dans le mouvement millérite grâce à l’arrivée de baptistes sabbatistes. L’un d’entre eux est Rachel Oakes Preston. Elle est devenue millérite vers 1844. L’une des premières personnes qu’elle convainquit de la pertinence du sabbat fut le pasteur itinérant de sa communauté adventiste de Washington. Différents prédicateurs millérites ont acquis, grâce à des contacts au sein de cette communauté, la conviction de la nécessité d’observer le samedi, comme jour du sabbat et non le dimanche. L’un deux nous raconte Sergio Becerra est Thomas M. Preble. Preble publia dans différentes revues millérites des articles en faveur du sabbat. Preble fut ainsi à la base de la première formalisation au sein du millérisme du sabbat. Sa démarche rencontra un franc succès et de plus en plus de millérites devenaient des sabbatistes. Malgré la popularité montante du sabbat, Preble ne devint pas un dirigeant de l’adventisme naissant. Il fallut attendre l’adhésion d’un individu qui venait d’une autre dénomination protestante, Joseph Bates, pour voir un sabbatiste participer à la direction de l’adventisme naissant. Bates accepta la doctrine du sabbat à la lecture de Preble. Sa conviction était ferme. Elle s’enrichissa de sa rencontre avec Frederick Wheeler, pasteur de la première assemblée adventiste qui observait le sabbat dans le New Hampshire. Il rencontra également les frères Farnsworth, les premiers membres de l’assemblée de Wheeler, observateurs du sabbat. On le voit bien dans ce dessein au contour rapide que je tire, ce sont dès baptistes sabbatistes que l’adventisme droit la doctrine du sabbat. Au sein de l’adventisme cette doctrine pris une place particulière au point de devenir un élément central du discours adventiste. Cet apport d’un protestantisme n’est pas unique dans l’adventisme. Beaucoup d’adventistes ignore par exemple, qu’Ellen G. White, personnage charismatique central qui permis à l’adventisme d’avoir une homogénéité et une stabilité fut une méthodiste. Une autre évidence est à noter: l'adventiste naissant en terre protestante américaine, c'est dans cet univers qu'il trouvera les influences qui par la suite formeront ensemble, les spécificités adventiste.
Les différents apports du protestantisme (que j’effleure uniquement) ne doivent cependant pas cacher le souci adventiste de constamment se démarquer de l’univers protestant, tout en y étant un acteur. Lors de l’effervescence millérite, l’avancée du millérisme inquiétait les mouvements protestants établis. Le 28 juillet 1843, un dirigeant millérite, le pasteur Charles Fitch, par un prêche marqua une scission entre le millérisme et les mouvements protestants établis. Fitch, reprenant Ap. 14:8 et Ap. 18:4, des passages fortement mobilisés dans le protestantisme, renversa le sens de ces derniers contre les groupes protestants. Pour lui, le protestantisme américain est semblable à « Babylone » qui tombe. Conformément aux textes d’Apocalypse, il invita les membres de ses communautés à « sortir de Babylone » pour rejoindre le millérisme. Ce sermon contribua significativement à la rupture entre protestantisme établi et le millérisme, cette branche nouvelle du protestantisme. Ce discours permis également au millérisme de compter dans ces rangs des individus qui venaient des autres églises protestantes, confirmant de nouveau les origines multiconfessionnelles de l’adventisme.
En ne voulant pas rentrer dans la Fédération Protestante, des adventistes brandissaient la crainte de Fitch, à savoir : rester dans Babylone au lieu de s’y retirer. Pourtant ce serait oublier l’encrage historique de l’adventisme dans le protestantisme et les différents apports du monde protestant à l’adventisme. Le nom même de « Adventiste du 7ème Jour » retrace la relation ambivalente entre univers protestant et adventisme. Etymologiquement il renvoi à ceux qui attendent le retour du Christ. Historiquement il s’agit sous l’impulsion de Miller d’une mouvance protestante millénariste. Pourtant, l’adjonction de « 7ème Jour » visait à spécifier certes l’aspect central du sabbat, mais aussi à construire un nom qui serait selon Ellen White « un reproche constant au monde protestant ».
Evidemment cette manière (rapide) de conter l’histoire adventiste est éloignée de travaux adventistes qui ont le souci de préserver l’autonomie historique de l’Eglise Adventiste. Mais c’est dans cette quête du particularisme que l’on retrouve une des explications de la réticence adventiste à entrer dans la FPF, régénérant ainsi la relation paradoxale de l’adventisme, au sein du protestantisme avec l’ensemble protestant.

23:50 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Définition, Sabbat, Eglise Adventiste, Fédération Protestante de France, Historique | |  Facebook