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Rechercher : religion de la sant%C3%A9

  • Le covid-19 impose aussi au religieux un questionnement majeur

    L'ensemble des grandes fêtes religieuses est remodélée en raison du Covid-19. Pâques pour les chrétiens, Pessah chez les juifs, et le Ramadan vont devoir se vivre dans une expression privée malgré leur dimension familiale, communautaire. Pourtant toutes ses fêtes sont avant tout des moments communautaires. Plus largement le coronavirus impacte l'ensemble des relations dans notre société. C'est aussi le cas pour le religieux qui a été chronologiquement la première institution sociale touchée en France via le rassemblement protestant de l'Eglise de la Porte Ouverte à Mulhouse le 17 février. L'histoire retiendra que le protestantisme a été "un amplificateur" de la pandémie en France. Cela aurait pu être un concert, un rassemblement sportif, un meeting politique! Mais que ce soit par cette chronologie malheureuse de l'épidémie et plus globalement sur les changements imposés dans les rapports sociaux, les groupes religieux, comme l'ensemble de la société, doivent faire face à un avant et un après covid-19. Il faut pour cela se rendre compte des questionnements, des problématiques que le coronavirus renvoie aux groupes religieux.

    • Le rapport à l’Etat et la notion de contrôle.

    Les grands rassemblements de La Porte Ouverte sont libres, gratuits et sans inscription. Ils rappellent ceux des réveils religieux protestants libéraux où, des entrepreneurs moraux pouvaient avoir beaucoup de succès au pont de devenir parfois des réformateurs. Ils sont en ce sens en droite ligne avec le volet libéral du protestantisme qui considère que les faibles contraintes facilitent la propagation, l’acceptation du message divin. La liberté garantie une relation volontaire et durable avec le divin.
    Les conséquences organisationnelles de cette vision ont vite été source de critiques avec la pandémie mondiale du Covid-19. En effet, les autorités ne disposaient pas d’une liste complète des individus qui étaient au rassemblement de Mulhouse lorsqu’il fallut réaliser une enquête épidémiologique et identifier chacun des éventuels individus infectés.
    Bien qu’il soit distendu, on peut donc déjà retenir que pour certains groupes protestants, il est nécessaire de revoir certains points d’organisation pour mieux répondre aux exigences de l’Etat en acceptant de construire un lien plus fort avec les autorités, au prix de revoir, de refonder les conséquences organisationnelles, politiques d’une vision libérale du religieux.
    L’Etat qui est souvent conçu comme un facteur de limitation à l’expression religieuse, voire un agent hostile, doit être repensé pour une vision plus constructive.
    Théologiquement cela déstabilise des visions binaires où l’Etat est lu dans une sémantique de la parousie où, surtout pour les groupes millénaristes messianiques, Il (l’Etat) a un rôle très négatif vis-à-vis du religieux. (Je rappelle que l'expression de millénariste messianique renvoie aux groupes qui croient en la parousie autour d'un messie qui apporterait le paradis dans une chronologie singulière. Voir ce que j'en dis ici)

     

    • Quelle image restera-t-il ?

    20135250lpw-20136284-article-jpg_6963631_660x281.jpgTous les historiens font un constat qui fait froid dans le dos : les pandémies ont toujours été le terreau très fertile des fantasmes les plus négatifs sur les groupes sociaux exposés à la stigmatisation. Les juifs, les étrangers, les groupes religieux minoritaires, les défavorisés… deviennent rapidement des pestiférés. Le terme n’est d’ailleurs pas neutre puisqu’il signifie grande calamité et est passé dans le langage avec les pandémies de peste. J’ai d’ailleurs, en ne restant pas dans le champ médical parlé de psycho oncogénèse lors des grandes pandémies mais aussi vis-à-vis des groupes religieux.
    Avec le rassemblement de Mulhouse, malgré elle, l’Eglise de La Porte Ouverte aurait-elle réavivé les préjugés antireligieux. Ses pasteurs racontent les diatribes voire plus, dont ils sont la cible sur les réseaux sociaux alors qu’ils sont les premières et importantes victimes du virus. Le religieux, singulièrement protestant ici est perçu comme la porte d’entrée du mal en raison de sa naïveté !
    Mais il y a plus, avec la Corée du Sud où l’épidémie s’est aussi propagée par des groupes protestants le protestantisme et bien d’autres groupes religieux sont considérés comme des sources du déséquilibre social. Le Monde en ligne indiquait dans un article publié le 1er avril que la Corée sur Sud se découvrait malade de ses sectes[1]. Le lien entre Coronavirus et problématique sectaire est donc rapidement fait. Plus généralement, avec cet exemple et la chronologie épidémiologique, le religieux a un temps eut une image de déstructuration de l’équilibre social et sanitaire, alors que par définition il devrait être l’inverse. Il restera à observer le niveau d’inscription de ce constat dans la mémoire collective après l’épidémie.

     

    • Le questionnement du lien social.

    Il ne va pas vous étonner que pour le sociologue que je suis cette dimension est la plus importante. C’est elle qui structure, sédimente toutes les autres.
    Le confinement impose un bouleversement des liens sociaux. La proximité relationnelle, physique, qui a été conquise au prix de grandes avancées médicales, redevient source de danger. Il faut donc réapprendre la distance, trouver, construire la bonne distance.
    Cette recherche de la bonne distance est une constante dans les groupes religieux protestants millénaristes messianiques(qui croient en la fin des temps et la venue d'un messie dans une chronologie où 1000 années interviennent). Paradoxalement, le confinement se rapproche d’une vision du monde que l’on retrouve dans les groupes religieux en particulier chrétiens protestants millénaristes. Ils se considèrent comme des espaces relationnels où les individus acquièrent les croyances et normes pour correspondre aux attentes divines et vivre l’élection. Cela se traduit par des liens sociaux semis ouverts si on accepte de prolonger les notions wébériennes. En effet, le groupe développe des attraits de relations sociales fermées, d’entre-soi, considérant que c’est ce seul cadre qui est propice à un vécu conforme aux injonctions divines. Mais il développe aussi des relations sociales ouvertes car il faut sensibiliser l’ensemble de la société à changer, à réorienter croyances et comportements vers celles que défend l’organisation. 
    La nature et la forme des relations sociales vont sans doute évoluer dans les groupes religieux. Qu’elle sera la bonne distance à l’intérieur du groupe ? Toute la société est renvoyée d’ailleurs à cette question : Comment désormais échanger physiquement ? En ce sens le coronavirus est modifie le rapport à autrui dans plusieurs sociétés ?
    Finalement, en particulier pour les groupes religieux se repose le sens à donner à la notion de communauté. Certainement il n'y aura pas de grands bouleversements dans la réponse à la question, mais la communauté va aussi être approchée comme un espace de la construction de la bonne distance sociale.

     

    • La consolidation et la recomposition numérique de la téléspiritualité

    img_info_covid-19_2.jpg

    C’est une continuité non surprenante du point précédent. Comme pour le télétravail les groupes religieux ont du rapidement se remobiliser pour maintenir le lien social. Le numérique au travers des nombreuses applications a pris le relais de l’absence des rassemblements physique. Zoom, WhatsApp ou encore les plateformes comme Discord sont des appuis majeurs. La forte utilisation de ces dernières n’est en rien une nouveauté dans l’univers religieux. Il s’agit ici simplement d’une amplification. 
    Dans ce contexte numérique du lien social, la quête d'une reconstruction des rencontres hebdomadaires semble être un besoin fort. Les individus privilégient ainsi les outils vidéo le samedi pour ceux qui pratiquent le sabbat, et le dimanche. Les membres privilégient les supports, les programmes officiels tout en profitant des autres ressources. La téléspiritualité que l’on observait depuis longtemps prend un essor. Elle n’est plus un outil de personne qui butinent de croyances en croyances, d’un individu éloigné géographiquement de sa communauté, ou encore des "fans" d'un leader charismatique; elle devient durant au moins la période du confinement le ciment communautaire.

    Mais la rencontre entre diffusion officielle et construction de son propre contenu, comme permet les multiples outils numériques, notamment et surtout les réseaux sociaux, va-t-elle contribuer à un bricolage, une sorte de cuisine personnelle de croyances ? Le sociologue a tendance par l’accumulation d’enquêtes sur le sujet à répondre positivement. Reste à voir si, en cette période d’incertitude qu’entraîne la pandémie si les individus privilégient un retour à des fondamentaux, à des certitudes. 

    • « le confort » du confinement

    A bien regarder, le confinement n’est pas une situation étrangère au religieux. Comme faisait remarquer le sociologue et bibliciste Frederick de Conninck, un parallèle certain peut être réalisé avec nombres de situations bibliques. L’exemple de Paul, incarcéré, ou plutôt assigné à résidence et qui écrit aux Colossiens est utilisé pour aider à accompagner les communautés dans ce contexte de confinement. Cette comparaison renvoie à un aspect ontologique du christianisme millénariste messianique. Le confinement est utilisé aussi pour rassurer. Comme l’exemple paulien, il s’agit aujourd’hui de dépasser l’isolement pour ne pas tomber dans l’esseulement. Renforcer le lien personnel avec la divinité mais surtout réenchanter le lien social (et le numérique est un levier). La recherche de l’essentiel est un objectif. Relativiser, y compris la place de certaines croyances est capitale à l’instar de ce que faisait Paul.
    Le confinement est donc un contexte qui peut être utilisé favorablement, opportunément pour reconstruire une relation avec le divin et les autres acteurs sociaux en l’orientant vers l’essentiel. Toute la difficulté à ce moment est évidemment la définition du superflu !

     

    • Le déconfinement dans le confinement.

    covid-19,coronavirus,religion,eglise adventisteFaire lien sans un lieu géographique précis, sans une église, sans un bâtiment n’est pas sans conséquence, même si la situation est provisoire. Dans de nombreuses organisations, la rencontre hebdomadaire est le temps fort. La pression sociale chasse l’absentéisme. Le présentiel un élément qui fait socle. Mais la téléspiritualité, à l’instar du télétravail, est brutalement devenue la norme. Cela renvoie à l’idée que l’Eglise, ecclesia, ne peut être résumée à un espace physique même chargé de sens. C’est finalement dans son versus communautaire, de lien entre les membres que l’Eglise prend sens. Et si elle se réalise comme nous le disions par un retour à l’essentiel, paradoxalement, en étant hors des murs (expression importante pour les sociologues) l’Eglise dépasse ses frontières et peut être prend là une dimension minimisée par les murs ! Il y a là, selon moi, l’enseignement le plus important et qui correspond le plus aux attentes de la société globale.
    Décloisonner, libérer du superflu, le religieux en situation de confinement va à l’essentiel, le lien social sans les murs. Ce n’est pas la fin des murs, mais une occasion de les dépasser. C’est comme si le confinement est une opportunité certaine de déconfinement du religieux minoritaire pour rencontrer une société dont il est une composante, mais c’est toujours imaginé comme isolé, sans l’être.

     

    [1] Voir [https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/01/avec-le-coronavirus-la-coree-du-sud-se-decouvre-malade-de-ses-sectes_6035234_3210.html] Visité le 02 avril 2020.

  • Religions de guérison et religions de la santé.

    medium_img072.jpgCe mois, le Mag Sciences Humaines pose la question : Pourquoi croit-on en Dieu ? Les réponses à la question sont multiples. La revue développe un aspect fort intéressant qu’est le rapport entre religion et bien-être. C’est l’occasion de constater désormais la diffusion du concept de religion de guérison, tel que Dericquebourg le propose. Ces derniers sont des groupes religieux qui mettent au centre de leur offre doctrinale la nécessité de prévenir et d’apaiser les maladies, perçues comme des dysfonctionnements aux origines psycho-spirituelles. Face à ces groupes, il me semble que des groupes religieux minoritaires qui placent à un différent niveau, la problématique du bien être en général sont des religions de la santé. L’adventisme en est un exemple.

  • Soutenons RTS Religion

    Soutien RTS religion; PétitionL'offre d'analyse du fait religieux sur les medias francophones généralistes diminue dangereusement. L'annonce de la Radio et Télévision Suisse Romande de la fin des émissions de la rédaction de RTS religion ne peut qu'inquiéter. Pour avoir participer une humble fois à ses émissions, j'ai pu constater, également comme auditeur de la qualité de traitement du fait religieux. Dans un monde où l'ouverture vers autrui n'est plus la règle, supprimer de tels espaces conduit à défendre la fermeture, l'ignorance. Alors on dira qu'il faut attendre ce qui remplace les émissions de RTS. Mais pourquoi changer ce qui marche pour un hypothétique futur? 

    En soutien à RTS, je vous invite à signer la pétition à l'adresse http://soutenonsrtsreligion.info/

    Fabien HünenbergerFabien Hünenberger qui produit et anime les émission, fait depuis des décennies une action de pédagogie exceptionnelle dans l'espace francophone. A l'heure où l'obscurantisme emporte la vie sans distinction en se parant de religion, il faut soutenir le travail de Fabien et de toute la production pour le bien commun. Loin des logiques irrationnels, il faut porter votre signature à la pétition de soutien. 

    Télécharger également le texte de soutien

  • Diffamation des religions et liberté religieuse

    Conscience and Liberty, Conscience et Liberté, Droit des religions, AIDLR; Association internationale pour la défense de la liberté religieuse, Karel NowakLe dernier Conscience and Liberty est disponible depuis quelques semaines en kiosque. La Revue est également disponible en français. Editée par l'AIDLR, la revue Conscience et Liberté consultée par les décisionnaires dans de nombreuses organisations internationales (Conseil de l'Euorpe, Cour Européenne des Droits de l'Homme, Assemblée Générale de l'ONU...). Le dernier numéro est d'actualité et s'inscrit dans l'histoire de l'AIDLR. Son titre Defamation of Religious and Freedom of Expression pour la version anglaise et La diffamation des religions et la liberté religieuse pour les lecteurs francophones.

    J'y consacre un article Religious Defamation, Stigmatization and Social Norms (Diffamation religieuse, stigmatisation et normes sociales – quand le droit européen prend de plus en plus acte de la complexité sociale).

    Tous les articles de ce numéro sont de qualité. Un comité éditorial d'une grande efficacité en est le garant. Régis Dericquebourg m'indiquait sans détour : « ce numéro est bien ». Il a raison. J'ai été sensible à l'éditorial de Karel Nowak, Secrétaire général de l'AIDLR. Il note la pluralité des orientations des auteurs et le souhait de la revue d'être un lieu de débat, quitte à présenter des analyses qui ne sont pas des convictions de l'AIDLR. Outre ce point d'ouverture, l'éditorialiste indique des points majeurs autour de la diffamation religieuse. Le premier est le conflit qu'il peut avoir avec la liberté d'expression, surtout dans sa version médiatique. Le second est « une tension et un malaise croissants dans certaines parie du monde – notamment en Europe – par rapport aux immigrations ».

    Conscience et Liberté 2010 Couv.jpgUne voie de sortie pour le Secrétaire est la reconnaissance de l'universalité des droits de l'homme par toutes les parties impliquées. Cette perspective à elle seule justifie les activités de l'AIDLR et le prolongement scientifique de ce dernier au travers de Conscience and Liberty.

     

     

    SOMMAIRE ET EXTRAITS EN FRANCAIS DU NUMERO 

    SUR LE SITE DE L'AIDLR

     

  • Formation : « Religion, entreprises et travail ». Comment choisir ?

    De nouvelles aventures mobilisent beaucoup. De fait, le blog a été trop négligé. Je tente d'y revenir assidûment. La fabrication de formations pour des professionnels en est la raison. L'une porte sur la place de la religion au travail. Que dis la loi ? Comment anticiper et gérer les conflits ? Quelle est la place du fait religieux dans le management ? Comment intégrer les préférences religieuses des clients ? Un ensemble de questions qui intéresse sans doute plusieurs entreprises. Des cabinets de conseils en font maintenant une spécialité.
    Se pencher sur les liens entre religion et travail n'a pas attendu pour ma part l'arrêt de la crèche Baby-Loup. C'est un fait d'actualité qui montre bien la nécessité qu'il y a de mettre en place un ensemble de procédures pour encadrer, anticiper, comprendre, les croyances religieuses dans l'entreprise.

    En formant les professionnels de santé autour de la naissance ou encore des soins quotidiens, je me rends compte du besoin qu'il y a, à aborder sereinement, sans crispation la place de la religion. Mais les difficultés sont nombreuses. La principale résulte des trop nombreuses confusions qu'il existe autour de la notion de laïcité. Elles conduisent à placer la liberté religieuse et de croyance en conflit avec les impératifs de l'entreprise. Une fois cela méthodiquement démonter, il y a la possibilité d'installer un espace serein d'échange, de progrès social dans une entreprise en quette de performance. La religion est alors un élément parmi d'autre d'une meilleure compréhension des uns et des autres et non un frein. Elle reste évidemment à sa place, mais n'est pas niée.

    Dans un contexte législatif très exigent sur la religion, former les managers aux liens entre croyances religieuses et l'entreprise ne peut pas être improvisé.
    Aujourd'hui je participe à la création de formations sur ce point après des immersions en milieux professionnels. De fait, chaque situation est spécifique, même s'il faut admettre quelques points communs. La jurisprudence en est le principal.
    Dans une société où tous aimons de plus en plus voir nos opinions pris en compte, former les managers à la religion est un défi. Cela répond à un véritable besoin. L'entreprise qui dans sa relation client, sa gestion du personnel ou dans sa quette d'une excellente évaluation qualité n'intègre pas cette dimension, refuse d'intégrer un paramètre central de l’évolution de notre société. Cette prise en compte varie évidemment en fonction des secteurs, de la taille, du mode de management, de la structuration de la clientèle, ou encore des espaces d'implantation. La bonne formation est une prise en compte de tout cela et de points très concrets:

    Former quand ?
    Idéalement, l'entreprise qui recherche une formation ne doit évidement pas attendre l'apparition de difficultés. La formation ne doit pas non plus faire naître des problèmes inconnus dans l'entreprise et les vies de ceux qui l'animent.
    Pour y arriver l'entreprise doit effectuer sa formation loin des orientations de l'actualité même s'il faut avoir les deux yeux sur ce qui se joue dans la jurisprudence.

    Le contenu ?
    Celui-ci ne doit pas être le seul fruit d'un cabinet. Il est le produit d'échanges très resserrés entre l'entreprise et le prestataire.
    Outre ce binôme, il faut penser, en fin de parcours à une évaluation qualité qui dans l'idéal est réalisée par une tierce personne. Nous, sociologue spécialisés dans la religion et le monde du travail sommes à ce titre excellemment bien placer pour superviser tout le processus de formation (cocorico...).

    Autre chose : l'Europe !
    Le cadre législatif de l'expression religieuse est de plus en plus contraint par la Cour Européenne des Droits de l'Homme. L'entreprise qui veut se lancer dans une formation doit veiller à ce que son prestataire soit au fait des évolutions de la Cour. De fait, l'implication de son service juridique sera un plus.

    Durée : Les bonnes choses sont courtes. Ce dicton est particulièrement vrai ici. Si le prestataire a une bonne pédagogie et des supports adaptés. Il faut prévoir deux jours de formation avec des ateliers. Pas plus de 3 jours sur une telle thématique. Le danger est de glisser de la formation au débat d'opinions. Tel n'est pas l'objectif.

    Apports directs :
    Mais le plus est la mise en place d'atelier de création d'actions. Leur but est d'apprendre concrètement des procédures de communications, qui rebondissent sur le savoir religieux afin de décrypter une situation conflictuelle.
    De son côté l'entreprise veille à s'intégrer dans un schéma local de partenariat religieux pour disposer d'un appuie (aumônerie...)

    Coûts :
    En parcourant les cabinets j'ai vu osciller énormément les prix. Les plus élevé, les plus alléchants n'ont aucun contenu. Les formateurs n'ont pas une formation dense en religion, en droit et en management malgré ce qui est affiché. Il faut donc faire très attention.
    Les coûts oscillent de 400 € à près de 900 € les 3 jours. Difficile de parler de prix idéal, mais en regardant les contenus, la logistique nécessaire, le coût souhaitable est autour de 650€, repas compris. Ce coût peut être minimisé en proposant d'héberger la formation dans votre entreprise avec un nombre minimal de participants. Classiquement 7 participants au minimum est bon repère pour un prix de 600€/ personne. Gagnez encore 10 à 20€/personne en offrant le petit déjeuner et le déjeuner.
    Dernière astuce pour gagner encore en coûts : demandez à d'autres entreprises d'inscrire dans la formation que vous hébergez leurs collaborateurs. Avec 12 à 18 participants (plus cela demande une autre logistique) vous pourrez tenter de ramener le prix moyen autour de 520-550€/participant en offrant tous les repas, voir les déplacements des formateurs.

    En dessous de 520€, vu les rémunérations des formateurs reconnus dans ce domaine, il faut craindre la braderie en qualité.

    Que retenir ?
    Former sur la religion au travail est aujourd'hui plus qu'une nécessité. C'est un impératif pour l'entreprise en phase avec l'évolution de la vie sociale. Mais c'est une décision à prendre tranquillement. Elle doit se mûrir avec un conseiller avisé comme le sociologue de la religion pour atteindre les objectifs.
    N'oubliez que ce ne sont pas les diapositives qui font une formation mais la qualité de l'interaction avec le formateur, sa connaissance du sujet et sa capacité d'adaptation au secteur d'activité.

     

    Avec ces quelques pistes vous avez des repères pour mener votre formation. Si vous voulez plus de renseignement, je (et personne d'autre) réponds sur le sujet à : FormationAssistance[a]gmail.com

     

     

  • Formation Agir ”Sciences sociales et religion”

    5905cbd0f747c7243098406da6ba9cc8.jpgJe vous livre l’information avec retard. L’Association d’impulsion adventiste, AGIR, qui se donne pour comme objectif non exclusif de permettre d’être un lieu de formation et de réflexion en direction des adventistes. Dans ce cadre, avec un plaisir que je ne voile pas, j’assure depuis hier (mardi 29 septembre 2008) des interventions mensuelles d’une durée d’1h30. La formation s’intitule « Sciences sociales et religion ». La première a eu lieu à la Sorbonne dans une ambiance de convivialité extrême. Le but de la Formation est de permettre à un large public de se familiariser au raisonnement des sciences sociales et plus particulièrement à celui de la sociologie du fait religieux. Le premier public visé est celui des adventistes.
    Cette initiative est à saluer. En effet elle répond à un besoin criant de membres des communautés adventistes qui veulent s’enrichir de connaissances, pour mieux appréhender les complexités du religieux en France.

  • Religion de la santé, médecine parallèle et conventionnelle.

    medium_logo_sante.2.jpgL’une de mes activités consiste à accompagner la formation de secrétaires médicales en évaluant leurs connaissances. Celles-ci doivent aujourd’hui, de plus en plus maîtriser une somme de savoir allant du droit à l’anatomie, en passant par l’allopathie et la déontologie. Entre autre les secrétaires médicales distinguent très bien "médecines parallèles" et "conventionnelles" en France. Il me semble que se dresse là une spécificité des religions de la santé, dont l’adventisme est de mon avis un exemple.

  • Grèves en Guadeloupe, identité et religion. Acte 3.

    guadeloupe grève 05.jpgContinuons notre rétrospectice sélective de grèves en Guadeloupe pour mieux comprendre la dernière grève de 44 jours mené par le LKP.
    Le mouvement de mars 1975 s'épuise. Les grévistes sont moins mobilisés. Tout semble indiquer la fin du mouvement sans que les revendications soient satisfaites. C'est là que l'imprévisible se produit et entraînera un tournant inespéré pour les grévistes. Un homme, le Père Chérubin Céleste entame une grève de la faim pour que les demandes des grévistes soient satisfaites. Le père C.C. n'est pas un inconnu. Il a soutenu la grève de 1971 et a poussé l'Eglise Catholique à marquer son intérêt pour la lutte sociale des ouvriers. Le Père C. C. a u discours politique construit. Il incrimine les usiniers et l'Etat, complices  de laisser la situation sociale guadeloupéenne se dépérir.

    Guadeloupe grève 07.jpgLe 31 mars 1975, dimanche de Pâques, la Chapelle était devenue trop petite pour accueillir les milliers de personnes ayant fait le déplacement pour soutenir C. C. Le pouvoir décide d’intervenir en mobilisant les CRS. Le lendemain, lundi 31 mars, au petit matin, la Chapelle est entièrement encerclée alors que se trouvent rassemblés autour du Père CELESTE plusieurs centaines de personnes. A 6 heures, l’assaut est donné. Asphyxiés et matraqués, les manifestants et les familles riveraines doivent évacuer les lieux et se disperser dans la nature. Le Père Chérubin CELESTE sera extrait de la Chapelle et emmené dans un lieu secret tout en continuant à refuser de s’alimenter. Cette intervention dans un espace religieux entraina la réprobation de l’opinion publique localement et au-delà de la Guadeloupe. Devant le tollé suscité les négociations reprirent. Constatant le dialogue renoué le Père C. C. se réalimenta. Les négociations furent rapides et le salaire des ouvriers agricoles est aligné sur celui des ouvriers d’usines et augmente de 20%. De son côté le prix de la tonne de canne est augmenté de 40% et fixé en fonction du prix de revient, même si la méthode de calcul en fonction de la richesse était encore maintenue.
    Avec la grève de 1975 le mouvement social antillais obtint une victoire inespérée. Elle rappela l’importance de la lutte mais surtout de l’implication de l’ensemble des acteurs, dont le religieux. Sans le vouloir un Père Catholique (peut être moins l’Eglise Catholique) apparaissait comme une voie possible de progrès social en consonance avec les luttes sociales.
    Les années 80 sont également des années de luttes intenses mais le contexte de leur déroulement à changer. L’arrivée de la gauche au pouvoir et surtout le fort sentiment que les luttes sociales n’aboutissent pas à de réelles avancées, vont entraîner vers une nouvelle forme de lutte qui marquera radicalement les luttes sociales antillaises. Nous y reviendrons dans la prochaine note… A suivre.

     

  • Un blog à découvrir : Droit des religions.

    Ceux qui viennent ici connaissent le regard judicieux (jeu de mots facile !) de Sébastien Lherbier-Lévy en lien dans notre rubrique Droit et religion, du même nom que son blog. Avant de dire quelques mots sur son Blog, je peux (et c’est le but d’un blog) donner une impression toute personnelle.
    Seb est juriste de formation et s’implique dans une démocratisation du savoir juridique. De fait, il est au fait de nombres de débats de la sociologie des religions, ne tombant pas dans le piège classique de juristes, qui considèrent le droit comme une doxa, à la différence de ce qu’ils proclament.
    Avec le blog Droit des religions, nombres d’usagers peuvent avoir une perspective générale de débats et d’arrêts commentés.

    Je suis particulièrement attiré par sa lettre. La qualité des informations du site est d’autant plus appréciable, que cette dernière n’est pas une structure lucrative. Ceci renforce le constat général, qu’avoir le religieux comme champ de recherche oblige l’analyste à être un artisan. Droit des Religions permet d’accéder à la qualité du travail artisanal, dans lequel je me reconnais. Une véritable initiative à encourager par vos visites et clics.

     

     Je profite de l'occasion pour également inviter à aller sur le site de l'Association Internationale pour la Défense de la Liberté Religieuse. Nous reparlerons sans doute de cette dernière qui est d'impulsion adventiste et bénéficie d'une incontestable notoriété.

  • Grèves aux Antilles, identité et religion. Acte 2

    guadeloupe grève 01.jpgDans notre dernier commentaire sur la dernière grève aux Antilles je notais que le mouvement social est un acte fondateur de la société antillaise. Il inscrit la relation avec l'hexagone dans une dimension conflictuelle. Cette dimension pousse à beaucoup relativiser le vocabulaire utilisé pour qualifier la dernière grève. Soyons précis, parler de « crise » me parait très inadapté. En plus d'être éloigné de la réalité le vocable de « crise » a des influences fortes sur le regard qui peut être porté sur la société antillaise et les propositions dans un contexte d'Etat généraux des Antilles. Par définition la crise est une situation exceptionnelle qui rompt (pix!) avec le normal, l'habituel, le commun, l'attendu. Elle exige de mettre en place une stratégie pour qu'elle soit la plus brève possible. Rien que simple retour pour quelqu'un qui connait les Antilles permet de dire que la notion de crise s'adapte difficile à la dernière grève. En effet celle-ci n'est pas exceptionnelle, était en partie souhaitée et s'inscrit dans une histoire très dense des luttes sociales.

    Les grèves, un « dense patrimoine » (Je reviendrai par la suite sur mes sources)

    guadeloupe grève 02.jpgOk. J'exagère avec le terme de patrimoine. Mais il a l'avantage de faire comprendre immédiatement ce dont il s'agit. La protestation sociale au travers de grèves est devenue un monde relationnel permanent entre ceux qui ont les forces de production et le salariat antillais, principalement guadeloupéens. La Guadeloupe est d'ailleurs, incontestablement, l'épicentre de la protestation sociale antillaise. La dernière grève l'a rappelé brutalement. Le dialogue social est plus rude qu'en Martinique. Il y est moins rugueux par exemple entre le patronat et les ouvriers.
    Lors de la dernière grève de 44 jours menée par le LKP et qui a fait tâche d'huile dans d'autres département d'Outre-mer dont la Martinique, les commentateurs ont au mieux que la Guadeloupe a été le théâtre d'une grève en 1967. Mais cette allusion était très orientée car elle considérait 1967 comme une préfiguration de 1968 en France. Ce raccourci est réducteur comme je l'ai signalé. Des leaders politiques et syndicaux s'y sont arrêtés oubliant de rendre à la Guadeloupe ses particularités. Je ne ferai pas l'historique de grèves aux Antilles. Mais pour illustrer mon propose voici un bref retour sur quelques grèves que j'ai sélectionné.

     

    1910.
    Jusqu'en 1910 des conflits sociaux sporadiques apparaissent. Ils marquent l'insatisfaction des anciens esclaves face à le traitement de salariés qu'ils découvrent. C'est aussi la période où il y aura des manifestations pour protester face à l'afflux de mains d'œuvres étrangères, à bas prix, pour remplacer les esclaves dans les plantations. Ce sont des petites poussées de contestations très faiblement structurées. A partir de 1910 la Guadeloupe devient l'épicentre de la contestation sociale aux Antilles. A la différence de la Martinique l'Île est moins marquée par la présence de békés, descendants d'esclavagistes et détenteurs des richesses. En Guadeloupe l'abolition de l'esclavage s'accompagna d'une vindicte anti békés. Déjà chassés avant l'arrivée de Richenpence lors du rétablissement de l'esclavage, c'est de la Martinique qu'ils vont organiser avec un succès important un monopole économique de la Guadeloupe.
    Février 1910 marque le début de luttes sociales profondes et de masse. Des ouvriers agricoles se mettent successivement en grève. Le 15 février une grève débute en Grande-Terre à l'usine de Darboussier. Après une répression qui aura fait 3 morts, les usiniers qui jusque là refusait la demande d'augmentation de prix de la tonne de canne qui leur était vendu donnent satisfaction aux ouvriers.

     

    1920.
    Guadeloupe grève 03.jpgDix ans plus tard, ce sera la conquête de la journée des huit heures. Le vendredi 16 juillet 1920, à l'usine de Darboussier une délégation de l'Union des Travailleurs présente trois points de revendication au directeur que sont : 1) La journée de huit heures ; 2) Le maintien des salaires de la récolte pendant l'intersaison ; 3) le non licenciement des grévistes. Le 31 juillet un accord signé entérinant les trois demandes des grévistes. Par la suite il s'étendra à la métallurgie.

     

    1925.
    En 1925 un autre conflit majeur apparaît. L'objet du conflit est la différence du prix de la tonne de canne à sucre entre usines. L'usine Duval rémunère 66,60 francs la tonne alors que l'usine Beauport payait 68,65 francs la tonne. Las de cette divergence les petits planteurs réclament une revalorisation de la tonne et une uniformisation des rémunérations. Le 3 février ils occupent les ils manifestent dans les usines. Des pourparlers s'engagent rapidement avec les usiniers. Elles achoppent sur une proposition de 70 francs. Durant les négociations des grévistes mobilisent d'autres planteurs restés dans les plantations. Les pourparlers achoppent. Les tensions s'exacerbent et une fusillade s'échangent entre grévistes et gendarmes venus protégés les usines sous ordre du gouverneur. Six manifestants sont tués et sept blessés. C'est la première grande répression d'un mouvement social depuis la fin de l'esclavage.  Les usiniers craignent que les petits planteurs aient des réactions extrêmes contre l'outil de production. De son côté les représentants de l'état redoutent une contagion sociale à l'ensemble des secteurs d'activités. Ces craintes poussent les usiniers au revirement. Ils acceptent de payer la tonne 73 francs, soit plus que ce que réclamaient les petits planteurs.
    Le mouvement de 1925 avec sa forte répression et l'obtention de la tonne à 73 francs inscrira le mouvement social dans une logique d'affrontement. Il fera considérer les patrons comme en perpétuel collusion avec l'Etat puisque celui-ci est capable de réprimer. Plus que sur les usiniers la méfiance touchera l'Etat. Certes l'image de celui-ci n'était déjà pas glorieux puisque l'abolition de l'esclavage venait d'avoir lieu soixante dix ans auparavant. Désormais, de manière justifiée ou pas, la classe populaire allait considérer l'Etat français comme un arbitre partiale qui n'hésite pas à tuer au profit de ceux qui détiennent les outils de production. Tous les ingrédients sont présents pour que les mouvements sociaux prennent le chemin de l'expression radicale.

     

    1930.
    La grève de 1925 reste dans tous les esprits. Ces enseignements sont présents dans tous les esprits lorsqu'en 1930 les usiniers proposent la tonne de canne à sucre 115 francs. De prime à bord cette proposition marque une forte augmentation en seulement cinq ans où elle était rémunérée 73 francs. Mais cette proposition restait inférieure à l'obligation légale. Un arrêté du gouverneur Tellier fixait le prix de la tonne à 126, 75 francs. L'arrêté prévoyait une augmentation des salaires des ouvriers agricole de 10% également. Le 13 février 1930 les ouvriers agricoles mènent une protestation. Des négociations sont menées en présence du Gouverneur entre grévistes et usiniers. Face à la demande des ouvriers d'une augmentation de salaire de 25 à 39% par rapport aux salaires de l'année précédente, les usiniers refusent et les négociations sont un échec. La réaction ouvrière est radicale. Différents sabotage sont dénoncés par les usiniers. L'inflexibilité des usiniers a eut raison des revendications ouvrières et le travail reprend. La grève de 1930 restera un échec dans l'histoire des revendications ouvrières guadeloupéenne. Elle fera toutefois réfléchir la classe ouvrière sur la nécessité d'être bien organisée et représentée lors des négociations avec les usiniers.

     

    Autour de 1946
    1946 correspond à la Départementalisation dont Aimé Césaire fut la tête de prou. Cette période est marqué par de nombreux troubles sociaux politiques après que de nombreux antillais rentrent de la seconde guerre mondiale avec un sentiment de non reconnaissance par la société française de leur engagement auprès du Général De Gaulle. Période de trouble sociaux, de questionnements politiques, mais surtout de demande de reconnaissance nationale de l'importance des Antilles. Césaire mettre en garde le gouvernement de l'époque sur les enjeux de cette attente. Indiscutablement il n'a pas été entendu.

     

    Continuons dans notre tour de sélection de grèves avec celle de 1952
    La grève de 1952 restera un évènement sanglant dans l'histoire sociale antillaise. La fin de l'année Guadeloupe Grève 04.jpg1951 est marquée par une revendication des ouvriers agricoles. Les ouvriers employés sur les surfaces des usiniers. S'ajoute une demande de revalorisation du prix de la tonne de canne. Le conflit lancé en novembre1951 dure déjà deux mois. L'année 1952 s'ouvre donc sur un climat social exécrable. Les ouvriers commencent à avoir des actions contre les outils de production et les usiniers demeurent fermes sur leur refus d'accéder aux revendications. Alors que l'épuisement semble gagner des ouvriers, en janvier 1952, les fonctionnaires réclament également une revalorisation des salaires. La grève du secteur agricole fait tache d'huile et un mouvement de grève général illimité est lancé. Durant un mois, la mobilisation est vive. Elle touche toutes les villes sucrières pour se propager à tous les activités de production. Face à l'extension le 11 février 1952 les CRS quadrillent plusieurs villes et se postent pour permettre l'accès aux usines. En réponse les ouvriers érigent un blocage et empêchent l'accès à l'Usine Gardel. Les forces de l'ordre vont intervenir pour démonter le barrage. Postés depuis trois jours, fatigués, les CRS font faire face à la résistance des manifestants. Des coups de feu sont tirés. Quatre manifestants décèdent et 14 sont tués. Devant cette répression les grévistes se découragent et l'ont retiendra de cette grève le caractère sanglant. Mais surtout elle encrera d'avantage les luttes sociales aux Antilles dans une confrontation violente.

    Grève de 1967. Beaucoup a été dit : passons donc.

    Le lundi 4 janvier 1971 l'Union des Travailleurs Agricoles, syndicat non représentatif dénonce un accord qui vient d'être signé entre la CGTG, la CFDT et le patronat en commission paritaire de l'industrie sucrière. Elle déclenche à Sainte-Rose le lundi 18 Janvier 1971 une grève pour exiger :

    1. La reconnaissance de sa représentativité
    2. L'augmentation à 27 francs de la journée de travail et la suppression des primes ;
    3. L'abrogation du mode de paiement de la canne à la richesse saccharine ;

    La jeunesse étudiante et lycéenne s'embrase littéralement. Un vaste mouvement de solidarité avec les travailleurs prend naissance.Autour de la grève et en même temps qu'elle, s'installe un débat de fond sur l'ensemble des problèmes que connait la société guadeloupéenne :
    Les autorités religieuses aussi vont se positionner par rapport à ce grand mouvement social. D'abord un prêtre engagé se manifeste au Lamentin en soutenant directement la grève de la canne : il s'agit du Père Chérubin CELESTE, à l'époque aumônier des Jeunesses Catholiques et animateur de la communauté chrétienne du secteur Baie-Mahault, Lamentin, Sainte-Rose.
    La grève va largement dépasser les frontières de la Guadeloupe. C'est en Martinique qu'un vaste mouvement de soutien s'organise à l'initiative des organisations politiques patriotiques et du PPM. Dans ce camp là, seul le PCM ne se manifestera pas.
    Les Organisations Syndicales Traditionnelles sortiront considérablement affaiblies de la grève de 1971, la contestation s'installant dans leur base et au sein même de leur direction.
    C'est également à cette époque que l'UTA mit en place dans des communes où elle était implantée, une "Ecole du Soir" afin d'alphabétiser les travailleurs agricoles et les initier à certaines disciplines scientifiques (Mathématiques - Sciences de la Nature - Economie Politique...).
    Avec l'arrivée de l'UTA et à travers la grève de 1971 naissait un syndicalisme guadeloupéen de type nouveau. Si on se réfère au discours des syndicalistes il s'agit, je site « d'un syndicalisme où les masses devenaient enfin maîtresses de leur destin en prenant les rênes de la base au sommet, en élaborant un discours en phase totale avec les réalités sociales et culturelles du pays et en développant des formes d'actions dont elles avaient elles-mêmes la maîtrise ». Ce que ne disent pas les leaders syndicaux c'est qu'il s'agissait d'un syndicalisme populiste, nationaliste.
    En dépit de l'importance du mouvement de masse et de la durée de la grève de 1971 - plus de 3 mois - les principales revendications économiques des travailleurs de la canne n'ont pas été satisfaites.

     

    1975
    A l'instar de celle de 1971, la grève de 1975 sera déclenchée à la suite de la signature d'un accord de trahison des intérêts des ouvriers industriels et agricoles par la CGTG et la CFDT avec les usiniers.
    Mais contrairement à celle de 1971, la grève de 1975 n'est pas intervenue comme une révolte populaire canalisée ; elle a été longuement et minutieusement préparée : durant tout l'hivernage 1974, l'UTA-UPG a organisé la séquestration tour à tour de tous les directeurs d'usine. Il s'agissait pour l'UTA-UPG d'une part d'obtenir pour les planteurs une ristourne sur les cannes vendues en 1974 et, d'autre part de faire admettre la présence de l'UPG au sein de la Commission Interprofessionnelle de la Canne et du Sucre. Face à l'inertie des négociations, une délégation composée de deux planteurs (Sostène GENDREY & Rosan MOUNIEN), de deux usiniers (Amédée HUYGUES-DESPOINTES & GARON) et d'un fonctionnaire de l'agriculture COURBOIS) fût envoyée à Paris en Janvier 1975. De conciliabules en négociations, personne ne voulût prendre de décision ni répondre clairement au problème posé à savoir : La fixation du prix de la tonne de canne en Guadeloupe en fonction de son coût moyen de production. Une seule décision fût prise : celle d'envoyer un expert du Ministère de l'Agriculture, l'ingénieur général René SAUGER.
    La venue de R. SAUGER en Guadeloupe au courant de la 3eme semaine de Janvier 1975 ne changea en rien les données du problème même si techniquement le dossier avança ; c'est d'ailleurs au cours d'une négociation avec SAUGER à la Sous-Préfecture que le clash se produisit entre l'UPG et les usiniers qui refusaient même les propositions timides de SAUGER en leur faveur. CELA NE VA PAS SANS RAPPELER LA DERNIERE GREVE AVEC LA VENUE DE JEGOT ET PAR LA SUITE DES NEGOCIATEURS.

    Face aux tergiversations de l'Administration, à l'intransigeance et à l'arrogance des usiniers et à la capitulation des autres syndicats, l'UTA-UPG et l'UGTG prirent seules leurs responsabilités et déclenchèrent début février 1975 une grève générale illimitée dans l'industrie sucrière.
    Pendant un mois et demi, la grève sera totale dans les champs y compris chez les planeurs ; et sera largement suivie dans les usines qui de toute façon ne pouvaient fonctionner sans canne. Ni les usiniers, ni l'administration en dépit des apports répétés des grévistes ne se sentirent obligés d'ouvrir les négociations. Loin s'en fallut...
    Nous assistons alors à une sorte de répétition de l'histoire. Des moyens policiers considérables furent mis à la disposition des usiniers : des barrages policiers interdisent aux grévistes l'accès aux habitations sucrières. Les dirigeants de l'UTA-UPG décidèrent avec les travailleurs au cours d'une réunion tenue le 21 mars 1975 de reprendre le travail dès le lundi suivant. Un communiqué fut même publié à cet effet.
    C'est alors que le samedi 22 mars 1975 survint un évènement extraordinaire... Là suite lors de la prochaine note. Remarquez que la religion fait son apparition. Nous revenons tout doucement à nos premiers amours.

  • Grèves aux Antilles, identité et religion. Acte 1

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    LKP 01.jpgLes sollicitations pour commenter le mouvement social aux Antilles furent très nombreuses. Je n'ai accepté aucune pour différentes raisons durant le mouvement social.
    Premièrement il y a des chercheurs plus informés que moi sur la question. Deuxièmement, si je m'intéresse aux Antilles, je n'ai pas directement observé le mouvement social en Guadeloupe (puisque c'est principalement de ce Département qu'il est question). Troisièmement, je m'intéresse aux Antilles avant tout au travers de la question des valeurs et croyances religieuses. Ce regard a besoin de s'extirper de l'actualité pour être pertinent.

    Bien que le climat social antillais soit encore très tendu, on peut dans un climat plus serein poser la question de la place du religieux dans ce mouvement social. Cela peut se faire de deux manières. Quel est le discours du religieux chez les leaders de la protestation ? Personnellement je ne peux pas répondre à cette question. Plus intéressant pour moi est la traditionnelle problématique de la place du religieux. En d'autres termes, que démontre la place du religieux dans la société antillaise, en relation avec l'image que traduit le dernier mouvement social sur cette dite société ? Pour faire plus simple, si on prend en compte la place du religieux dans la société antillaise, l'image, l'impression d'une société en désespérance tient-elle ? Bref, comment mieux rendre compte de l'identité antillaise quand on prend en compte le mouvement social et le religieux. Vaste programme. Ben... entamons-le. Je tiens déjà à vous dire qu'il sera l'objet de mon prochain livre en cours de finalisation (et de tractation avec l'éditeur).
    LKP Besancenneau.jpgAprès la signature des accords, j'ai donné qu'une seule conférence sur la question. Celle-ci a en partie commencé à répondre. Je reviens partiellement sur ce que j'y ai développé. Elle s'est déroulée à Lille, au siège de la Fédération du Parti Socialiste, à l'invitation de Gilles Pargneaux tête de liste socialiste à la députation européenne. Notez que j'aurai fait de même dans n'importe qu'elle autre formation politique même d'extrême droite, dès lors que je peux m'exprimer à ma guise et en sécurité. Ceux qui me connaissent savent d'ailleurs que je préfère allez dans des terres hostiles quand il s'agit de parler des Antilles.
    Revenons à la conférence qui s'est déroulée au PS. J'ai accepté d'y être parce que la grève générale était achevée et surtout parce qu'il est impossible de dire non à Virginie Tchoffo, responsable de la relation Nord Sud au sein du PS Nord. Mais surtout Virginie m'a garanti une liberté de ton et d'expression. Elle a même fait venir de la Guadeloupe, le Premier Vice Président du Conseil Général, Monsieur Félix Desplan (oui nous sommes parents et proches), Maire de la Ville de Pointe Noire et responsable de différents organismes et institutions.
    Le thème de la rencontre était La place des Dom dans la République. Le mouvement social de 44 jours qui vient de se terminer dans son aspect général permet de reposer avec acuité la question. Celui-ci ne peut se comprendre qu'en rappelant que les Antilles sont avant tout des sociétés post-esclavagistes, mais dont le tissus économique et sociale rester déterminés par l'héritage de l'esclavage. Je ne vais pas directement parler de l'évident impact des ravages de l'esclavage sur la société antillaise et sur sa manière de protester contre le pouvoir central lorsqu'elle pense que ce dernier a un rôle, voire une responsabilité dans des dysfonctionnements sociaux. Entant que sociologue je me permettrai d'insister sur quelques points dans l'ambition de mieux comprendre la dernière grève générale. En quoi cette grève réinterroge la vision et le rapport que les antillais ont avec leur société ? Qu'enseigne également la perception de ce mouvement social par l'opinion publique hexagonale tel que les médias la traduise ? Que révèle aussi le traitement médiatique de ce mouvement social ? Et plus pertinent, ici, que dire du traitement politique aujourd'hui des DOM ? Je ne vais pas délier ces questions. Pour notre blog ce n'est qu'une partie de notre réflexion. A la différence de ce qui était dit en Conférence, nous rajouterons la dimension religieuse. Mais une chose à la fois.
    Pour commencer il faut rappeler deux éléments fondamentaux indispensables pour avancer. Le premier est que le mouvement social est un acte fondateur de l'antillanité. Le second, qui découle du premier, est la permanence d'une tension forte, paradoxale, entre la France et les Antilles. Ces deux points sont essentiels car plus que la dernière grève ils permettent de comprendre souvent (pas toujours) les représentations des antillais et certaines attitudes. Personnellement je le revois dans les églises adventistes.

    • - Les mouvements sociaux: un acte fondateur des Antilles

    En préambule il convient de noter quelque chose que nous n'avons pas le temps de faire maintenant. Toute l'identité antillaise est marquée par l'héritage de l'esclavage. Les interactions entre hommes et femmes, la logique entrepreneuriale, le rapport à l'autorité politique, la vision de l'avenir, et j'en passe, ne peuvent être compris sans faire un détour par l'histoire esclavagiste. Nous ne le ferrons pas mais il est important d'indiquer l'omniprésence de ce thème qui est le tableau de fond, le soubassement, le terreau invisible aux conséquences permanentes et concrètes qui forment l'identité antillaise, et plus la société antillaise.
    Ce rappel fait, répondons à l'ensemble portées par le thème de notre rencontre. L'actualité a zoomé sur les Antilles et au mieux sur le mouvement social de 1967 qu'a connu la Guadeloupe. Mais ce regard est très partiel voir parcialiste. Il permettait de considérer les mouvements sociaux antillais et plus particulièrement guadeloupéens comme des prémices aux mouvements sociaux antillais. Le déplacement d'Oliver Besancenot porta certainement ce souhait. Permettez-moi de signaler qu'il s'agit là d'une vision instrumentale des Antilles. Les Antilles ne sont pas l'anti-chambre de la France. Ce n'est pas prendre en compte toute la complexité du mouvement social antillais avec ses particularités. Et puis, avec quelle éthique penser qu'un groupe peut être l'espace d'expérimentation, des rats de laboratoires de luttes pour d'autres. Il y a pour moi que des anomalies éthiques à cela. Je ne crois que le peuple antillais soit le brouillon d'une œuvre social qui se déroulera en France. Ceux-ci le différencient des conflits sociaux français.
    Cette manière de considérer le conflit social comme d'une pré-révolution oubliait ou nie un fait central de l'antillanité : les Antilles sont nées du conflit social. L'abolition de l'esclavage fut en grande partie due aux grèves de zèles des esclaves, aux incendies dans les plantations, aux marronnages d'esclaves, aux insurrections, aux meurtres de maîtres, brefs des conflits sociaux qui ont rendu non viable l'économie esclavagiste et a obligé les mouvements philosophiques, politiques, a reconsidérer l'exploitation du nègre et a promulguer sur le papier la fin de l'esclavage. La protestation sociale est donc un acte constitutif de l'identité antillaise. Mais attention n'en déduisons pas que les Antilles sont des terres permanente du conflit social. Nous disons simplement que le contexte historique qu'était l'esclavage a obligé des individus à protester socialement pour acquérir officiellement le statut d'être humain et mettre en déroute l'industrialisation d'humains par d'autres humains. Notons pour ce qui est des Antilles que le rapport de force a surtout été très important en Guadeloupe où les troupes napoléoniennes ont matés dans le sang différents soulèvements. Le plus célèbre marquera la mort d'Ignace et Delgrès en Basse-Terre. La cruauté alla jusqu'au meurtre de la Mulâtresse Solitude, cette femme révolutionnaire, primipare si je ne me trompe pas (à vérifier), qu'on laissa accoucher et que l'on tua après la naissance de sa progéniture. De tel faits et méfaits marquent l'inconscient collectif. Ils tissent un pattern. Ils modèlent un mode de communication qui devient le cadre d'échange permanent entre ceux qui se sentent porteurs de la mémoire de la souffrance subits et ceux qui sont représentés comme responsables d'une non prises en compte de cette souffrance. Ceci permet d'introduire le second point.

    • - L'établissement d'un rapport conflictuel avec la France

    LKP 02.jpgUn deuxième rappel est nécessaire. Je mettrai l'accent sur la Guadeloupe puisque ce fut l'épicentre et le point de départ des mouvements sociaux. Ce zoom se justifie par le fait que la Guadeloupe, certainement marquée par les meurtres napoléoniens a développé une résistance physique plus grande que la Martinique. Rappelons que pour effrayer les esclaves de la Martinique et rassurer les colons, Bonaparte envoie le Général Richepance en personne reprendre la Guadeloupe qui était passée sous domination anglaise. C'est d'ailleurs lui qui organisera la tuerie de Delgrès. Il mettra la guillotine sur les places et fera couler le sang. Avant, profitant de la domination anglaise l'abolition de l'esclavage avait été prononcée en Guadeloupe et pas en Martinique restée sous domination française. C'est sous domination anglaise que l'Île eut un important essor économique. Le port de Pointe-à-Pitre fut durant cette période fondée. Sous domination française la Guadeloupe dépendait administrativement de la Martinique et ne bénéficiaient pas d'infrastructures pour un développement déconnectée de la plantation. C'est sous la domination anglaise que le Port du Moule conçue pour la réception des négriers perdue de son prestige au profit du nouveau port de Pointe-à-Pitre. Ce dernier était conçu pour le transport des marchandises manufacturées.
    Avec l'arrivée de Richepance c'est donc le développement de la terreur au détriment du développement économique. Ce dernier s'établi dans la construction d'une dépendance économique vis-à-vis de l'hexagone. Richepance veilla à ce que la Guadeloupe eut le moins d'autonomie possible de façon à enlever toute capacité de soulèvement, quitte à ce que l'Île n'ait pas de développement et d'autonomie économique. Je dis cela en clin d'œil déjà à l'idée selon laquelle les Antilles dépendent volontairement, sur le plan économique, de la France. En 1802 deux ans avant qu'Haïti premier Etat nègre indépendant dans une guerre contre la France, Napoléon foulait les valeurs des lumières aux Antilles pour fabriquer des sous hommes dans la Caraïbe. Je profite de l'occasion pour dire qu'ici, on ne peut pas reprocher aux nègres de ne pas voir en Napoléon l'immense être humain qu'un Max Gallo et tant d'autres proclament. Dans son livre le Crime de Napoléon, Claude Ribbe développe d'ailleurs, magistralement les tueries et autres crimes dont l'Empereur fut coupable envers les nègres. Notez que l'Homme du Code civil qu'était Napoléon fut aussi l'Homme du Code Noir. Il s'empressa de rétablir ce dernier en 1802 après son coup d'Etat. Cela dénote que d'un côté on reconnait et réglemente les droits et devoirs qu'auraient certains hommes, tout en refusant à d'autres, nègres, esclaves, les mêmes droits. Cette logique perdurera et perdure encore quad il s'agit du monde nègre et en particulier l'Outre-mer dans la République.
    Le rapport de la France à ses colonies de la Caraïbe se construit très tôt dans un contexte de tensions où les colonisés ont le sentiment d'être déconsidérés. L'histoire de la lutte sociale antillaise va renforcer ce sentiment. La dernière grève avec le départ du secrétaire d'Etat à l'Outre-mer et les revirements de ce dernier, ne sont pas là pour faire changer les choses. Surtout elle s'inscrit dans un schéma déjà écrit par l'histoire et duquel on ne semble pas s'en sortir. Voyons autour d'exemples fort ce schéma dont les deux éléments sont le conflit et la méfiance.
    Cette histoire démontrera que la dernière grève, contrairement à ce qui est dit, n'a pas d'aspect particulier, mais s'inscrit dans une continuité des rapports sociaux. Cependant reconnaissons une intensité plus forte que précédemment. Si une continuité existe, il faut donc se poser la question de la pertinence du vocabulaire de « Crise » qui est pris en permanence et surtout de « Crise identitaire / Crise sociétale (Y. Jégo, Secrétaire d'Etat à l'Outre Mer). Tout cela nous en reparlerons paisiblement dans la prochaine note... Ne vous inquiétez pas, nous glissons doucement vers la place du religieux.

  • Sexe, sexualité et religions aux Antilles (II)

    Noir-qui-se-marche-sur-le-sexe.jpgLe documentaire de Pascal Bensoussan « La fièvre tout le temps. Une petite histoire des relations sexuelles aux Antilles » est un 52 minutes qui zoom sur la place de la sexualité aux Antilles. Ce documentaire est avant tout un florilège de stéréotypes. Mais une fois que l'on a dit cela il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Que retenir ?
    Premièrement le rapport à la sexualité est plus décomplexé aux Antilles qu'en France. Je préfère dire cela en ces termes peu négatifs. Le documentaire tente de faire un équilibre entre grivoiseries et analyses socio-historique. Il n'y arrive pas certainement parce que ce point d'équilibre n'existe pas.

    Pepin.jpgErnest Pépin fait une apparition trop courte. Son roman, Le Tango de la haine évoque cette question. Il montre, de manière romanesque, mais tellement exacte, l'effet de l'économie de plantation sur le rapport homme femme. C'est dans ce rapport que tout se construit. L'esclavage avec l'omniprésence de la mort et le « droit de cuissage » du maître va avoir des effets dévastateurs. L'impuissance de l'esclave à protéger femmes et enfants, l'apparition des métisses, l'éventuelle stratégie sexuelle des femmes pour se sortir de l'esclavage, etc. sont des effets du système esclavagiste. Ces derniers vont structurer le rapport homme femme. Se rajoute les idéaux chrétiens qui vont être imposés. Quel mélange ?
    Plus qu'ailleurs, les femmes ont appris à compter premièrement sur elles pour élever leurs enfants. Les hommes ont de leur côté embrassés la logique de performance. Notons tout de suite que cela n'est pas une spécificité antillaise. La singularité est l'approche décomplexée, assumée, qui peut donner l'impression d'une plus grande permissivité.
    sexe banane.jpgMais ce que le documentaire ne signale pas, et là est mon grief, c'est l'évolution du rapport à la sexualité. Les femmes doivent-elles toujours être présentées comme des victimes ? Pas évident. Surtout, nous pouvons parler d'un renversement. Si les comportements perdurent, les femmes ont sans doute pris les choses en mains, doucement et parfois brutalement. Elles ne se laissent plus faire. Elles n'acceptent plus d'être considérées comme des pions. Des femmes qui se laissent faire ? Non, pour la grande part, elles ont pris le dessus! Loin d'être anecdotique cela montre que les choses sont loin d'être tout noir ou tout blanc.
    Sur ce point je tiens à mettre en perspective. Je fais un cours aux étudiants sages-femmes sur les comportements sexuels de français à partir des 3 enquêtes réalisées en France sur cette question. Que constatons ? Principalement que le comportement féminin rejoint celui des hommes. De plus, les femmes comprennent plus facilement la logique masculine. L'inverse est moins exact. Aux Antilles c'est le même phénomène. L'écart entre ce que l'on déclare, et ce que l'on croit peut être grand sur la question du sexe. Surtout concernant les femmes.

    raphael Confiant.jpgUn point de désaccord avec le documentaire est la présentation que fait Raphaël Confiant. Il présente les groupes religieux minoritaires (il dit secte) comme ayant des effets dévastateurs. Puritains, ils insisteraient sur une morale qui renforce l'éthique judéo chrétienne. A mon sens, sur ce point des précisions sont nécessaires. Là je m'écarte de Confiant. Il fait une triple erreur.

    • 1. Ce n'est pas parce que c'est judéo chrétien que c'est obligatoirement mauvais ou incompatible avec le social antillais. Aucune démonstration ne met en évidence que la monogamie et la fidélité étaient incompatibles avec les souhaits des esclaves? On a tellement insisté sur l'esclave différents, parfois polygame, qu'on croit qu'il s'agit d'une vérité universelle et historique.
    • 2. Parler de secte donne l'impression que les membres ou adeptes de ses groupes font ce qu'ils croient. Non, non... scandales, incestes, tromperies, adultères, existent dans les groupes religieux aussi. Ils composent la société et connaissent les mêmes difficultés ou antagonismes.
    • 3. L'éthique religieuse des groupes minoritaires peut être stigmatisée par une société sans être rejetée par elle! Et ben oui. Soyons précis. Quand on demande aux individus s'ils approuvent les exigences de la morale religieuses ils déclarent non, ou en gros c'est ce qui ressort du discours. Par contre, ils trouvent normal et nécessaire cette éthique. Hic, ce n'est pas contradictoire. C'est simplement un constat individuel de l'écart entre une morale idéale et ce qu'ils vivent. Preuve en est, les filles des groupes religieux minoritaires (surtout celles nées dans le groupes et ayant leur réseaux relationnels dans le groupes religieux) sont souvent prisées parce qu'elles représentent une forme «d'incarnation» (j'ai pas trouvé de meilleurs terme) de la morale idéale. Fruit de l'évolution dont nous parlions tout à l'heure, cette image est désormais loin de la réalité.

    A l'avantage de Confiant, remarquons que les groupes religieux introduisent du paradoxe, voire de la tension dans le rapport à la sexualité dans une société qui en a hérité énormément de la période esclavagiste. Et, là Raphaël Confiant a vu juste.

     

    Pascal Blanchard, Zoos humains.jpgUn dernier point, le documentaire n'indique pas que les stéréotypes sur la sexualité dont il fait étalage sont a le fruit d'une idéologie raciste. Le noir a la musique dans la peau, aime le sexe ou est un étalon, reposent avant tout sur une idéologie raciste et non sur des faits ontologiques. Le problème c'est que le discriminé croit qu'il est réellement ce dont il est victime. Il croit maintenant qu'il a la musique naturellement dans la peau, qu'il est naturellement plus attiré par le sexe, etc. Pascal Blanchard, excellent historien qui aborde le racisme et les stéréotypes dont sont victimes les noirs démontrent que c'est dès le XVe siècle que se forgent les stéréotypes sexuels contre les noirs. Y compris ceux qui font l'orgueil des noirs. A méditer

  • La place de la religion dans le Traité de Lisbonne par Sébastien Lherbier Lévy

    e1bf66f6d38c08ad31644e0339855c9a.jpgVous lisez souvent Sociologiser, vous connaissez, ou vous découvrez, l’affection que j’ai pour le site droit des religions. Sébastien Lherbier Lévy, réalise, seul un titanesque travail d’information. En cette nouvelle année 2008, SLL force de nouveau l’admiration en sensibilisant, avec la pédagogie informative qui fait son succès, sur la place de la Religion dans le Traité Constitutionnel que les Etats s’apprêtent à signer. SLL note trois points forts concernant la place de la religion. Il s’agit :

    1. L’héritage religieux de l’Europe

    2. Le statut des Eglises et des organisations non confessionnelles.

    3. Une valeur juridique contraignante conférée à la Charte des droits fondamentaux.

    Lisez rapidement le développement que propose SLL, surtout qu’il a veillé à mettre en annexe le Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne. Bonne lecture si vous cliquez ICI

  • L’Adventisme religion de la santé : un exemple.

    medium_logo_sante.jpgL’une des analyses que je fais de l’adventisme vise à établir le concept de « religion de la santé ». Entendons par là les groupes religieux qui placent au centre de leur analyse une relation au corps visant à optimiser le bon fonctionnement de ce dernier. Dans une précédente note j’écrivais : "Les religions de la santé ont une vision essentiellement préventive. La pathologie est vue comme pouvant être évitée et résulte de l’apparition du pêché, c’est-à-dire d'une césure relationnelle entre l’individu et la divinité...

  • Adventisme, religion de la santé: Interview du Dr Harold G. Koenig

    899e66364109739e8bcda88fa1d3e3a6.jpgJ’ai suggéré ici, dans la ligné du travail de l’anthropologue Anne Marie Topalov, que l’on peut considérer l’Eglise Adventiste du 7ème Jour comme une religion de la santé. Ceci se justifie par un discours singulier sur les liens entre bien être physique et spiritualité. Ces liens se veulent basés sur les recherches médicales les plus récentes. Si le sociologue peut constater la construction des liens entre religion et santé dans l’adventisme et surtout, les effets dans la quotidienneté (régime alimentaire, pratique sportive, culture médicale, éthique, relation à l’environnement…), il est par contre (dans mon cas au moins) limité pour le versant thérapeutique. En effet, parler de religion de la santé est particulièrement pertinent à la lecture des études scientifiques qui dénotent les effets positifs du « style de vie adventiste » sur la santé. Ainsi l’interview du Dr Harold G. Koenig, reconnu pour être le plus au fait sur cette question, m’a semblé particulièrement intéressante à signaler. J’ai déjà indiqué quelques-unes de ses publications. Comme sociologue j’ai été sensible à l’affirmation de H. G. Koenig selon laquelle :

    Nous pouvons évaluer les pratiques religieuses. Nous pouvons demander aux gens à quelle fréquence ils vont à l'église, à la synagogue ou à la mosquée. Nous pouvons aussi leur demander à quelle fréquence ils prient et lisent les textes sacrés. Nous pouvons évaluer leur bigoterie intrinsèque, à savoir jusqu'où leurs vies et leur prise de décision sont basées sur la foi. Voilà tout ce que nous pouvons mesurer, pas de manière parfaite mais en général. Et nous pouvons aussi évaluer la santé mentale et physique, et la santé relationnelle. C'est pourquoi il y a de bonnes raisons d'étudier ces choses

    Koenig traite également de l’évolution de la place de la science dans nos sociétés modernes et du regard des autres scientifiques sur ses recherches. De la détraction, initiale il constate aujourd’hui une effervescence autour des liens entre religion et santé, même si les détracteurs pour une telle recherche demeurent nombreux. A lire sur le site d’Adventiste News Network.