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Education Thérapeutique du Patient (II). On vient de loin...

 

(Extraits de formation en ETP pour professionnels de la santé et de cours de sociologie de la santé du nouveau référentiel infirmier)

Hopital Patients Santé Territoires, Education Thérapeutique du PatientChaque époque de l’histoire a ses maladies. On le sait aujourd’hui, certaines d’entre elles existent depuis l’Antiquité voire la préhistoire car on en a retrouvé leurs traces sur des ossements dans des sites préhistoriques. L’évolution des maladies, que ce soit en termes de représentation sociale (c’est-à-dire la manière dont des individus ou groupes sociaux se représentent la santé), de guérison est le fruit de bouleversements qui ont touché nos sociétés au cours de l’histoire. L'accompagnement global qui peut être offert au patient en impliquant son entourage est un héritage de cette histoire et de différentes influences. Nous évoquions la dernière fois partiellement la religion. Mais il n'y a pas qu'elle. En effet, il suffit de parcourir l’histoire de la médecine pour découvrir que bien des idées médicales d’aujourd’hui sur la maladie ne sont pas les mêmes que celles de la médecine d’hier et que certaines ne seront pas les mêmes que demain. L'Education Thérapeutique du Patient (l'ETP) en sera affecté. Mais avant de parler de l'ETP aujourd’hui un long chemin a été réalisé par nos sociétés.

 

 

Avant le succès des sciences médicales, de l'urbanisme ou encore de la pédagogie sanitaire, les sociétés étaient fortement frappées par les épidémies. Celles-ci avaient des effets exponentiels. Des travaux historiques montrent comment la survenue d’une épidémie pouvait modifier le visage d’une région voire d’un pays entier par un nombre élevé de morts brutales, ce qui provoquait de graves déséquilibres démographiques (exemple : les épidémies de peste ou de lèpre). Néanmoins, la peste et la lèpre étaient loin d’être les seules à opérer des ravages et à décimer des populations. L’histoire témoigne d’autres épidémies aux conséquences tout aussi ravageuses :

  • la variole (maladie infectieuse. Louis 15 en est d’ailleurs mort)

  • la syphilis (infection sexuellement transmissible, populairement appelée « grosse vérole ». Selon les croyances de l’époque, elle aurait été amené par les soldats revenant d’Amérique. Les symptômes que cette maladie présentait à l’époque était assez terrifiants : ils se traduisaient par un pourrissement de la chère, l’apparition de pustules sur le corps et le visages. Il s’agit d’ailleurs d’une maladie qui au cours des 16 et 17e siècle un climat de suspicion autour de ce qui touche à la sexualité : on multipliera le nombre d’interdits sur le sexe par des mesures répressives, on observera des règles qui restreignent les contacts physiques, la promiscuité entre les corps. C’est une maladie qui servira d’appui aux modèles culturels qui préconisent un auto-contrôle, « une civilisation des mœurs ».Voir ELIAS)

  • la malaria (synonyme de paludisme. Maladie transmise par la piqûre de moustique)

  • la tuberculose, la coqueluche (maladie infectieuse qui se caractérise notamment par une toux)

  • la rougeole (maladie virale), etc.

 

Ces épidémies d’autrefois nous renvoient donc à un régime particulier de la maladie comme étant un phénomène collectif. C’est-à-dire qu’au cours d’une épidémie, un individu n’était pas malade seul, l’entourage l’était également dans tous les cas (généralisons!).

L’impuissance médicale étant presque totale, certains médecins affirmaient que « tout cas de peste est incurable ». Les médecins s’en tenaient donc essentiellement à des mesures prophylactiques (c’est-à-dire relatives à la prévention) qui avaient traits surtout à la crainte de Dieu et non à des mesures curatives. Ceci tient en partie au fait que la maladie épidémique était conçue (dans les représentations sociales de l’époque mais aussi dans la réalité) comme une mort collective et non comme une maladie individuelle curable.

Il faut savoir que la médecine de l’époque n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui. L’Eglise considérait la médecine comme une science secondaire. Jusqu’au 18ème siècle, la médecine en tant que science a dû se défendre des abus de l’Eglise et était empreint à un lien forcé avec la théologie. Les prêtres se pressaient aux lits des malades et tenter de démontrer l’efficacité de leurs prières. Lorsqu’un médecin parvenait à guérir réellement un individu, la guérison était expliquée religieusement. Par contre, si le traitement échouait, c’est le médecin qui était tenu pour responsable ainsi que le manque de confiance en Dieu. Les médecins étaient aussi bien souvent l’objet de terribles mesures au lendemain d’épidémies (on les accuse par exemple d’avoir répandue la peste afin de s’enrichir, afin d’inciter la population à avoir recours à leurs services). Durant les années ou subit le choléra (1830) les médecins sont aussi très fréquemment victimes d’agressions. Bref, on a assisté à leur encontre à des scènes d’une violence considérable).

Aussi, les médecins de l’époque avaient à faire face à une autre rivalité : à l’exercice des charlatans, des magiciens et des alchimistes.

Les réponses qui ont été progressivement mises en place face à la contagion ont surtout été des mesures répressives vis-à-vis des malades. Elles visaient à isoler les malades, à les mettre en quarantaine, à boucler les quartiers ou les villages atteints par une épidémie.

En effet, la maladie à l’époque, notamment la peste (du latin pestis qui signifie fléau, épidémie), terrorisait les populations. La peste signifie souvent la mort brutale qui survenait dans un délai de quelques jours voire de quelques heures. La lèpre (du Grec Lepros qui signifie écailleux), à la différence de la peste, est une maladie au long cours qui rongeait lentement les corps et entraînait une autre réaction : la séparation ou la mise hors du monde à laquelle les individus atteints ne pouvaient échapper.

Dès l’Antiquité, la Lèpre est présente dans trois foyers : l’Inde , la Chine et l’Égypte. Dès le VIè siècle, sans même que l’idée de contagion soit clairement conçue, le lépreux est reconnu comme étant dangereux ; il est condamné. La mort est pour lui la seule sentence. Néanmoins, elle devient relativement commune chez nous (en occident) aux alentours des 12ème et 13ème siècles. C’est un peu plus tôt (vers le 11è siècle) que les malades de la lèpre commence à être soumis à une ségrégation. En effet, le lépreux faisait peur, l’image qu’il donnait inspirait la répulsion : la lèpre pouvait modifier l’apparence des individus voire les mutiler. Il inspirait la peur donc il devait être enfermé. Dans la conception dominante (notamment sous l’influence de l’église), le mépris et l’exclusion qui frappait les lépreux n’étaient qu’une interprétation de la volonté divine (car dans la pensée collective le lépreux était frappé par cette maladie en punition de ses péchés). En quelque sorte, les lépreux n’était plus considérés comme des hommes, ils incarnaient le mal, le diable et ne méritaient aucune compassion. La faute principale dont on les accusait était la luxure et ils devaient être isolés pour ne tenter aucun chrétien. Ils étaient également tenus pour responsables de certains événement, certaines calamités qui frappaient telles que les intempéries, etc. Ils devenaient alors des boucs émissaires et on envahissait des léproseries pour les massacrer. Le premier stade du repérage de la maladie tenait de la dénonciation. En effet, si quelqu’un remarquait des stigmates de la maladie, une maladie de peau chez un parent, un voisin, il se trouvait dans l’obligation de le signaler à une autorité. L’autorité en question convoquait alors un tribunal qui désignait ou non l’individu comme étant un lépreux (ou un ladre). Il est alors rejeté de la communauté, il est dépouillé de ses biens et ne vit plus que de la charité publique. : « Les lépreux inspiraient une crainte terrible qui conduisait à les traiter d’une manière inhumaine. Les suspects de ladrerie étaient examinés par un représentant de l’évêque ou par un jury dont faisaient partie des lépreux-experts, et à une époque plus tardive des médecins ou des chirurgiens. Celui qui était reconnu ladre était, en France et dans les Flandres, soumis à une cérémonie de « mise hors du siècle » comparable à l’office des morts. Dans tous les pays d’Europe, il se voyait notifier les « défenses » qu’il devrait désormais respecter, revêtait l’habit de ladre et recevait la cliquette, la crécelle ou la cloche qu’il lui faudrait agiter pour prévenir de son approche. Les défenses étaient des règles très détaillées et contraignantes, toutes inspirées par l’idée que la lèpre était hautement contagieuse. Dans certaines régions, le ladre devait renoncer à se marier ou voyait son mariage dissous, parfois aussi ses biens étaient partagés entre ses héritiers. Enfin, il était conduit dans une « maladrerie » ou, à défaut, dans une cabane de bois au bord d’une route. De soin lieu de réclusion, le malade sortait pour mendier son pain, en prenant garde d’observer toutes les défenses à lui faites ».

 

Dès les 12è et 13è siècles on construit alors de grandes maladreries destinées à y retirer les lépreux. Au sein de ces institutions, la vie était pour l’individu malade très austère. Parfois, il était autorisé à sortir mais au prix de contraintes importantes. Il était soumis à des interdits :

1) Ne plus entrer dans les églises, les moulins, les tavernes, les fours ou autres lieux publics.

2) Ne plus se laver les mains, son corps ou ses vêtements dans les fontaines, les ruisseaux ou les rivières qui servent aux habitants.

3) Ne plus toucher les enfants ou se laisser toucher par eux, ni leur donner des objets trouvés.

4) Ne plus toucher aux gens lorsque l'on mendie pour vivre.

5) Porter des habits de lépreux et signaler sa présence en se déplaçant avec une crécelle.

6) Ne pas toucher les aliments que l'on achète.

7) Se placer au-dessous du vent pour parler aux gens afin d'éviter de les contaminer.

8) Ne pas marcher pieds nus pour ne pas contaminer le sol

9) Il n’assistait que de loin aux offices religieux

Bref, la liste des interdictions est impressionnante…

Lorsque la mise à l’écart de l’individu se terminait par sa mort, son corps n’avait pas droit aux obsèques communes. Les obsèques étaient simplifiées et sa dépouille était refusée dans les cimetières des autres chrétiens (non-malades) : il était alors enterré dans une léproserie qui disposait d’un endroit, d’un enclos spécifique à cela.

On est bien loin de l'ETP. L'avancée du savoir scientifique et le souci d'une prise en charge globale fait que le malade ne peut plus être conçu, y compris en cas d'épidémie comme un problème social. C'est le grand changement que va permettre la science. L'un de ses effets sera une meilleure compréhension des liens entre soignants et soignés d'une part, et d'autre part du souci d'entourer le patient et son entourage pour optimiser sa qualité de vie. Mais là sera l'objet de notre prochaine note.

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