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Ethique de responsabilité et éthique de conviction au sein de la SDA aux Antilles.

Cette note fait suite à la rencontre avec l’Association Pastorale de la Fédération de la Guadeloupe. Mes remerciements à ses membres pour l'accueil et à son responsable Franck Voltaire. 
Photo de : http://www.adventiste-capesterre.org/vie-eglise/galerie-photos/917-lieux-de-culte-adventiste-en-guadeloupe

Max Weber est d’un secours majeur pour comprendre les orientations qui existent dans les débats internes à une communauté religieuse pour construire ses liens avec la société.
Pour avoir récemment échangé avec des pasteurs de différentes communautés, dont principalement les adventistes du septième jour, il existe toujours un débat sur les formes de relations à mettre en place avec la société globale. Certains développent l’idée qu’il faille s’arc-quebouter sur les positions de la communauté. C’est pour eux la primauté même si cela entraîne un rejet. D’autres s’interrogent sur la réception du discours dans la société et préfèrent modifier leur pédagogie, quitte à sélectionner des éléments pour faciliter l’accueil du message. Ceux-là sont sensible aux exigences légales et sociétales.
Cette ligne de fracture, Weber l’a explicitée au travers de l’éthique de conviction et de l’éthique de responsabilité. L’éthique de conviction renvoie à l’idée, héritée de Kant, selon laquelle une action doit se structurée autour des principes supérieurs auxquels croient le porteur de l’action. De son côté l’éthique de responsabilité est conséquentialiste. Elle se structure autour des effets des actions. Elle s’interroge donc sur la réceptivité sociale de l’action.

Ces deux conceptions peuvent faire tension. Comment porter une action cohérente avec ses croyances (éthique de conviction) quand se réceptivité sociale peut être négative (éthique de responsabilité) ? Souvent les actions religieuses sont enfermées dans cette étau.

Aujourd’hui l’adventisme antillais porte cette question, même si elle n’est pas formulée ainsi. Face à une société antillaise traversée par de nombreuses questions (la violence, le chômage, la formation, les évolutions du couple…), les pasteurs adventistes s’inquiètent de la réceptivité de leur discours. Et cela pour plusieurs raisons. J’en retiendrai deux. (1) La première est l’apport de l’adventisme dans la construction d’une société antillaise pacifiée. C’est ce que j’ai toujours formulé autour de l’éthique de responsabilité. A partir des convictions religieuses, il s’agit de sensibiliser sur l’intérêt de se conformer aux exigences divines pour espérer le développement de meilleurs liens sociaux. (2) L’autre question est le niveau de déconversion intergénérationnel. Des enfants d’adventistes sont nombreux à quitter le groupe. Ici c’est le constat flagrant d’une réceptivité négative. Contribuer à faire évoluer la société est un enjeu. Renforcer la plausibilité du discours chez les enfants d’adventistes est un autre dans une société qui propose des discours en concurrence avec ceux du groupe.

Nombreux pasteurs adventistes semblent vouloir devenir ainsi des « contributeurs » à la vie sociale. C’est une perspective issue de l’éthique de conviction. Les deux questions sont complémentaires. Les déconversions peuvent être comprises comme une incapacité du discours adventiste à donner du sens à la vie sociale, aux trajectoires individuelles dans cette vie sociale. Eviter les déconversions passe par se réinterroger sur la réceptivité du discours dans toute la société antillaise. Si des individus, socialisés dans l’adventisme rejette le groupe, c’est qu’il y a une inadaptation du discours à la réalité. Il faut donc repenser sa pédagogie et son opérabilité face aux enjeux individuels et sociaux.

A côté de cette vision qui réinterroge le discours, sa pédagogie au regard de sa réceptivité, d’autres cadres religieux considèrent que les normes religieuses sont ontologiquement incompatibles avec les exigences sociales. Etre cohérent, nécessiterait de prendre acte de cette distance inéluctable et incompressible avec la réalité sociale. Il serait donc vain, non productif, de chercher un lien consonant avec les règles de la société globale. Les déconversion au sein même du groupe sont des constats, certes violents, du rejet inévitable. Ce discours est porté par ceux qui sont marqué d’une éthique de conviction. Penser, anticiper les aménagements entre le discours du groupe et les normes sociales (y compris administratives et juridiques) n’est pas concevable pour "les convictionnels".

Cette dichotomie n’est pas nouvelle. Mais ce qui est remarquable dans l’adventisme antillais est le tournant marqué vers l’éthique de responsabilité. L’idée que l’adventisme peut être un moteur, contributif, au changement social est réel. Reste à mettre en place des actions. Cela ne se fera pas sans tension interne entre les deux éthiques. Mais là encore, rien de nouveau sous le soleil.
Pour avoir longuement échangé avec des pasteurs adventistes aux Antillais, il faut se rendre compte du grand changement. Le basculement de l’éthique de conviction vers l’éthique de responsabilité se fait au prix de débats tendus. Mais ce basculement semble irréversible tant la demande sociale, y compris dans les communautés locales, pour une discours religieux empirique est forte. Cette observation du terrain permet de souligner que l’adventisme antillais est un espace extrêmement dynamique. Les lectures, les analyses que nous, sociologues, en avons faites au début des années 80 (Raymond Massé) et depuis la fin du XX (Fabrice Desplan) doivent s’inscrire dans un cadre temporel précis. Désormais rendre compte du dynamisme est une grande nécessité, même si personnellement, à la différence de mes collègues j’ai toujours veillé à qualifier de DYNAMIQUE l’adventisme antillais.

 

Photos extraites de : http://www.adventiste-capesterre.org/vie-eglise/galerie-photos/917-lieux-de-culte-adventiste-en-guadeloupe

 

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