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Jospeh Bates (2/2) par Jean Luc Chandler

1523651125.jpgEn mai 1845, Joseph Bates conclut que les millérites ont commis une grave erreur à la conférence d’Albany en affirmant qu’il ne s’est rien passé le 22 octobre 1844. Cette décision, qu’il considère être une apostasie, lui restera toute sa vie en travers de la gorge. Il écrit : « Je ne peux m’empêcher de penser que notre position est correcte à propos du cri de minuit, que nous avons été au mariage [une allusion à la parabole des dix vierges de Matthieu 25] et que la porte est fermée... Nos frères déchus se rendront bientôt compte de leur triste erreur » (Jubilee Standard, 29 mai 1845).
Pendant deux ans, Joseph Bates étudiera sa Bible afin de trouver un sens à la situation. Il produira la première analyse historico-théologique adventiste sur les évènements qui secouèrent le millérisme en 1844-1845. Dans son esprit, l’histoire et la théologie sont indissociables. Il publiera deux livres : l’un sur les spiritualistes et l’autre sur les albanistes. Afin de comprendre son raisonnement, avançons un peu dans le temps.

Analyse historique

En mai 1846, Bates publie The Opening Heavens afin de réfuter la dérive spiritualiste. Il remarque que quelques « milliers de personnes qui attendaient le retour personnel du Seigneur Jésus dans le ciel en ces jours de la fin, ont, dans leur déception, abandonné la seule position scripturaire et enseignent maintenant qu’il est revenu en esprit » dans le coeur des croyants (p.1). Pour Bates, les spiritualistes se fourvoient en donnant une signification symbolique au retour du Christ. Il cite les textes bibliques qui indiquent que son avènement sera visible. 

En 1847, dans Second Advent Way Marks and High Heaps, Bates analyse l’histoire du millérisme et du courant albaniste de 1840 à 1847. Le titre du livre est inspiré d’un texte biblique :

« Dresse-toi des signaux, balise ton parcours, fais bien attention au sentier et au chemin que tu empruntes. Reviens, ô communauté d’Israël ». (Jérémie 31.21)  

Bates décrit l’histoire de l’adventisme comme un parcours balisé de signaux prophétiques. Selon lui, au départ tous les millérites ont suivi les premiers signaux (les 2300 jours prophétiques de Daniel 8.14, le message des trois anges d’Apocalypse 14) mais après 1844, les albanistes ont ignoré d’autres signaux comme l’instruction du jugement et le sabbat.
Bates estime que les dirigeants millérites ont détourné les albanistes de leur boussole prophétique historique. Ils oublient comment Dieu les a guidé dans le passé. Il le dit à William Miller, à Joshua Himes et à Josiah Litch. Dans une longue lettre, il reproche à Miller de s’être retourné contre sa propre logique. Des années plus tard, Bates se lamentera qu’en suivant les dirigeants millérites, des dizaines de milliers d’albanistes n’ont pas fait cause commune avec les sabbatistes – les seuls à préserver intact l’héritage spirituel millérite. A cause de cela, leur mission d’annoncer le retour du Christ au monde entier sera rendue bien plus ardue.


L’origine du sabbat
Retournons en 1845. Joseph Bates s’écrie souvent : « Oh comme j’aime ce sabbat ! » Pendant quelques mois, il a quelques doutes à cause de certains spiritualistes qui – temporairement – adorent Dieu ce jour là. Il rejette totalement leur fanatisme. Mais le sabbat lui apparaît comme une grande vérité biblique et une préparation au retour de Jésus. Dans cette période troublée du millérisme, la redécouverte de ce jour de repos renforce sa conviction que l’adventisme est un mouvement guidé par Dieu. Ce raisonnement est typiquement connexioniste ! Comme Joshua Himes et James White, Bates est un ancien membre de l’Eglise chrétienne – aussi appelée la connexion chrétienne. Les connexionistes croient que toutes les vérités bibliques doivent être restaurées. Bates observe que l’origine du sabbat est très ancienne. Elle remonte à la création :

« Au septième jour, Dieu avait achevé de créer tout ce qu’il avait créé. Alors il se reposa ce jour là de toutes les oeuvres qu’il avaient accomplies. Il bénit le septième jour, il en fit un jour qui lui est réservé, car, en ce jour-là, il se reposa de toute l’oeuvre de création qu’il avait accomplie. » (Genèse 2.2-3)      

Les sabbatistes conclueront que Dieu a créé le monde en six jours afin de graver un mémorial perpétuel de son acte créateur à la fin du cycle de la semaine. Il s’est reposé le septième jour pour donner un exemple. S’il avait créé le monde en une fraction de seconde, célébrer « l’anniversaire » de cet évènement aurait été impossible. Le sabbat rappelle sa puissance créatrice et son autorité sur ses créatures. C’est le jour de l’adoration universelle du Créateur.      
Ils relèveront que les patriarches et les prophètes l’ont fidèlement observé : Adam, Seth, Hénoc, Noé, Moïse, Josué, Samuel, David, Elie, Esaïe, Daniel, Esdras ou Jean-Baptiste. Ils notent que Jésus s’est fait appeler « le Seigneur du sabbat » (Matthieu 12.8). Lui et les apôtres l’ont aussi fidèlement observé (Luc 14.16, Actes 17.2). On ne trouve pas la moindre trace dans la Bible et l’histoire d’un changement du jour du repos au sein de l’Eglise chrétienne primitive. Pour Bates,  cette vérité biblique doit être restaurée. Il décide de s’y employer en écrivant un livre.

 

Un projet sans moyens
Bates s’assied un matin, avec une Bible et une concordance sur la table. Il a à peine commencé à écrire que sa femme, Prudence, sort de la cuisine : « Joseph, je n’ai pas assez de farine pour finir le pain ». Bates se rend à la boutique la plus proche. Il achète la farine demandée. De retour chez lui, il se remet au travail. Mais peu de temps après, Prudence revient le voir. Elle n’arrive pas à y croire :

- Toi, capitaine Bates. Un homme qui a navigué sur toutes les mers du monde, tu es allé m’acheter quatre livres de farine !

- Prudy, j’ai dépensé pour cette farine tout l’argent qu’il me reste sur terre.

Prudence est effondrée. Elle ignorait que son mari avait dépensé toute sa fortune pour annoncer le retour du Christ.

- Qu’allons-nous faire ?, sanglote-t-elle.

- Je vais écrire un livre afin de répandre la vérité sur le sabbat dans le monde entier.

- Mais comment allons-nous vivre ?

- Le Seigneur pourvoira !

- Le Seigneur pourvoira ! C’est toujours ce que tu dis.

C’en est trop pour Prudence. Les yeux remplis de larmes, elle s’enfuit dans sa chambre. Accoudé à la table, Joseph continue à écrire. Mais une demi-heure plus tard, il a l’étrange impression qu’une lettre l’attend au bureau de poste. Il va voir sur le champ. Il y a en effet une lettre pour lui. Mais il n’a pas d’argent pour payer le timbrage de cinq cents. Aussi il demande au postier d’ouvrir la lettre. Quand celui-ci s’exécute, un billet de dix dollars tombe sur le sol. Il provient d’un millérite qui a ressenti que Bates en a besoin. Le capitaine se rend dans une boutique. Il achète un baril de farine et d’autres vivres. Un coursier les dépose devant sa maison. Bates se rend immédiatement à l’imprimerie pour commander l’impression de mille brochures sur le sabbat. Il ne sait pas comment il obtiendra l’argent pour régler cette dépense mais il fait confiance à Dieu. Après cela, sans rien dire, il entre par la porte de derrière de sa maison et il se remet au travail. Prudence arrive bientôt toute excitée :

- Joseph, viens voir. D’où viennent ces choses ? J’ai dit au coursier que cela ne m’appartenait pas mais il a dit que c’était bien l’endroit qui lui avait été désigné.

- Bien. Je pense que tout est en ordre.

- Mais d’où cela vient ?

- Le Seigneur l’a envoyé.

- Oh oui, le Seigneur l’a envoyé. C’est toujours ce que tu dis.

- Lis et tu apprendras d’où cela vient, dit Joseph en lui tendant la lettre.

En la lisant, des larmes, de joie cette fois, montent aux yeux de Prudence. « Joseph, comment ai-je pu manquer de foi à ce point ? »

 
Le fondateur
Après cette expérience, c’est une évidence pour Bates : Dieu guide le mouvement adventiste. Aussi il avancera avec foi dans l’écriture du livre sur le sabbat. Les meilleures biographies – Outrider of the Apocalypse de Godfrey Anderson ou Joseph Bates de George Knight – le soulignent : il est le premier théologien et d’une certaine manière le premier historien adventiste. Il partira à la recherche de tous les acteurs qui poseront les bases de la future Eglise adventiste du septième jour. Avant l’organisation officielle de celle-ci en 1863, c’est lui qui présidera le plus souvent ses réunions importantes. Dans un sens, il en est le vrai fondateur. L’historien Everett Dick l’appelle « le pionnier des pionniers » sabbatistes (Founders of the Message, p.105). James White dira de lui : « Ceux qui le connaissent le mieux et le plus longtemps l’ont en très haute estime ».

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