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Encore la commission parlementaire et son regard sur les Témoins de Jéhovah: note polémique

medium_temoins_Jehovah.jpgS'il existerait un groupe religieux qui centralise à lui seul en France tous les fantasmes de notre société ce serait les Témoins de Jéhovah. A croire le journal Le Monde daté du 17 juillet 2006, qui fait un compte rendu de l'audition d'Emmanuel Jancovici, près de 45 000 enfants seraient en danger, simplement parce qu’ils vivent « dans le cadre des témoins de Jéhovah ». Attention, loin de partager les développements Jéhovistes, il faut un moment, dire stop, stop, stop.

Trop de spécialistes du religieux prêchent dans le désert. Les travaux de Bernard Blandre et Régis Dericquebourg (qui ne sont pas des Témoins de Jéhovah), sans compter d’autres innombrables contributions, ont montré, dans le champ de l’histoire des religions et de la sociologie, que l’image Jéhoviste, uniquement conçue comme un danger, est une construction fantasmagorique. Plus nous écrivons dans les sciences sociales sur les Jéhovistes, plus le politique semble ignorer qu’il s’agit bien d’une organisation, avec ces spécificités, souvent troublantes, qui depuis longtemps est un élément constituant de l’espace religieux français.
Mais non, loin de là, une absurdité, repris par Le Monde indique que la France tolérerait 45 000 enfants sous domination de manipulateurs. Un score qui serait digne des plus illustres régimes totalitaires.
Les Jéhovistes interrogent nos pratiques sociales, nos convictions religieuses, nos acquis au niveau de la santé (Cf. débats sur la transfusion sanguine et les avancées thérapeutiques qu’ils permirent), etc. Etonnant d’ailleurs que malgré son encrage désormais ancien en France et son succès dans les populations, qu’il soit toujours considéré comme un exotisme religieux, un élément pathologique du croire. Pourtant le président de la Commission, le député UMP, magistrat, George Fenech, sait, les nombreux procès gagnés par les Témoins ! De plus tout se passe comme si les Témoins de Jéhovah sont des clones, copies conformes d’un original qui serait lui malsain et manipulateur !
La sociologie nous montre qu’un tel raisonnement sur les groupes religieux n’est fait que de supputations et lui-même dangereux car porteur des germes de la discrimination. Les parcours, les opinions, les éducations, les envies, les colères, les rêves, les interprétations du texte, etc. sont multiples. Pourquoi donc donner le sentiment d’une conception privilégiant l’amalgame ?
Ceux qui comme moi connaissent, ont grandis, avec des témoins, peuvent témoigner qu’ils ont vu des Jéhovistes qui avaient une rigueur ascétique, que l’on confond aujourd’hui avec une attitude sectaire. D’autres étaient vraiment des individus qui devenaient insensibles à ce qui se passaient hors de l’organisation Jéhovistes. Certains, la majorité, étaient des citoyens adulés. Et comme partout des individus à la fréquentation peu enviable se déclaraient Témoins de Jéhovah. Je sais que cette affirmation ne convient pas à tous les autres groupes religieux, y compris protestants, à la commission parlementaire et à plusieurs chercheurs. Mais la rigueur scientifique (à moins que l’on décide d’y passer outre) contraint d’arriver aujourd’hui à la conclusion qu’il faut sereinement parler des Jéhovistes loin du tohu-bohu ambiant.

Sans vouloir finir de manière polie, je crois qu’une commission comme celle-là gagnerait à intégrer dans ses travaux les conclusions de chercheurs ayant réellement enquêtés sur les Témoins de Jéhovah. L’apport pédagogique serait évident. D’une part il s’agirait de permettre à notre société d’affronter ses ignorances sur le religieux. D’un autre côté, ce serait l’occasion de mettre en évidence les enjeux, paradoxes, qui traversent les Jéhovistes. D’ailleurs de cette approche dépassionnée tout le monde gagnerait à mieux connaître les Jéhovistes à commencer par la commission ainsi que les individus qui fréquentent une Salle du royaume. Ce serait plutôt dans une relation de confiance, à double sens, avec les Jéhovistes, que le politique gagnerait à s’inscrire, pour éventuellement accompagner cette forme particulière d’expression religieuse, que dans une confrontation maladive, laissant échapper des affirmations calomnieuses qui font les beaux jours d’avocats mobilisés par les Témoins de Jéhovah. Mais comme le bon sens n’a pas toujours sa place dans le politique, il reste à craindre la prolifération et la montée en puissance de cette logique sectaire à l’encontre des Témoins. Comment ne pas être surpris de la mobilisation anti-jéhoviste à l’occasion de la venue de ces derniers au magnifique stade Bollaert de Lens. Pourtant c’est loin d’être une première qui n’apparaît pas dans le calendrier des évènements de Bollaert !
Il ne s’agit pas de nier qu’il y a eu des drames pour des individus qui ont quitté les Jéhovistes. Mais il faudrait une analyse également dépassionnée de ces discours de déconversion, sans la main mise d’organisations dont nous dénoncions le fonctionnement idéologique. Plus largement, au-delà même des Témoins, un regard sur de désengagement serait important. C’est d’ailleurs un champ sociologique largement en friche.

Un dernier point, très court, mais certainement le plus important. Les stigmates qui visent les Témoins, ne sont arborés qu’à partir de cas particuliers (qu’il faut accompagner et prendre en compte aussi sérieusement). Ils ne résument pas une tendance générale des relations avec l’organisation Jéhoviste. On voit poindre, les surgeons idéologiques dans cette démarche propre aux stéréotypes qui conduisent à la négation d’une pratique particulière, entretenues consciemment par une ignorance organisée par des structures parasitant le savoir. C’est cette même démarche qui est la norme dans une approche totalitaire, voire raciste d’un groupe d’individu. Nul besoin de rappeler les douleurs historiques qu’engendrèrent cette manière de voir.

Oui, posons la question de la place des Témoins dans notre société, mais de manière organisée et sans préconception, cela, si comme moi, vous êtes très loin de défendre un jour les idées et croyances des Témoins de Jéhovah, tout en acceptant que des drames individuels existent comme le rapportent des anciens jéhovistes.

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