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La lente reconnaissance du "génocide voilée" et les défis pour repenser l'esclavage des peuples noirs

Tidjane N'DiayeFrance Inter et France Info ont donné la parole durant cette commémoration des abolitions de l’esclavage à Tidiane N’Diaye. Et c’est magnifique.
Je ne peux plus compter le nombre de fois où dans des échanges avec des experts j’ai indiqué qu’il faudra un jour regarde avec honnêteté, globalement, l’histoire de l’esclavage, en insistant sur la traite trans-sahélienne. J’avais d’ailleurs lu le livre de Tidiane N’Diaye dès sa parution sous le conseil de mon ami le poète Djédjé Désiré, ici bien nommé. Cette traite a duré 13 siècles et a été le plus grand acte de dépeuplement par déportation. C’est ce qu’analyse, dans l’isolement, N’Diaye.
L’auteur n’est pas dupe. Il sait qu’il rentre dans le mémoriellement incorrect. Dans les populations noires, dire qu’une traite dite arabo-musulmane a fait plus de dégâts que la traite transatlantique pose de nombreux faux problèmes.

1. Un travail qui pose des défis
Beaucoup considèrent ce discours, validé historiquement, comme une tentative de déculpabiliser la traite transatlantique et ses organisateurs. Pourtant il n’en est rien. C’est un faux débat. En effet la traite transtlantique, dont il est vrai que la colonisation est un prolongement, offre donc une grille de lecture de la géopolitique, des inégalités, ou encore des discriminations. C’est une réalité acquise. Cependant, le travail de Tidiane N’Diaye pose que du point de vu historique il s’agit d’une vision juste mais parcellaire.
Relativisme : c’est une autre critique qui vise non pas seulement à déculpabiliser mais à relativiser. Encore une fois ; faux débat. Seul ceux qui veulent comparer l’incomparable arrivent à cela. Il s’agit simplement de noter que la traite transatlantique a été très intense sur une courte durée relative en raison des progrès techniques et de l’industrialisation de l’humain rendu possible.
Mais, évidemment, en 13 siècles les dégâts, sur la durée, même avec des moyens plus sommaires, ont été plus intense, de la part de la traite trans-sahélienne. Tidiane N’Diaye revient surtout sur la matrice de pensée arabo-musulmane qui a rendu possible cette déportation massive encore peu analysée. Il pose que cette première grande déportation n’est pas sans lien avec la seconde (ou plutôt l’inverse). La seconde a été en partie facilité par l’existence de la première. Là, le crime en relativisme, en déculpabilisation revient en pleine figure. Encore une fois, loin de l’auteur l’idée d’une déculpabilisation ou de la création d’un discours de l’excuse !
Tenir compte de la traite trans-sahélienne implique de revoir le discours général sur la place du christianisme. Il y a maintenant l’obligation de dépasser le simple christianisme comme outil d’asservissement pour étendre le sujet à tous les discours globaux et spiritualistes.
L’analyse de N’Diaye pousse à ne passe s’enfermer dans une lecture bipolaire du monde pour expliquer la déportation des noirs et les réalités de l’Afrique actuelle et du monde noir en général. Il n’y a plus un ennemi unique cause de tous les maux.
N’Diaye oblige à dépasser les discours historiques clés en mains. Non pas dans une fin de simple déconstruction. Admettre la complexité est au regard de son travail, nécessité. Avec N’Diaye on rentre dans le tabou de la traite trans-sahélienne. Tabou chez les historiens, tabou chez les descendants d’esclaves qui crient, tabou dans le monde arabo-musulman qui refusent de prendre sa part.

2. Risque de récupération
La seule crainte désormais dans un monde où la pensée complexe est refusée, est de voir les fanatiques de tous les bords s’emparer du travail de N’Diaye pour en faire un outil de justification des tensions. Ce fut le cas, lors de la mise en évidence des travaux des égyptologues montrant la négroïtude du berceau de l’humanité. Ce fut le cas lorsque passionnés et historiens ont montré le crime contre l’humanité que fut la traite transatlantique. Ce fut le cas, ce fut le cas… ce sera certainement encore le cas avec la reconnaissance de la traite trans-sahélienne, son échelle, les principes d’actions qui l’ont justifié… et surtout sa ressemblance ontologique avec la traite transatlantique. C'est déjà le cas sur des sites islamophobes qui utilisent à leur avantage.

3. Je reste un admirateur extrêmement critique
génocide voilé.jpgLe défi est grand, simple, posé mais source de tohubohu. Je reste un admirateur de la première heure de N’Diaye. Quand je vois ce que cela me coute, je n’ose imaginer pour ce chercheur, membre d’une société construite en partie par l’influence arabo-musulmane issue de la traite trans-sahélienne, le prix payé! J'ai cependant une grande distance avec lui lorsqu'il ne veut pas faire de la traite transatlantique un crime contre l'humanité, arborant que les esclaves étaient des biens meubles vénaux dont l'intérêt était de les garder en vie. Pour ma part, ils n'ont pas été gardé en vie mais ont été zombifié. C'est une critique forte que j'adresse aux travaux de N'Diaye. ll en va de même pour sa vision dite positive de la colonisation comme source d'ilôts de libertés face à la traite trans-sahélienne faite de cruautés notamment par la castration systématique.

 Retenons finalement, que :
La commémoration de l’abolition de l’esclavage n’est pas une fin en soi, mais le début d’une reconstruction des réalités historiques pour mieux établir le contexte favorable pour une cohésion sociale aujourd’hui. Et comme j’aime à le répéter : l’abolition de l’esclavage est le début de la marche de l’esclave vers la liberté. C’est aussi une action salutaire pour les anciens maîtres qui doivent découvrir la vraie liberté, le vrai pouvoir, celui qui passe par la fin de la domination et s’inscrit dans le perpétuel partage dans une complète égalité. En un mot dans une perspective religieuse de l’être, celle du lien qui unifie.

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