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Covid-19 et l’accélération du renouveau prophétique adventiste

La série vidéo La foi adventiste face à la Covid-19 suscite beaucoup de questions. Certains adventistes y voient une renonciation aux fondamentaux alors que d’autres apprécient une capacité à adapter une théologie aux réalités actuelles. Le mouvement Le Reste, très critique sur la SDA a d'ailleurs publié une vidéo critique très diffusée sur les messageries cryptées auprès des membres de la SDA avec un photomontage critiquant le rapprochement supposé entre la SDA et la papauté. Pour le sociologue c'est du pain béni car il est aux premières loges pour observer l'évolution de l'identité d'un groupe religieux au travers de ses débats internes, des critiques de dissidents, tout cela suite à ovni que personne a su anticiper; la Covid-19. Via le formulaire du blog les questions précises pleuvent. Cela me pousse à accélérer la publication de cette note qui est une réflexion sur le sujet. Je reviendrai certainement sur la question une fois que la Covid-19 sera réduite à l’état de souvenirs. Dépassant la simple série vidéo, il s’agit de montrer un des effets de la Covid-19 sur le discours prophétique adventiste et de quelques trop rapides aspects sur son organisation. C’est donc aujourd’hui une note qui reste encore dans l’observation. Ce qui est déjà très difficile.
S’il y a une leçon que je retiens avec la crise dite Covid-19, c’est qu’il faut énormément d’humilité pour commenter l’histoire en cours de réalisation. Si nous avions tous, la possibilité de réécouter nos certitudes, constructions, désidérata depuis mars 2020 aujourd’hui les surprises seraient nombreuses. C’est sur ces œufs que brièvement, très furtivement qu’il faille indiquer les soubresauts des conséquences sur les théologies adventistes sur la « fin des temps ». Serions-nous à l’aune d’un autre âge ? Nul ne sait, mais le chemin est tracé.

J’ai surpris en présentant  l’église adventiste dans le langage de la sociologie des organisation. A ce titre, j’écris dès 2005 dans ma thèse de doctorat en sociologie, qu’il s’agit d’une multinationale du religieux à siège social américain. L’expression est en fait issue d’une autre thèse, celle de Ronald Coffin, pasteur adventiste, dont j’ai fait des nombreuses références. Pour moi la thèse Approche sociologique d’u groupe minoritaire religieux, l’Eglise adventiste en France soutenue en 1981 à Strasbourg, même si elle n’est pas la première sur le sujet, fonde la recherche en sciences sociales sur la SDA en France. Ronald Coffin son auteur, américain, reprend donc sans hésitations les références économiques et managériales pour faire la première grande œuvre ethnographique et analytique de l’adventisme sabbatique en français. L’usage de l’expression multinationale du religieux convient très bien à son objectif descriptif et analytique. Ainsi cela permet de comprendre l’histoire de la SDA dans son émergence américaine et son mode de gouvernance. Cette description froide, factuelle, qui approche la SDA dans les mêmes repères analytiques que toutes les autres structures sociales a l’avantage de la précision au prix de la démystification.

 

Je reprends l’expression pour lui donner une ampleur bien plus grande. Considérer la SDA comme un organisation historique à siège social américain permet d’aller plus loin que la simple description ethnographique utile en sociologie des organisations. Elle permet de comprendre les représentations adventistes du monde. La crise actuelle de la covid-19 semble me donner raison au grand jour.

Dans son histoire la SDA a toujours placé en son centre les USA dans son prophétisme. L’Amérique est vu peu ou prou, une organisation politique qui par sa puissance va imposer dans une alliance avec la papauté un nouvel ordre mondial où les "observateurs du sabbat" seront l’objet d’une nouvelle inquisition. Tout un arsenal législatif dans une collusion d’intérêts serait ainsi adopté entre la première puissance économique et politique, au service du catholicisme, contre les sabbatistes au premier rang desquels les adventistes du septième jour. Une interprétation à dessin de l’apocalypse et de ses symboles sont construites. 666, la bête, la petite cornes, l’évangile annoncé au monde entier… etc. sont connus des adventistes pour justifier le socle de son prophétisme.

Depuis le début du XXe siècle cette offre doctrinale a très peu évolué. Je laisserai aux théologiens et historiens la capacité à analyser l’ampleur des changements prophétiques. Mais quoi qu’il en soit, j’affirme qu’il n’y a pas eu de révolution de sens au sein de l’église adventiste autour de l’apocalypse. Au contraire, dans ses conciles, ses textes officiels, la recherche est à la stabilisation des acquis. Celle-ci s’impose avec la recherche d’une expansion numérique, comme si elle était le prix d’une missiologie active et à succès.

Pourtant, l’un des atouts de l’adventisme était, dès son émergence suite aux désillusions millérites, le dynamisme de ses propositions prophétiques. Les débats sur la porte de la grâce, le sanctuaire, la réalité du symbolisme de l’apocalypse, les liens entre prophétie et géopolitique… permettaient de voir un groupe religieux conscient de l’instabilité de ses propres certitudes. Dans un jeu de mots risqué pour la sensibilité de lecteurs adventistes, je dirai que le principal pilier du dynamisme adventiste était que la Vérité n’était QUE présente et donc non définitive, y compris pour sa théologie et son cœur prophétique. D’ailleurs, les penseurs adventistes pour nombres veillaient à toujours retourner contre eux les critiques qu’ils faisaient aux autres organisations religieuses. La fameuse maxime de l’apocalypse sur la tiédeur de laodicénne était souvent une autocritique face à la tendance à se confondre dans le confort de acquis. James White, un des principaux leader historique était d'ailleurs opposé à la rédaction d'une profession de foi trouvant qu'elle figerait trop les croyances et qu'elle pourrait devenir un socle propice au développement d'attitudes fermées, comme l'exclusion d'autres membres. Il faut dire qu'il raisonne sans imaginer une institutionnalisation à très long terme de la SDA fort d'une espérance en une parousie imminente. Voilà qui illustre un souci de construire une pensée dynamique, ouverte.

L’un des acquis de l’offre prophétique de la SDA (et d’autres organisations millénaristes messianique d’essence américaine) est son américano-centrisme. Le destin de l’Amérique serait au déclin. Rien d’innovant puisque c’est le propre de toute grande puissance. Mais surtout ce serait le prémices inéluctable de la parousie. Il y a là un ethnocentrisme historique prophétique que désormais nombres commencent à indiquer sous les coups de boutoirs de la crise de la Covid-19. D’autres puissances, La Chine surtout, émergent. Nous ne pouvons ignorer aussi la place de l’Inde. Celles-ci participent à un nouvel ordre mondial. Durant la crise économique et sanitaire, elles montrent leur importance déjà mis en évidence dans la mondialisation libérale. Fort de cela, les portevoix pour une théologie adventiste non américanocentriée émergent. Mais ce n’est pas sans difficulté car cela implique de revoir les fondamentaux des représentations adventistes dont le rapport aux textes de sa leader charismatique Ellen G. White où sous sa plume ne semble pas apparaître un décentrage de l'Amériqie n’apparaissent pas cette dimension débarrassée de l’américanocentrisme.

Vous le comprenez, cela bouscule et réinterroge non seulement le prophétisme mais une grande part de l’adventisme. J’assiste comme observateur à des débats vigoureux. Je ne sais ce qui en ressortira. Mais je note trois tendances générales en discussion.

  1. des penseurs adventistes proactifs qui veulent garder une vitalité de la réflexion, une globalité du message religieux, ce qui entraîne selon eux la nécessité de revoir le prophétisme. Il ne s’agit pas là d’une refonte, mais d’une révision qui veut s’enrichir des absences adventistes sur les éléments majeurs de la géopolitique pour comprendre le monde et les puissances qui émergent. Ce courant est porté par des universitaires et acceptent le décentrage théologique sur les USA mais aussi la papauté. Ce sont souvent des acteurs qui perçoivent dans le cadre de relations ouvertes la SDA, c'est-à-dire tourner vers la rencontre avec d'autres organisations religieuses sans regard stigmatisant et ethnocentrique. 
  2. des conservateurs (je sais que le mot est connoté) qui ne veulent pas toucher aux fondamentaux whitiens et au prophétisme acquis. On trouve là aussi des universitaires, mais surtout des administratifs. Il me semble (je dis bien SEMBLE), de cadres qui doivent gérer directement des communautés locales et des membres d’églises aux profils variés (je pourrai en parler mais le risque est d’être trop long). Ici, on retrouve des acteurs qui considèrent les autres offres religieuses comme dévaluées, incomplètes, inférieures à l'adventisme sabbatique. Surtout, dans leur vision prophétique du monde le catholicisme et les USA restent deux acteurs majeurs qui précipitent la parousie en raison d'une alliance politco-religieuse contre la minorité sabbatique. 
  3. des observateurs au sens du sociologue Howard Becker, c’est-à-dire de personnes à influencer par les deux précédents groupes. Ces observateurs d’ailleurs sont souvent loin des enjeux identitaires du débat. Ils sont plutôt dans une vision orthopraxique, une besoin d’avoir un discours en phase avec les réalités qu’ils connaissent au même titre que tous les acteurs sociaux (emploi, formation, logements, accompagnement psychologique, sens aux relations sociales…). On retrouve ici des membres de communautés aux profils variés mais surtout des individus critiques qui ont toujours voulu garder une vigilance sur les offres doctrinales.

Irons-nous vers une crise de l’adventisme, une mutation ou un renforcement des positions acquises ? Nul ne sait. Ce qui est certain c’est qu’un renforcement des positions actuelles dans un monde avec de profondes mutations, nous serions loin du dynamisme qui a fait la valeur ajouté de ce groupe religieux. Toute la question est de savoir si les impacts des changements théologiques, comportementaux, managériaux, institutionnels de la Covid-19 peuvent être anticipés et donc accompagnés, que de les subir ce qui serait un indiscutable indice de déclin. Encore une fois, nul ne sait à ce jour avec certitude, mais après un an de recul, des certitudes peuvent commencer à se dessiner. Mais la plus grande crainte n'est-elle pas la facilité du renforcement des positions acquises, conservatrices? A suivre... puisque l'Histoire s'écrit après les histoires.

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