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Entretien de Janine Tavernier au Monde

medium_Tavernier.jpgJ’ai beaucoup critiqué ici implicitement ou explicitement le travail d’organisations dites anti-sectes. En effet celles-ci usent d’une logique qu’elle dénonce, à savoir une vision dualiste et simpliste du monde religieux, refusant toute ouverture vers toute autre discours que le sien, considérant les sociologues comme des silencieux complices, voir des promoteurs de groupes dangereux. Ces derniers ont une vision pathologique du religieux. Les groupes, parce qu’ils sont minoritaires et/ou nouveau sont perçus comme des fléaux, des fluxions sociales, qui peuvent se diffuser dans l’ensemble de la société. Comme une épidémie il faudrait donc les combattre !

L’un des groupes les plus actifs dans cet enfermement demeure l’UNADFI. Je vous ai rapporté l’échange épistolaire que j’ai eu avec C. Delporte présidente de l’ADFI Nord, démontrant son manque de compréhension sur les complexités des rapports au religieux. Pourtant, les associations de citoyens sont de mon avis utiles, dans un contexte démocratique pour éviter les excès que l’on rencontre dans des groupes religieux. L’existence de groupes anti-sectes n’est donc pas le problème. Le risque républicain demeure pour moi dans la vision, unidirectionnelle et conflictuelle, que développent les groupes anti-sectes qui occupent l’espace médiatique. Cette tendance semble, comme le supplice d’Ulysse, n’avoir aucune fin. On est loin de la logique initiale du combat contre les dérives religieuses, qui visait à condamner des injustices dont des adeptes se sentaient être victime, au regard de la loi. Le but n’était pas de discriminer un groupe religieux, mais de défendre les individus. Le parallèle serait la défense d’un travailleur dans une organisation, sans pour autant s’intéresser à la légitimer de ladite organisation, bien que cette dernière question demeure légitime.

L’entretien que Janine Tavernier dans le journal Le Monde daté du 17 novembre 2006 est à ce titre très explicite. J. Tarvernier alerte face aux dérives des organisations anti-sectes, dont l’UNADFI qu’elle connaît fort bien puisqu’elle en fut la présidente de 1993 à 2001. Intéressant de constater que Tavernier, retraçant les l’historique des influences de l’UNADFI dénonce la logique de chasse aux sorcières qui se développe. Rien ne vaut pour s’en rendre compte de lire l’interview de Tavernier qui n’a nullement besoin d’explicitation pour illustrer les analyses et inquiétudes que nous développons en nombreux points du blog. Et oui, qui aurait dit que nous marquerions une proximité avec une ex présidente de l’UNADFI. Conclusion : il ne faut pas désespérer.

 

Le Monde : Vous êtes une figure de la lutte contre les sectes. En préfaçant un livre Sectes sur ordonnance, aux éditions Amorc, vous dénoncez des "dérives" dans les associations antisectes. Pourquoi ?
Janine TAVERNIER : J'ai présidé l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (Unadfi, principale association antisectes) de 1993 à 2001. Lorsque j'y suis entrée, en 1984, l'association ne s'occupait ni des croyances ni des philosophies, mais simplement des personnes. J'ai toujours eu pour principe : on laisse nos croyances au vestiaire, on s'intéresse aux faits. Aujourd'hui, je m'inquiète lorsque j'entends la présidente de l'Unadfi, Catherine Picard, critiquer à La Réunion les " Eglises évangéliques " sans distinction.

LM : Pourtant, on reprochait à l'Unadfi d'être une association d'inspiration catholique, par comparaison avec le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), étiquète plus "rationaliste". Est-ce exact ?
J.T : L'association a été fondée par des personnes d'origine catholique,  mais ouvertes. J'ai souhaite qu'on aille vers davantage d'ouverture. Petit a petit, beaucoup de francs-maçons sont entres dans l'Unadfi, lui donnant une coloration qu'elle n'avait pas a l'origine. L'association avait été fondée par des familles touchées dans leur entourage par le phénomène sectaire. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'elle s'est politisée.

L.M :Pourquoi avez-vous quitté la présidence de l'Unadfi ?
J.T : En 2001, je sentais qu'on s'engageait dans une chasse aux sorcières. Plusieurs dérapages ont eu lieu. On m'a reproche de mettre mes enfants dans une école Steiner, ce que, d'ailleurs, je ne regrette pas. Alain Vivien, alors président de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), a commencé à attaquer l'anthroposophie, qui inspire les écoles Steiner. Pour ma part, je n'ai aucune attache philosophique, dogmatique, politique ou religieuse. Je suis libre et c'est bien ce qui dérange tout le monde ! J'ose a peine dire que je me soigne à l'homéopathie...

L.M : Comment jugez-vous l'action de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ?
J.T  Quand Jean-Michel Roulet a pris la présidence de la Miviludes, en 2005, je lui ai fait confiance. Puis j'ai vu qu'il avait épinglé l'Amorc (Ancien et mystique ordre de la Rose-Croix) dans le rapport 2006. Ce n'est pas sérieux.

L.M  Que pensez-vous de la polémique actuelle qui oppose des parlementaires et l'administration sur le statut des Témoins de Jéhovah ?
J.T  Je me suis battue pour qu'on distingue les nouveaux mouvements religieux, comme les communautés charismatiques, et les vraies sectes. A cette époque, les choses étaient plus nettes. Aujourd'hui, on ne sait plus ou l'on en est. Si des travaux sérieux avaient été entrepris, on y verrait plus clair.

L.M  En ce qui concerne les Témoins de Jéhovah, j'ai entendu beaucoup d'anciens adeptes. Le monde extérieur y est décrit comme l'enfer. C'est triste quand une fillette de 4 ans, a qui sa maitresse demande de faire un cadeau pour la Fête des mères, refuse parce que cette fête est interdite chez elle !
J.T  L'administration estime qu'il n'y a pas de trouble a l'ordre public. Soit. Ce que je demande, c'est qu'on prenne le temps de la réflexion et qu'on évite les amalgames. J'ai toujours été contre le principe des listes de sectes.

Au delà de l'entretien publié dans le Monde, notons que Tavernier comme ceux qui l'ont remplacés dans la chasse à la "secte", n'a pas marqué les esprits par une inoubliable ouverture vers la pluralité religieuse. Cependant, si de la position qui est sienne elle constate une dérive majeure, qui doit alors parler pour que s'arrête en France la suspicion généralisée sur la différence religieuse ? Peut-être que les roches devrons crier !


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