Les visions d’Ellen White en question (Jean Luc Chandler) (11.08.2008)

 

Vision ellen White.jpgLa question de l’origine et du mécanisme des visions d’Ellen White s’est posée dès sa première vision en décembre 1844. A la différence des visions de William Foy, elles sont fréquentes et variées en instructions destinées à des individus, au groupe qui constituera l’Eglise adventiste naissante ou au grand public. Si Ellen contemple la gloire de la nouvelle Terre dans une vision en 1845, elle voit aussi dans une autre vision que le retour du Christ ne sera pas pour tout de suite. Le jubilé millénaire de paix ou de perfection annoncé par les post-millénaristes et les spiritualistes n’a pas commencé. Au contraire, on ira au-devant d’une époque d’immenses difficultés. Au temps de la fin, le monde entier connaîtra « un temps de détresse tel qu’il en a jamais eu depuis que les nations existent » (Daniel 12.1). De même que le peuple de Dieu traversera ce qu’elle appelle un court « temps de détresse de Jacob » (une expression empruntée à Jérémie 30.7) avant l’apothéose de la venue de Jésus. Une prédiction qui n’est pas toujours du goût de tout le monde.

 

Ellen white.jpgDans un premier temps, craignant les réactions hostiles, la jeune et timide Ellen essaie d’adoucir le contenu des messages (surtout lorsqu’ils sont personnels). Elle est parfois tentée de ne rien dire. Mais dans une vision, elle voit Jésus lui adresser en silence un regard sévère. Elle comprend aussitôt l’allusion. Elle n’osera plus taire ou atténuer la portée des messages. Elle craint plus la désapprobation de Dieu que le déplaisir des gens.

La plus longue vision

Les uns et les autres sont convaincus, perplexes ou sceptiques sur l’origine divine des visions. Au début du ministère d’Ellen White, certains critiques insinuent une dissimulation, une influence hypnotique ou n’importe quoi d’autre. Ils affirment qu’elle ne peut pas avoir une vision sans la présence de ses deux accompagnateurs privilégiés : sa soeur, Sarah Harmon et James White. Sargeant et Robins notamment - deux dirigeants spiritualistes de Boston dans le Massachussetts qu’Ellen dénonce pour leurs erreurs comme le refus de travailler - déclarent que ses visions viennent du diable.Souhaitant réfuter ces attaques, Otis Nichols et sa femme, deux adventistes convaincus, invitent en 1845 Ellen et Sarah Harmon dans leur maison à Boston, sans James White qui reste à Portland dans le Maine. Quelques jours après leur arrivée, les Nichols invitent Sargeant et Robins à une réunion d’étude de la Bible et de prière. Mais quand ceux-ci se rendent compte de la présence des deux soeurs, ils quittent précipitamment la réunion en bredouillant quelques excuses confuses. A la sortie, Nichols leur fait savoir qu’Ellen souhaiterait raconter son témoignage au cours de leur service de culte du prochain dimanche. Ont-ils une objection ? « Pas du tout, répondent-ils. Elle peut venir ».
A la veille du service du culte, Ellen voit en vision que Sargeant et Robins n’ont pas l’intention de respecter cet engagement. Ils ont convoqués leurs adeptes dans un autre lieu de rencontre : à Randolph, à une vingtaine de kilomêtres de Boston. Ellen apprend qu’elle doit s’y rendre car Dieu a un message pour ceux qui sont sincères et sans préjugés. Ils sauront si ses visions viennent du Seigneur ou de Satan.
Le matin suivant, Ellen assiste au culte, en compagnie de Sarah et de la famille Nichols, dans la maison d’un certain Thayer. Des dizaines de personnes sont réunis dans une grande pièce. Sargeant et Robins sont stupéfiés de la voir mais ils ne peuvent pas se défiler. Au contraire, en apparté Robins dit à Sarah qu’Ellen ne recevra jamais une vision en sa présence. Défi perdu ! Durant la réunion de l’après-midi, celle-ci a une vision. Il lui est révélé que Sargeant et Robins ne sont pas honnêtes et qu’ils sombrent dans l’obscurité spirituelle en s’entêtant. Leurs erreurs sont exposés par une série de textes bibliques.Les deux hommes sont consternés et très embarrassés. Othis Nichols rapporte qu’ils font des efforts désespérés pour détruire l’impact de la vision. Ils chantent, parlent et lisent la Bible à haute voix afin de couvrir la voix d’Ellen. Rien n’y fait ! Certains adeptes leur demandent de se taire. Robins réagit : « Vous vous prosternez devant une idole. Vous adorez le veau d’or ».Thayer, le propriétaire de la maison, a une « brillante » idée. Il a entendu dire qu’une influence satanique cesse quand on place une Bible ouverte sur une personne en vision. Il demande à Sargeant de poser sa Bible sur Ellen mais celui-ci décline sa proposition. Nullement refroidi par ce refus, Thayer prend une grosse Bible de 9 kilos, rarement utilisée, qui se trouve sur une table et il l’a dépose dans les bras de la jeune-fille menue. Aussitôt fait, Ellen la soulève d’un seule main, les yeux levés vers le ciel, et déclare : « C’est la Parole inspirée de Dieu ». Les yeux toujours fixés vers le ciel, elle tourne les pages de la Bible de l’autre main et pointe du doigt les textes qu’elle rapporte. Piqués par la curiosité, les gens se lèvent pour regarder les textes dans la Bible. A leur stupéfaction, elle les cite tous correctement.
Quand la vision s’achève, Ellen voit des bougies allumées dans la pièce. C’est le crépuscule. Elle a été en vision pendant près de quatre heures – c’est d’ailleurs la plus longue vision de son ministère. Sargeant, Robins et leur groupe sont silencieux et troublés mais ils refusent d’accepter ses conseils. Ellen revoit ce groupe quelques semaines plus tard. Elle leur annonce que d’après ses visions, « la malédiction de Dieu les atteindra ». Et en effet, Nichols rapporte que quelques semaines plus tard le groupe se disloque quand certains confessent « les actes les plus honteux ». Les personnes sincères les quittent. Un an après, le reste du groupe est complèment désintégré. Cette histoire est rapportée par Arthur White dans la biographie Ellen White ou par Herbert Douglass dans They were there.

Le rôle d’Ellen White

Ellen white 02.jpgLes adventistes considèrent la Bible comme la seule autorité. Ces penseurs indépendants acceptent difficilement les conseils des premiers venus, et à plus forte raison ceux d’une adolescente, à moins d’avoir l’assurance qu’elle a reçue un appel spécial de la part de Dieu. Ils se plongent dans leurs Bibles pour savoir si ses visions sont normatives. Selon l’Ecriture, le prophète (nabi en hébreu et prophètès en grec) est un porte-parole de Dieu. Il est aussi appelé « le voyant » ou « le visionnaire » car les messages de Dieu lui sont souvent transmis par des visions. Nous l’avons dit précédemment, les adventistes découvrent quatre tests bibliques pour identifier un prophète : 1. des enseignements bibliques (Esaïe 8.20), 2. l’exaltation du Christ incarné (1 Jean 4.2), 3. une vie chrétienne exemplaire (Matthieu 5.20) et 4. l’accomplissement des prédictions (Jérémie 28.9). Dans un sens, il faut un peu de recul historique pour appliquer à Ellen White toutes ces caractéristiques et aboutir éventuellement à cette conclusion. Au début de son ministère, elle apparaît comme une chrétienne sincère et équilibrée mais son ministère n’est qu’au début d’un processus de maturité. Les adventistes démarrent leur recherche biblique. Ils n’ont pas encore établi leurs doctrines. Quelques prédictions annoncées par Ellen White se sont déjà réalisées mais certaines, étonnantes pour ses contemporains, sont relativement éloignées dans l’avenir (ce qu’elle ignore). Elle les comprendra bien mieux plus tard. Alors qu’est-ce qui convainc les adventistes qu’elle est une prophétesse ?
Ils concluent tout d’abord que les dons spirituels, y compris de prophétie, n’ont pas cessé après la fermeture du canon biblique. Après l’époque des apôtres, les charismes continuèrent à se manifester au sein de l’Eglise chrétienne. Ils placent les écrits d’Ellen White dans la catégorie des paroles inspirées des prophètes comme Nathan, Gad, Elie, Elisée ou Jean-Baptiste, qui ont guidées Israël mais qui n’ont pas été consignées dans le canon. Ses conseils ne supplantent pas la Bible, ils ne la remplacent pas, mais ils guident la communauté de foi adventiste.

L’origine des visions

D’autre part, les historiens remarquent plusieurs phénomènes au début du ministère d’Ellen White. Premièrement, certaines visions sont publiques (durant des réunions ou des camp-meetings). Elles le seront au plus tard jusqu’en 1884. Après cette date, elles seront uniquement privées – souvent des songes durant la nuit. Ellen ne peut pas controller ni savoir le moment où elle aura une vision. Mais beaucoup de personnes, y compris les opposants, ont la possibilité de la voir, de l’écouter, de l’examiner et de la questionner au moment opportun. Les témoignages sont nombreux.
Deuxièmement,
les messages solennels des visions marquent profondément l’esprit des adventistes. Ils parlent d’espérance, de conversion, de repentance. Ils s’accordent avec les enseignements de la Bible.
Il faut dire un mot à propos des phénomènes physiques qui accompagnent ces visions. Les adventistes concluent qu’ils ne sont pas une preuve suffisante de prophétisme. Herbert Douglass indique dans le livre Messenger of the Lord que lorsque les prophètes ont une vision, ils perdent parfois leurs forces ou ils recoivent un regain d’énergie. Ils tombent éventuellement sur le sol dans un sommeil profond. Parfois ils sont incapables de dire un mot mais quand un guide céleste touche leurs lèvres, ils se mettent à parler. Souvent ils ne respirent pas. Ils n’ont pas conscience de ce qui se passe autour d’eux, même en ayant les yeux ouverts. Ils entendent et voient des évènements dans d’autres lieux comme s’ils y sont présents. Ils ont clairement conscience d’être en présence d’un Être surnaturel quand ils communiquent avec Dieu. Ils ressentent leur indignité devant lui. Quand la vision s’achève, leurs forces et leur respiration reviennent. Ocassionnellement, ils ont un traumatisme post-visionnaire temporaire (un épuisement physique).
Pour
les adventistes, ces phénomènes physiques sont d’un intérêt secondaire. La Bible les mentionne mais elle n’insiste pas sur leur importance (Daniel 10.4-19, 8.27). Comme les miracles, ils ne constituent pas un test sûr et fiabled’identification du prophète car Satan essaie de contrefaire les oeuvres de Dieu en les imitant par des illusions (Matthieu 24.24). Troisièment, Ellen White demande souvent à ses interlocuteurs ne pas se précipiter dans leurs jugements mais d’attendre la suite des évènements qui confirmera ses dires – comme dans le cas de Sargeant et de Robins. Cette forme de réalisation prophétique à court terme en direct les fait réfléchir et atteste sa mission prophétique.

Les biblionautes

ellen et james white.jpgPeu à peu, la confiance des adventistes dans l’origine divine des visions grandit. Ils n’hésiteront jamais à les questionner et à les passer à la moulinette des tests bibliques sur le prophétisme. Mais leur plus grande préoccupation (nous le verrons dans le prochain article) est de se regrouper, de découvrir de nouveaux horizons bibliques de vérités et d’inciter les millérites à les accepter.

04:31 Écrit par fades | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : ellen white, eglise adventiste | |  Facebook