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Le 22 octobre 1844 (de JL Chandler)

6b03011ec7c2ea3c79e111cbd8b51c36.jpegLe mardi 22 octobre 1844, le jour se lève clair et brillant. De bonne heure, des millérites se réunissent sous un grand chapiteau à Rochester dans l’état de New-York pour prier et témoigner. Les orateurs utilisent des expressions telles que « les dernières heures du temps, les derniers moments de l’humanité, nous sommes aux portes de l’éternité ».

Combien de personnes attendent le retour du Christ ? Selon William Miller, ils sont 50 000 aux Etats-Unis, mais il est connu qu’il a toujours été modeste dans ses estimations. La nouvelle a eu un grand écho dans la population clairsemée de ce grand territoire pratiquement vide. En mars 1843, Miller rapporte dans son journal : « J’ai tenu 3200 réunions de 1832 jusqu’à maintenant ». Selon une estimation de Joshua Himes, un demi-million à un million de personnes assistent aux camp-meetings millérites en 1843 et 1844. Les historiens pensent qu’au moins 150 000 personnes, voire le double, se sont préparés activement à la venue du Christ. Whitney Cross observe que plus d’un million de sceptiques anticipent aussi l’évènement avec anxiété. A l’époque, il y a 17 millions d’Américains.   

 

Une terre de liberté

Pourquoi l’adventisme a démarré aux Etats-Unis ? La liberté religieuse est la principale raison. Par tradition, c’est une terre d’acceuil pour ceux qui fuient l’intolérance. Les huguenots de la France, les luthériens de l’Allemagne et de la Suède, les réformés et les mennonites de la Hollande, les catholiques, les puritains, les baptistes, les congrégationalistes, les quakers et les méthodistes d’Angleterre, les presbytériens d’Ecosse et les juifs du Brésil y ont immigré en masse. L’Europe est une mosaïque de religions nationales. Être anglais, c’est être anglican. Être luthérien, cela veut dire être un allemand. On est forcément catholique en Italie ou en Espagne, orthodoxe en Grèce ou en Russie. En revanche, la constitution américaine, unique en son genre à l’époque, garantit deux principes fondamentaux de liberté :

1. L’absence de discrimination religieuse. « Aucune formalité ou croyance religieuse ne pourra jamais être exigée comme une condition d’aptitude à une fonction de l’état ou à une charge publique aux Etats-Unis ».

2. L’absence de religion nationale. « Le congrès ne pourra faire aucune loi relative à l’établissement d’une religion ou à l’interdition de son libre exercice ».

Selon Thomas Jefferson, un des pères fondateurs de la chartre, « un mur de séparation » est fermement établi entre l’Eglise et l’Etat. Cette vision de la laïcité n’est pas contre la religion. Au contraire ! L’idée que  les hommes ont été créés libres, égaux et frères, a inspiré tous les rédacteurs (chrétiens, déistes et humanistes) de la constitution américaine signée en 1787. Une idée qui provient directement de la Bible. Pour eux, la pratique religieuse noble stabilise la moralité et l’ordre de la société. Ils ont seulement empêché la fusion du pouvoir spirituel et temporel, car l’histoire a montré que c’est une source d’intolérance. Mais ils n’ont pas supprimé ou reffréné l’exercice libre et public de la religion – une autre forme d’intolérance et d’extrémisme - comme sous les républiques athées, notamment durant la Révolution française deux ans plus tard. L’Amérique a créé ce qu’elle appelle « un royaume sans roi et une église sans pape ». Elle ne favorise, ni n’interdit aucune religion ou incroyance, sans pour autant les confiner purement et forcément à la sphère privée. L’adventisme naît dans ce pays parce que les millérites ne butent pas sur les restrictions des pays européens. C’est une terre de liberté, un terrain fluide aux changements de confessions et ouvert à l’expression de toutes les croyances.

  
Le grand désappointement 

La journée du 22 octobre s’étire lentement. Midi, le crépuscule, minuit. Il ne se passe rien ! Les milérites doivent se rendre à l’évidence. Jésus n’est pas revenu. Ils se sont trompés. Ils sont anéantis par la déception. « Nos attentes et nos espoirs les plus chers explosèrent, avouera Edson Hiram. Un sentiment de chagrin s’abattit sur nous comme je n’avais jamais fait l’expérience auparavant. La perte de tous les amis terrestres semblait pâle en comparaison. Nous avons pleuré, pleuré, jusqu’à l’aube ». George Knight appelle le jour suivant « le mercredi noir » des millérites : « Il aurait dû être le premier jour dans le ciel. Au lieu de cela, ils étaient toujours enchaînés à la terre, en état de choc, de deuil et la risée » du monde entier. « La vieille planète est toujours sur orbite en dépit des efforts pour l’arrêter, raille le quotidien Plain Dealer de Cleveland dans l’Ohio. Les croyants de cette ville, après avoir veillés et fait du bruit comme des sérénades de chats de gouttière, sont allés se coucher pour faire un petit somme. Nous espérons qu’ils se réveilleront en individus rationnels ». « Est-ce que la Bible s’est trompée ?, s’interroge Hiram. N’y a-t-il aucun Dieu, aucun ciel, aucune cité d’or, aucun paradis ? Est-ce que tout ceci n’est qu’une fable habilement conçue ? » James White observe que la seule pensée d’affronter « les soucis, les anxiétés et les dangers de la vie en étant ouvertement exposé aux railleries et aux sarcasmes des incroyants, qui se moquaient à présent comme jamais auparavant, était une terrible épreuve de foi et de patience ». Quand Joshua Himes visite sa congrégation à Portland dans le Maine quelques jours plus tard, et qu’il déclare que « les frères devaient se préparer pour un autre hiver difficile », White craque : « Mes émotions furent presque incontrôlables. J’ai quitté le lieu de réunion en pleurant comme un enfant ».

William Miller décrit l’hostilité qui entoure les millérites : « C’était comme si tous les démons du puit de l’abîme avaient été lachés sur nous. Ceux, et beaucoup d’autres, qui imploraient la miséricorde divine deux jours auparavant, se trouvaient mêlés à la populace et aux moqueurs qui les vilipendaient et qui les menaçaient de la manière la plus blasphématoire ».

A Troy dans l’état de New-York, une foule parade et parodie dans la rue. Revêtus de robes blanches, les gens sonnent de la trompette et se pâment en criant : « Viens Seigneur Jésus, viens vite ! » En divers lieux, les passants harassent les millérites : « N’es-tu donc pas monté ? » A la violence verbale s’ajoute la violence physique. Les services religieux des millérites dans leurs propres maisons (ils ne peuvent plus se réunir dans les églises) sont parfois interrompus par des foules en colère, parfois armées. Décidément la tolérance est une valeur fragile. Même dans l’Amérique libre, elle peut parfois être malmenée.

  

Surmonter la déception

Miller est éprouvé par l’humiliante expérience mais il garde une attitude sereine dans l’adversité. Le 10 novembre 1844, il fait une déclaration mémorable : « Bien que j’ai été deux fois désappointé, je ne suis pas abattu et découragé. Dieu a été avec moi en esprit et m’a réconforté... Mon esprit est parfaitement calme et mon espérance en la venue du Christ est plus forte que jamais. J’ai fait seulement ce que je ressentais après plusieurs années de sobre considération comme étant mon devoir solennel... Frères, tenez-bon ; qu’aucun homme ne ravisse votre couronne. J’ai fixé mon esprit sur un autre temps. Je veux dire ici : se tenir debout jusqu’à-ce que Dieu m’apporte davantage de  lumière – et c’est aujourd’hui, aujourd’hui, aujourd’hui jusqu’à-ce qu’il vienne. Et je verrai celui que mon coeur désire ».    

Miller a retenu la dure leçon. L’espérance du retour du Christ n’est pas usurpée mais on ne peut pas, on ne doit jamais, en fixer la date. Aujourd’hui est la seule date qui compte. Il faut se tenir prêt, attendre patiemment ce rendez-vous. Puisée dans la Bible, sa détermination demeure inébranlable :

« Sachez tout d’abord que dans les derniers jours, des moqueurs viendront, qui vivront au gré de leurs propres désirs. Ils tourneront alors votre foi en ridicule en disant : Eh bien, il a promis de venir, mais c’est pour quand ? Nos ancêtres sont morts et depuis que le monde est monde, rien n’a changé !... Le Seigneur n’est pas en retard dans l’accomplissement de sa promesse comme certains se l’imaginent, il fait simplement preuve de patience à votre égard, car il ne veut pas qu’un seul périsse. Il voudrait, au contraire, que tous parviennent à se convertir ». (2 Pierre 3.3-4, 9)

« C’est maintenant, le moment tout à fait favorable ; c’est aujourd’hui le jour du salut ». (2 Corinthiens 6.2)

Pour les analystes, l’adventisme ne survivra pas au grand désappointement. La plus grande des surprises est que l’inverse se produira ! Comme nous le verrons, William Miller a fait une petite erreur qui, pour plusieurs raisons, s’avéra providentielle.

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