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Le Nègre vous emmerde de Claude Ribbe présenté à Lille

Claude Ribbe, Le nègre vous emmerde.jpgHier a marqué la sortie nationale du livre de Claude Ribbe Le Nègre vous emmerde. Aujourd’hui 6 juin 2008 à 17h, Claude Ribbe est à Lille, au Furet du Nord pour présenter son ouvrage sur l’actualité de l’œuvre de Césaire. En quelques pages, l’auteur réussit admirablement à rappeler l’auteur, le politique, bref en un mot, l’homme que fut Césaire. Ribbe repositionne le débat sur la place de la dépouille de Césaire en rappelant les enjeux que cela renferme. Rien n’est épargné par l’auteur qui fait le choix d’un discours tranchant.

Extraits choisis :

La question qui se pose sans doute est de savoir quel type d’hommage on peut lui rendre. Plus que le politique, l’auteur Césaire est subversif. Subversif et respecté, donc dangereux. La meilleure manière d’enterrer l’œuvre, c’est de s’en tenir au Césaire politique.  (p. 11)

 

Tout le monde a compris : les obsèques d’Aimé Césaire ne sont pas nationales, mais martiniquaises, et parrainées par une France bienveillante. Le Monde avait déjà donné le ton au moment du crash aérien de 2005 en titrant La France s'associe au deuil martiniquais. L’autonomie qu’on veut bien accorder à la Martinique, c’est l’autonomie du cercueil. L’ennui, c’est qu’il y a autant de Martiniquais en France que sur l’île caribéenne. Mais personne ne pense à ceux-là. À moins que ce soit une façon de leur signifier que leur vraie place est là-bas, au cimetière La Joyaux.
La France, il faut le reconnaître, s’intéresse beaucoup moins aux funérailles d’Aimé Césaire qu’elle ne s’est intéressée à celles, beaucoup plus «people», de ses pitres : Henri Salvador, à La Madeleine, Carlos, à Saint-Germain-des-Prés. Eux au moins, on comprenait ce qu’ils disaient : Qu’est-ce que tu bois Doudou, dis donc ? ou bien encore Faut rigoler !. (p. 20, 21)

 

Il est frappant de constater qu’au XXIe siècle la vision racialiste du monde est encore pertinente pour la majorité des hommes et en particulier pour la majorité des Occidentaux. En faisant de la couleur de la peau une essence, peu de gens ont conscience d’avoir déjà marché sur le terrain miné des préjugés qui jouxte, hélas sans clôture aucune, le jardin des bons sentiments. De bonne foi, ils pensent que le racisme ne commence qu’au moment où une «race» affirme sa supériorité par rapport à une autre, comme s’il suffisait de dire que toutes les «races» se valent pour se voir immédiatement délivrer un certificat d’antiracisme. Pourtant, enchaîner son semblable à sa prétendue différence, c’est toujours une façon subreptice de l’inférioriser. Éprouver le besoin de dire de Césaire qu’il est noir ou que c’est un «noir», c’est une manière de le disqualifier a priori. Négrifier, c’est déjà dénigrer. (p. 59)

 

Césaire rejette tout essentialisme : « Il n’y a pas de négritude prédéterminée, il n’y a pas de substance ; il y a une histoire et une histoire vivante», explique-t-il encore. La Négritude renvoie à une expérience qui s’inscrit parmi celles que l’histoire a imposées à l’humanité. «Oui, nous constituons bien une communauté, poursuit-il, mais une communauté d’un type bien particulier : […] une communauté d’oppression subie, une communauté d’exclusion imposée, une communauté de discrimination profonde.»
En ce sens, la Négritude, loin d’être un mot d’ordre pour des revendications strictement communautaires, n’est qu’un moyen privilégié et original d’appréhender l’universel. «Il y a belle lurette, dit encore Césaire, que Hegel nous en a montré le chemin : l’universel, bien sûr, […] mais comme approfondissement de notre propre singularité. » (pp. 65,66)

 

Poursuivons dans le sens indiqué par Césaire dans son Discours sur le colonialisme : Hitler n’est peut-être pas tant le «démon» de l’homme «blanc» que le «démon» de l’humanité tout court. N’est-il pas enfin souhaitable que, chacun, grâce à la part de Négritude qu’il porte en lui, au lieu d’écouter ses sirènes intérieures, apprenne enfin à respecter, quels qu’en soient le nom ou la couleur, la Négritude de l’autre ? (p. 71)

 

Le 27 avril 1948, sous le prétexte de rendre hommage à Victor Schoelcher, il prend la parole à la Sorbonne devant l’establishment français, solennellement réuni sous l’autorité du président de la République, Vincent Auriol, et du président du conseil de la République, Gaston Monnerville. L’écrivain entame alors un réquisitoire sans merci contre la bourgeoisie et rend hommage aux ouvriers parisiens qui avaient signé dès 1844 une pétition pour l’abolition de l’esclavage. La presse du lendemain va titrer : «Un député nègre insulte la bourgeoisie française qui a libéré ses ancêtres.» (p. 80)

 

L’homme politique Césaire, fidèle à ses engagements, s’est battu jusqu’au bout, jusqu’à ce que l’âge finisse par triompher. Malgré toutes les critiques qu’on peut lui faire, si la Martinique et les autres départements sont quelque peu sortis de l’ère coloniale, il serait injuste de dire qu’il n’y est pour rien. (p. 91)

 

La visite à Césaire, pour les politiques, c’est un moyen de se rallier à bon compte non seulement l’électorat martiniquais, mais aussi le vote d’une bonne partie de l’Outre-mer et les suffrages des Ultramarins de métropole. Comme si, pour se faire délivrer un certificat de négrophilie, Il suffisait désormais de se rendre à Fort-de-France, d’incliner la tête et de recevoir la précieuse bénédiction. (p.93)

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