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La santé dans l’adventisme : une action ouverte et non du prosélytisme

sante_01.jpgLa question posée par un journaliste a été la suivante : comment les adventistes arrivent-ils à faire de la santé du prosélytisme ? Surpris par l’orientation de la question, j’ai répondu : « de la même manière que Sœur Emmanuelle et que le HCR » ! Il a compris que je voulais dire que sa question était fausse et qu’en cas de prosélytisme il s’agit d’une conséquence assumée, souhaitée, mais en aucun cas le but premier de l’Eglise Adventiste dans ses activités sanitaires. Sur quoi je m’appuie pour le penser ?

 

L’adventisme est une religion de la santé. Je rappelle que cette expression ne veut pas dire que l’adventisme adore la santé ! Certains le comprennent encore, sans que je n’arrive à comprendre pourquoi. Personnellement je ne l’ai jamais dit ou écrit. Rappelons qu’une religion de la santé comme l’Eglise Adventiste se spécifie par son insistance sur toutes les pratiques préventives, sans omettre le curatif. Ce souci découle d’une conception holistique de l’individu. Ce dernier en plus d’être un ensemble d’organes est considéré une créature de Dieu. L’adventisme considère l’individu comme un gestionnaire de ce corps confié par Dieu. En plus de l’invitation à être un bon gérant des dons de Dieu (comme le corps) veiller à être en bonne santé entraîne incontestablement des impacts positifs sur la santé tel que peu le mesurer et le traduire toutes les avancées médicales.

Pour mieux gérer le corps, en plus des pratiques de préventions, l’adventisme considère le curatif comme nécessaire. Ce dernier est avant toute normé en France par le savoir médical conventionnel. S’ajoute toutes les formes de connaissances qui ne rentrent pas en conflit avec les conceptions théologiques du groupe. Il se traduit également autour de la santé. Depuis le XIXe cette église propose des actions pédagogiques tournées vers toutes les populations pour sensibiliser au développement de connaissances et de comportements qui optimise la santé.

L’adventisme, religion de la santé, n’enferme pas ses actions. C’est là que mon interlocuteur journaliste a décelé un prosélytisme systématique. Il s’agit plutôt, sur ce point, ce que Max Weber appelle des « actions ouvertes ». Elles se dirigent vers les individus qui ne sont pas membres du groupe. Evidemment cette ouverture peut avoir des effets prosélytes, mais tel n’est pas le but initial, même si cela peut être, dans certains contextes culturelles surtout, un effet recherché. En France nous ne sommes pas dans cette situation. L’Adventisme n’a pas d’action sanitaire, portée par sa hiérarchie et dont l’ambition est de convertir. C’est pour cela que je préfère parler « d’actions ouvertes » et non de prosélytisme pour ce qui est du cas de la France Hexagonale.

Cette ouverture se comprend par la notion de responsabilité. En effet l’adventisme considère qu’il est de sa responsabilité d’informer sur les bons comportements hygiéniques à avoir. C’est même un quasi devoir. Faciliter l’accès au savoir sanitaire résulte du fait que l’adventiste se considère comme responsable de la circulation de bonnes et vraies informations dans la société. Il se pense responsable, indirect, de la bonne santé de ses congénères. C’est une simple vision étendue de la notion de fraternité. D’ailleurs, il est important de faire tous ce qui est possible pour atteindre cet objectif car il est conforme aux attentes divines.

J’ai la tentation de dire que l’essentiel est là. En effet, la notion de responsabilisation, ou plutôt de responsabilisation fraternelle étendue (action ouverte) se fait dans l’optique de la bonne santé. Elle est poussée par une conception responsabilisante qui prend ses racines dans la chrétienté et s’est amplifiée dans l’adventisme, qui dès son origine à donné une place importante au savoir sanitaire et médical. Que ce soit dans ses maisons de retraites, dans les thérapies collectives de sevrage, les soutiens en relation d’aide, l’humanitaire, les soins médicaux… l’adventisme s’est donné pour mission de faire connaître sa vision de la bonne santé. Cette dernière est évidemment liée à la théologie du groupe. Mais en France (je ne parle que de ce cadre) elle n’est pas aujourd’hui un levier prosélyte.

Indirectement, j’ai rencontré dans mon étude sur la conversion des individus attirés par l’adventisme au travers de ce souci marqué pour l’acquisition d’une meilleure santé. A ce moment, évidemment, l’Eglise Adventiste insiste sur les spécificités de son regard sur la santé et invite l’individu à découvrir les autres éléments de sa théologie. A l’inverse je n’ai pas rencontré de stratégie conçues et validées hiérarchiquement dans le groupe qui visait à faire d’une action sanitaire un levier prosélyte. D’ailleurs j’ai plus remarqué une méfiance sur cela. Face au risque de vite être considéré comme un groupe dangereux et manipulateur, les organisateurs veillent fortement à bien démarquer sensibilisation à la santé et pratiques prosélytes. Cette précaution est d’ailleurs très forte en France.

Cependant le regard adventiste sur la santé est indéniablement propice à l’établissement de liens consonants et forts avec la société globale. La quête actuelle d’une bonne santé et son expression au travers du bio, de l’équilibre alimentaire, de la crainte du carné, du sport, de la maîtrise allopathique, de l’équilibre entre l’homme et son environnement naturel… sont présents dans l’adventisme depuis le XIXe siècle. Ce n’est donc pas l’adventisme qui s’est converti stratégiquement à une tendance nouvelle, mais une tendance nouvelle qui est ancienne dans l’adventisme ! De fait c’est la société globale, ici, qui se rapproche de convictions qui ont une déclinaison adventiste. En facilitant l’accès à la bonne santé aux individus ces derniers pourront plus facilement développer des aptitudes psychologiques (même s’il faut pour cela d’autre voie et apports). Ce regard sera propice à l’établissement de consonances, de liens, entre la théologie adventiste et les attentes de la société globale. Toutefois il faut souligner que ces actions ouvertes s’inscrivent dans la missiologie adventiste.

Ce qu’il faut retenir c’est que l’émergence de la consonance entre valeurs sanitaires adventistes et valeurs sanitaires de la société résulte des changements modernes de notre société. Cette consonance peut donner l’impression d’un prosélytisme. En France contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle ne donne pas naissance à une campagne prosélyte adventiste.

La place de la santé dans ce groupe religieux et surtout les impacts positifs sur la santé des individus (espérance de vie, résilience, convalescence plus rapide à situation comparable… selon les enquêtes de santé américaines et les différentes études de cancérologie) permettent de réinterroger le rapport de la société globale avec la santé.

Brefs, revenons. Non il n’y a pas en France de stratégie prosélyte avec la santé, de manière institutionnelle. Un individu peut suivre un programme adventiste sanitaire, sans se convertir ! Ce n’est pas parce que l’on met un enfant dans une école catholique que celle-ci aura pour ambition d’en faire un catholique ! C’est la même chose. Et en France l’Eglise Adventiste veille à ce qu’un mélange des genres n’existe pas. Le risque juridique est là. Mais surtout il faut veiller à ne pas donner d’arguments aux réfractaires du religieux, dans un contexte de méfiance institutionnalisée du religieux.

Plus haut je disais que je n’ai pas rencontré de stratégie adventiste validée par la hiérarchie et dont le but est de faire un lien prosélyte entre santé et religion. Je suis précis ici car il existe localement des initiatives qui font ce lien. Il s’agit de stratégies localement conçues et exprimées.

A grande échelle, je pense aux « expos santé » l’idée est de montrer la validité scientifique du regard adventiste sur la santé. D’ailleurs au risque de déplaire, ces expos montrent plus des pratiques de santé largement connues que des spécificités adventistes. Ce sont des expos de préventions quasi identiques à ce qui est disponibles dans des associations laïques, dans les DDASS, les établissements scolaires, etc.

Là où certains voient du prosélytisme c’est dans leur surprise de trouver un lien positif entre un groupe religieux et la santé, même approchée scientifiquement. Cette surprise ne doit pourtant pas entraîner un lien direct avec une stratégie prosélyte en France comme certains sont tentés de le faire. Là est mal connaître la relation entre l’adventisme et la société globale en France.

 

 

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