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2019: Bilan (trop) rapide de l'Eglise adventiste en Francophonie entre tensions et succès [Mise à jour]

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Comment faire un bilan de l’année 2019 sur l’Eglise adventiste du septième jour dans l’espace francophone ? Faisons simple en constatant les tensions et les succès.

Deux anniversaires: La Martinique et le Tchad
Les 100 ans de l’adventisme en Martinique, centre historique, administratif et numérique de l’adventisme francophone caribéen a été un véritable temps médiatique important. Au Tchad où les liens avec le pouvoir, les traditions locales ancestrales, l’influence musulmane sont denses, l’adventisme a fêté ses 50ans. C'est incontestablement les deux temps forts en francophonie.  On peut ajouter qu'au Bénin, le dynamisme adventiste a permis l’instauration d’une Fédération.

La crise du Burundi
L’Afrique a été de toute évidence l’épicentre de l’actualité francophone, y compris autour des tensions. Au Burundi les tensions entre l’Etat et la SDA furent et sont encore vivaces. L’Etat burundais s’appuie sur sa législation pour reconnaître des leaders et codifier l’expression adventiste dans l’espace public. De son côté, une frange importante d’adventistes, s’appuyant sur les règles de la SDA, construites dans une histoire, une législation américaine, s’oppose aux volontés de l’Etat burundais. Le tout est possible en raison de dissensions internes à la SDA, dans un contexte électoral national tendu. On a ainsi vu des affrontements graves, y compris au sein des lieux de cultes devenus parfois des espaces de violences physiques. L’Eglise adventiste s’est ainsi officiellement insurgée contre la répression.
Au-delà des libertés de foi, de conscience, de religion, se pose la question de la compatibilité entre le « droit canonique » et « le droit civique ». Question ancienne dans le catholicisme (c’est pour cela que je reprends ce vocabulaire) et désormais criarde autour de l'adventisme francophone. En démocratie stable, comme la France, le Ministère de l’Intérieur propose un équilibre par sa surveillance, encadrée par la Constitution. Dans les pays comme le Burundi, cet équilibre est autre. Il faut dire que les Etats qui ne bénéficient pas d’une grande stabilité, peuvent percevoir l’adventisme avec sa forte extension et ses ressources importantes comme concurrente à sa légitimité, à son pouvoir. De fait, bien qu’elle refuse de l’admettre, l’extension adventiste a une dimension politique de plus en plus importante qu’il faut étudier. Evidemment se posera la question de l’extension du modèle moral américain , éthique et religieux face aux contextes religieux locales et surtout politique. Tout un programme.

La crise guadeloupéenne
Aux Antilles, la Fédération de la Guadeloupe a été source d’une importante crise de gouvernance. Ce n’est qu’en fin 2019 qu’une élection plus sereine a été possible avec le retour du Pasteur Pierre Dufait. Sur fond de dissensions, d’endettement, de réorientations managériales, de quête de sens, une nouvelle équipe est chargée de redynamiser un adventisme dont certains acteurs annonçaient l’implosion.

Divers succès
Madagascar avec le dynamisme de l'enseignement malgré là aussi des tensions mais une reconnaissance étatique a marqué la SDA en Francophonie. Tahiti avec les actions sanitaires s'est aussi démarquée. En Haïti le système de santé adventiste déjà indispensable à la population s'est imposé comme le plus important. 

En France hexagonale, l’année a été plus paisible au regard des autres aires. Plus globalement, l’actualité était à l’évolution de la Miviludes passée sous la coupole du Ministère de l’Intérieur et dont on peut largement envisager la disparition. C’est peut-être une bonne nouvelle pour les groupes religieux, trop rapidement présentés par la Miviludes dans un langage stéréotypé où les mots de "secte", "manipulation mentale" étaient devenus des refrains sans sens. Reste, qu’en démocratie, le remplacement d’une telle structure visible (par… on ne sait pas!) pose aussi question.

Dans la production scientifique il n'y a pas eut de publication majeure avec la SDA comme objet. On peut signaler l'insertion de la SDA que j'ai réalisé dans l'important ouvrage "Les minorités religieuses en France" porté par Anne Laure Zwiling. Côté publication, un regret est le contenu de l'ouvrage de Daniel Milard "L'Eglise adventiste du septième jour à la Martinique et la Laïcité". J'ai réalisé ici et su HALSHS une recension. 

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Ce qu'il faut retenir: Je pourrai détailler chacune des ces situations, mais nous quitterions le regard sociologique pour le journalisme, les faits divers, voire pire. Les situations décrites permettent de se rappeler que le développement des groupes religieux protestants d’essence américaine en espace francophone a toujours été sources de tensions. Ces tensions ne s’analysent pas théologiquement mais en observant, en comprenant les pratiques locales, les logiques, les rationalités face auxquelles le groupe religieux interfère, remodèle, dynamisme ou encore déstructure. Le choix des termes ne peut pas être hasardeux.

D’autre part, l’année 2019 de l’adventisme francophone montre que la dimension politique du religieux ne peut pas être occultée. Certains acteurs, nombreux, refusent cette évidence. Je me rappelle d’un colloque en Guadeloupe où un responsable d’une église évangélique locale, universitaire, m’indiquait s’intéresser uniquement à la missiologie et réfutait la dimension politique du religieux protestant dans une société ou ce même religieux est un acteur central! C'est évidemment une vision marquée par l'engagement, fictionnelle et loin de la réalité. Elle minimise la complexité du fait religieux. Il se trompait et se trompe encore. Les individus sont d’une complexité où toutes les dimensions sont entrechevétrées. L’histoire, la psychologie, le politique, le contexte social… sont des éléments interdépendants qui font système et expliquent la réalité. Le religieux est un élément complexe de cette même réalité. Il s'alimente des autres dimensions tout en les alimentant. C'est l'interdépendance que Marcel Mauss avait envisagé dans la notion de Fait Social Total.

Les responsables adventistes en Francophonie ont fait la dure expérience de la négligence de ses dimensions. C'est aussi une perspective pour eux de mieux construire une compréhension du monde et donc de soi!

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