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  • Ecologie politique et écologie adventiste: l'avantage épistémologique adventiste

    Ecologie politique 04.jpgJe ne serai pas long malgré ce titre qui fait très sérieux. Mais ce que je dis l'est aussi. Je signalais il y a quelques semaines la proximité entre la nouvelle mode politique et économique pour l'écologie et ce que j'appelle l'écologie adventiste. L'écologie adventiste, appelé en interne économat chrétien, invite l'individu à être un bon gérant de tout ce qui est sous sa responsabilité et en accord avec son environnement. Ces biens, sa santé, ses relations sociales, ses moyens économiques, etc. doivent être optimisés en adéquation avec le contexte environnemental. L'individu prend sens dans son milieu, comme lui, création de Dieu. Sur ce point il y a une grande différence entre l'écologie politique et l'écologie adventiste. Et si je dois me laisser aller à indiquer une opinion, je dirai qu'il y a un important avantage épistémologique adventiste qui a des effets pédagogiques majeurs. Regardons...

     

    L'écologie politique est fondée sur la peur. La crainte que les actions actuelles aient des conséquences irréversibles sur la faune, la flore et le climat. De fait, il prend sens, se légitime par cette crainte. D'autre par, cette écologie politique est soumis aux contraintes de l'évolution de la constitution d'un savoir scientifique sur les effets des actions humaines sur notre environnement. Ce savoir, comme tout savoir politique est polémique. De plus en plus de scientifiques sortent de l'ombre pour ces derniers temps remettre en cause l'idée d'un réchauffement climatique par exemple. S'ils ont raison (personne ne sait) la peur disparaît et l'écologie politique perd un de ses fondements. Il ne se crédibilise plus auprès de l'opinion.
    L'épistémologie de l'écologie adventiste est différente. Elle ne s'appuie pas sur une démarche de la peur. Elle part de l'idée, que les actes individuels doivent être éthiques. Ainsi, pour être concret, il ne faut pas polluer, ou mal consommer parce qu'il y aurait un danger hypothétique, mais simplement parce qu'il n'y a aucun intérêt à polluer. Le respect de l'environnement impose donc une gestion optimale de sa consommation, du corps, des ressources financières, etc. Pour faire simple, l'attitude écologique est légitimée dans l'adventiste parce qu'elle est en adéquation avec la volonté divine, l'environnement, et utile in fine au bien être. Elle n'est donc pas associée à une vision hypothétique et négative du futur écologique de la planète. Soyons encore plus terre à terre au risque de simplifier à excès: même dans le cas où des scientifiques découvriraiten que l'homme et son mode de vie ne sont pour rien dans le réchauffement de la planète, l'écologie adventiste reste crédible alors que l'écologie politique s'effondrerait !
    Si ces deux écologies ont pour conséquence d'inviter l'individu à avoir des actions qui ont une faible empreinte écologique, un grand respect de la nature, une gestion seine de son corps  ou encore des actions économiques qui ne seraient pas négatives à notre environnement, etc., les adventistes agissent ainsi non pour éviter une catastrophe, mais parce que c'est le comportement  le plus cohérent, le plus responsable. On comprend dès lors que l'écologie politique est certainement une vogue, voire une vague qui passera, alors que l'écologie adventiste est aussi ancienne que ce mouvement religieux et existe aujourd'hui dans de nombreux cercles. Très certainement elle survivra à l'écologie politique parce qu'elle ne pose pas comme préalable la peur, mais l'accomplissement de soi.
  • Créatifs culturels et imbrications chez les adventistes du septième jour

    créatifs culturels,paul rayL’expression de « créatifs culturels » est une proposition popularisée par Paul Ray. Groupe théorique, dont la conscience d’appartenance est relative ou inexistante, il est composé d’individus qui œuvrent pour le changement de valeurs sociales. Certains s’organisent en groupes de pressions, mais la grande majorité des créatifs culturels sont des isolés, dans leurs actions, pratiques, voir croyances. Ils sont des avant-gardistes de l’évolution de la société. Les créatifs culturels ont été formalisé par Ray autour de quelques points généraux que sont :

    • Le développement personnel,
    • Le développement durable avec la prise en compte des variables économiques, écologiques et sociales,
    • L’intégration de valeurs féminines,
    • L’implication de valeurs solidaires, humanitaire pour la construction d’un meilleur espace social.

    Certains créatifs ont une influence spirituelle. Ils forment l’essence sociographique de ce mouvement. D’autres, sont moins influencés par le spirituel. Les spiritualistes sont des descendants d’une multitude de mouvements voulant la réforme de la société. Mouvements utopistes, religieux, réformateurs, hygiénistes, déistes, communistes, libertariens… sont des influences non exhaustives.

    Les créatifs culturels sont de plus présents dans la société. Certainement parce que le terme est vaste et le borné est un véritable problème. Aujourd’hui les études les évaluent dans une définition élargie à 35% de la population. L’importance de ce chiffre doit appeler la critique car il fait de ce groupe une grande population où les traits communs sont extrêmement discutables. Il faut dire que la définition théorique a pour désavantage de faire entrer des individus dans un groupe avec la violence de la théorie ! Mais plus vraisemblablement, la montée du rejet des valeurs mercantiles et la recherche d’une quête de sens, de solidarités, expliquent la hausse de créatifs culturels.

    La Californie est un terrain où il y a le plus de créatifs culturels. Que ce soit sur le monde de vie, les innovations technologiques ou le choix d’une rupture avec l’ensemble de la société, la Californie en alliant modernité et la critique permanente de celle-ci, est un laboratoire vivant des créatifs culturels. Également lieu de forte présence adventiste, il n’est donc pas surprenant de constater des passerelles entre adventisme et créatifs. D’une certaine manière, en voulant être un mouvement de prou du changement social par ses valeurs hygiénistes, son investissement dans les formes de solidarités humanitaire, sa participation à lutte de la promotion de la liberté de penser, sa méfiance envers l’Etat centralisateur… l’Eglise adventiste du septième jour offre au créatifs culturels un cadre de développement.
    Dans sa thèse Les formes d'adhésion au discours sur les « Créatifs Culturels » Approche sociologique de la diffusion d’une croyance dans le « capitalisme vert », soutenue le 20 juin 2017 Gwennhael Blorville retrouve des créatifs culturels dont la socialisation s’est réalisée dans un cadre fortement structuré par l’Eglise adventiste du septième jour. Pas surprenant, puisque l’histoire de l’Eglise adventiste du millérisme à aujourd’hui, est traversée de réforme invitant à une rupture rationnelle avec la société. Que ce soit le goût au sein de l'adventiste  pour un meilleur développement personnel, une critique de la société de consommation, la prévention pour une meilleure santé, la formation scientifique pour un esprit critique, le débat actuel dans l'adventisme sur la place de la femme… tout cela dans une vision spirituelle qui donne du sens aux rapports sociaux et à l’Histoire, font de l'Eglise adventiste du septième jour, un groupe certainement pourvoyeurs en créatifs culturels.

    La notion de créatifs culturels s’est extrêmement élargie. La surenchère les évaluant à 35% de la population illustre ce glissement vers une mode, une popularisation massive. Des auteurs se proclament portes paroles des créatifs culturels alors qu’il s’agit par définition d’un groupe théorique et éclectique. Le mot est même devenu aujourd’hui un synonyme bobos réformateurs. C’est bien dommage. Toutefois, il montre que les groupes religieux influencent des mouvements constitués et ici non constitués formellement pour un changement social. Finalement, n’est-ce pas un objectifs du religieux ? La réponse est dans la question.

  • Fake News en adventisme sabbatiste (IV). La perte de vitesse de la rationalité.

    Fake NewsDepuis Max Weber nous savons que le religieux est un espace d’expression de la rationalité. Le religieux anime la rationalité par des actes et des croyances dont la finalité est l’obtention du salut. On peut bien parler de rationalité car les actions sont construites logiquement, se légitiment par expérimentation et laissent la place à une évaluation. Plus que le bien fondé qui n’intéresse pas le sociologue il y a la structure de penser et d’agir.
    Il est indéniable que dans l’offre religieuse, l’Eglise adventiste du septième jour se démarque encore, même s’il y a là une perte de vitesse, par des actes rationnels. Surprenant pour certains, mais empiriquement vrai, l’Eglise adventiste du septième jour offre un équilibre entre rationalité scientifique et quête du salut. Le développement en son sein d’actions de préventions sanitaires par des professionnels de santé ou encore l’engouement pour le développement de la sont des exemples probants. Cela fait écho à l’histoire adventiste où le déisme scientifique a été un levier majeur de Miller à aujourd’hui.

    FAke NewsCe cadre a été longtemps un rempart contre les fausses informations vérifiables. Des communautés locales avaient un protocole strict de vérification des contenus des discours des individus qui avaient une responsabilité dans le groupe. Il est vrai que l’objet était avant tout de vérifier la compatibilité entre ce qui serait dit et les croyances officielles adventistes. De plus, pour grand défaut, ces protocoles empêchaient une flexibilité, une adaptation face à la rapidité des questions sociales. Mais, le glissement vers des expressions émotionnelles marque un retournement. Je l’ai déjà indiqué en notant que l’évolution de la structure même du programme adventiste le sabbat illustre ce glissement où la rationalité perd de sa place.

    Lors d’une observation de terrain il y a quelques mois, j’écoutais dans une communauté adventiste une responsable de l’enseignement des enfants raconter une histoire. Visiblement plus que l’histoire, c’est l’envie de convaincre les enfants et l’assemblée qui prévalait. En effet, la conteuse relata (si ma mémoire est bonne au Brésil) qu’un lion élevé en captivité avait préféré se détourner du lait et d’aliment carné et opter pour des légumes. Preuve était faite selon elle du bien fondé du régime alimentaire végétalien et des positions adventistes sur l’hygiène alimentaire. Vous devez penser que je caricature. Ben non. Heureusement que je prends des notes !

    Ce qui m’a surpris, c’est que cela se déroulait dans une ville qui est un pôle universitaire avec des facultés de médecine et de vétérinaire ! Evidemment la légèreté de la démonstration fait rire, mais elle fut diffusée. Pire, non remis en cause et exprimée devant toute une assemblée.

    Que montre cela ? L’absence de rigueur minimale dans l’enseignement a fait passer l’objectif de l’enseignement au détriment de la démonstration. Et là est un ressort des Fake News. Peu importe les moyens, la fin est la priorité. Et d’ailleurs, plus c’est gros, plus cela passe (au moins en apparence).

    Fake NewsEn devenant de moins en moins exigeante sur le fond et la forme de son enseignement, la SDA laisse entrer les jalons, les repères cognitifs qui par la suite seront des booster de fake news. L’allongement de la durée des programmes et la place de plus en plus grandes aux convocations émotionnelles font de l’adventisme dans certaines communautés (je pense que le phénomène se généralise) une religion qui perd une de ses valeurs ajoutées à savoir un discours religieux dont la construction se cimentait rationnellement. Finalement, de plus en plus de discours et de situations qui se développent dans l’Eglise adventiste du septième jour confirment ce que savent les sociologues depuis longtemps : un groupe religieux est surtout un groupe religieux parce que social, c’est-à-dire qui connait les mêmes réalités et problèmes que l’ensemble de la société.

  • La démarche écologique en adventisme: leçon à partir de ”L'Eglise verte”

    Eglise verteL’Eglise verte est un label qui a un succès important dans les paroisses catholiques, basé sur l’encyclique Laudato Si du pape François publié en 2015. Le label demande une conception de l’individu dans une approche environnementale, économique, sociale et spirituelle. Il est finalement un versant de la théologie catholique au développement durable. Rappelons que le développement durable est la capacité des générations actuelles à satisfaire leurs besoins tout en garantissant aux générations futures cette même capacité. Pour cela il faut satisfaire les besoins économiques, sociaux et environnementaux. Laudato Si peut être sociologiquement perçue comme une conscience catholique récente pour s’impliquer dans le développement durable au sein des paroisses. Le Label Eglise verte est un aspect opératoire de l’encyclique. Par effet de comparaison il montre une certaine conscience protestante ancienne sur le sujet mais qui ne s’est pas organisée pour se systématiser. Je prends dans le cadre de ce blog l’exemple adventiste. En 2009 j’écrivais une note sur l’écologie adventiste, et en 2010 sur la particularité de la notion d’écologie dans l’adventisme. Dans ces notes je soulignais l’importance d’une approche non culpabilisante, responsable, globale de l’écologie déjà présente dans l’adventisme.

    Paroisse-écolo.jpgDans son histoire, l’église adventiste s’est construite en intégrant la dimension écologique comme un atout. Concevoir l’individu dans son univers économique, social et environnemental marque l’adventisme dès la fin du XIX. Des figures qui un temps étaient adventistes comme le docteur John Harvey Kellogg, les institutions sanitaires adventistes, le système de santé  aujourd’hui et surtout l’éducation permanente à l’écologie dans l’adventisme au travers du programme des jeunes, illustrent l’implication écologique.
    La notion d’écologie n’est pas ici enfermée dans la biodiversité. C’est une dimension. Il faut voir l’écologie adventiste dans sa perspective holistique. La notion induit un respect profond des objectifs de Dieu pour la création, pour l’homme placé dans l’interaction avec cette dernière et surtout dans sa fonction de gestionnaire. Cette fonction implique de considérer que l’individu doit optimiser son lien avec la création, ses rapports sociaux et sa capacité à innover. Cette assertion qu’est l’innovation est très présente dans l’adventisme. Que ce soit dans les universités, les hôpitaux, les laboratoires de recherches, les relations avec les Etats, l’adventisme est certainement une « église verte ».
    Paradoxalement, l’adventisme n’a pas développé une démarche environnementale aussi aboutie que celle de l’Eglise verte et cela peut surprendre car en 150 ans elle a accumulé un savoir faire. Il existe des circulaires, une somme impressionnante de messages, d’ouvrages, invitant à avoir des pratiques écologiques. La notion adventiste de gestion chrétienne de la vie est d’ailleurs une vision écologique et holistique très aboutie.
    De fait, il est apparu avec une évidence trompeuse que ces acquis se transformeraient en actes concrets, spontanément. L’adventisme n’a pas systématisé un développement actif des connaissances écologiques applicables à grande échelle, immédiatement, dans toutes les églises locales comme dans le catholicisme. C’est certainement une perspective à développer.
    Comment valoriser une dense connaissance écologique pour que celle-ci ait désormais une forme active dans les communautés locales ? Comment s’assurer d’une diminution des empreintes écologiques de chaque église ? En quoi la communauté locale peut être un atout dans les changements comportementaux de ses paroissiens ? Des actions existent sur chacun de ces points mais nécessitent aujourd’hui une coordination, une amplification. Peut être que la mise en réseaux d’initiatives avec la FPF, le CNEF, le CEEF sont à penser. Quoi qu’il en soit, dans un monde où le développement durable touche toutes les institutions sociales, les groupes religieux doivent s’imaginer à la pointe de l’innovation. Sur ce terme nous reviendrons rapidement.

  • L’origine des doctrines adventistes (2/2 par JL Chandler)

    john wesley.jpgQuand les adventistes établissent leurs bases doctrinales durant les conférences du sabbat (1848-1850), ils font appel à plusieurs traditions protestantes qui ont pris naissance en Europe et qui se sont exportées aux Etats-Unis. Ils reprennent à leur compte l’héritage spirituel de la Réforme, la culture puritaine de la recherche biblique, la profession de foi connexioniste « la Bible est notre seul credo », le revivalisme piétiste, le confessionalisme et le principe de liberté religieuse des anabaptistes. Ils adhèrent de tout coeur, mais sélectivement sur les détails, à ces diverses traditions. Nulle cependant ne les influence davantage que la piété méthodiste.

    John Wesley

    Dans la première partie de cet article, nous avons observé qu’au milieu du XIXe siècle, l’adventisme ne détonne pas dans le paysage protestant. C’est particulièrement vrai en Amérique du nord. Pour deux raisons. Primo, plus de la moitié des adventistes, dont Ellen White, sont des anciens méthodistes. Or à ce moment là, le méthodisme est la communauté religieuse la plus importante des Etats-Unis (et du Canada). Vers 1840, l’Eglise épicospale méthodiste est la plus grande dénomination religieuse du pays avec 580 000 membres. En 1850, 34% des chrétiens étatsuniens sont méthodistes. Deuxio, les adventistes intègrent une sacrée dose de piété méthodiste dans leur compréhension des Ecritures.
    John Wesley (1703-1791), un fondateur du méthodisme, s’inspira consciemment du piétisme et des Dissenters d’Angleterre qui rejetaient l’interférence de l’Etat dans les questions religieuses. Si Martin Luther (1483-1546) fut le hérault de la justification par la foi, Wesley devint celui de la sanctification par la foi. Les deux hommes acceptaient les deux doctrines. Luther considérait que les oeuvres étaient le fruit de la grâce. C’est juste que, dans un contexte saturé par la croyance du salut par la grâce et les oeuvres, il mit beaucoup plus d’emphase et d’énergie à proclamer le salut par la grâce seule que la vie chrétienne sanctifiée. Deux siècles plus tard, Wesley estima que le contexte religieux s’était inversé. De nombreux chrétiens éclipsaient les oeuvres sous le prétexte de la grâce. Wesley ne se considéra jamais comme un innovateur en matière doctrinale. Il acceptait le credo des apôtres et le credo de Nicée (qui affirmaient la trinité, la mort et la résurrection du Christ). Il prenait simplement les enseignements du christianisme au sérieux et il chercha vraiment à les appliquer. Quatre aspects de la piété méthodiste influencèrent massivement la théologie adventiste.

    John_Wesley 02.jpg 1. La liberté humaine
    La plupart des réformateurs protestants avaient une vision négative de la nature humaine. Selon Martin Luther, l’être humain avait perdu l’image de Dieu (un caractère semblabe à Dieu et la liberté de choix) après la faute d’Adam et Eve. Sa volonté était esclave de sa nature pécheresse. Après sa conversion, il passait sous le contrôle du Christ et du Saint-Esprit. Pour Jean Calvin (1509-1564), l’être humain était totalement dépravé (l’incapacité de faire le bien). S’il acceptait la grâce de Dieu, c’était parce qu’elle était irrésistible. Selon la doctrine calviniste de la double prédestination, le salut dépendait complètement de la volonté souveraine de Dieu. Les incroyants étaient prédestinés à la perdition et les croyants au salut – « une fois sauvé, toujours sauvé ».
    Wesley refusa l’idée d’un salut et d’une perdition arbitraires. Il affina la position plus positive du réformateur hollandais Jacob Arminius (1560-1609) en soutenant que l’image de Dieu était partiellement effacée chez l’être humain. Par amour et respect pour ses créatures, Dieu ne leur imposait pas le salut. Celles-ci étaient dotés d’une volonté libre d’accepter ou de rejeter sa grâce. Christ était mort pour le salut de tous les hommes et non pour une partie de l’humanité. C’était le plan de Dieu que tous obtiennent la vie éternelle mais cette élection – ou prédestination (c’est-à-dire ce que Dieu avait prévu ; 1 Timothée 2.4, Ephésiens 1.4-5) – était conditionelle et non déterminée à l’avance. Le salut était offert à tous mais la grâce de Dieu n’était pas irrésistible : on pouvait la repousser. Si le croyant ne persévérait pas dans sa relation avec Christ, il pouvait aussi perdre la foi et le salut. Fort heureusement, cette apostasie n’était pas forcément définitive. Les apostats pouvaient retourner à la foi chrétienne.

    2. La voie du salut
    Wesley estimait que la prédestination calviniste apportait une fausse sécurité du salut. Sa principale contribution au christianisme fut sa définition du Via Salutis, la voie du salut. Elle comprenait quatre aspects de la vie chrétienne. 1) Par sa grâce prévoyante, Dieu prend l’initiative de révéler la voie du salut à l’humanité. Le Saint-Esprit parle à la conscience de l’être humain et la réveille aux réalités spirituelles. 2) Par sa grâce convaincante, Dieu révèle à l’invidu son profond besoin de Lui. Le Saint-Esprit dévoile son amour manifesté par Jésus-Christ et il l’invite à accepter le don gratuit de la vie éternelle. 3) Par sa grâce justifiante, Dieu pardonne celui qui regrette de l’avoir offensé et qui vient à Lui tel qu’il est. Il le voit juste au travers de la perfection de Jésus et il opère en lui une transformation instantanée appelée « la nouvelle naissance ». 4) Par sa grâce sanctifiante, par la puissance imperceptible du Saint-Esprit, Dieu transforme progressivement le caractère du croyant.

    3. La sanctification par la foi
    Les réformateurs s’étaient intéressés aux implications du rôle des oeuvres avant la justification par la foi. Et ils avaient conclu qu’elles ne sauvaient pas. En revanche, John Wesley tourna son attention sur le rôle des oeuvres après la justification. Il conclut que la réponse naturelle à la grâce, sa conséquence, son résultat et ses fruits étaient une vie sanctifiée et des bonnes oeuvres. La loi de Dieu n’était pas abolie car les principes des dix commandements étaient éternels. Un de ses textes favoris, Ephésiens 2.8-10, résumait parfaitement cette compréhension :

    «
    Justification C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu : ce n’est pas le fruit d’oeuvres que vous auriez accomplies. Personne n’a donc raison de se vanter. Sanctification Ce que nous sommes nous le devons à Dieu : car par notre union avec le Christ, Jésus, Dieu nous a créés pour une vie riche d’oeuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance afin que nous les accomplissions ».
    Wesley encouragea les prédicateurs méthodistes à précher « le plein évangile », c’est-à-dire la justification, la sanctification et la préparation à la gloire du ciel. Il vit le salut en terme de délivrance : le pardon (le salut débute), la sainteté (le salut continue) et le ciel (le salut s’achève). Autrement dit, le croyant était sauvé immédiatement de la pénalité du péché, progressivement du règne du péché et eschatologiquement de la présence et des effets du péché. Pour Wesley, le salut était aussi une guérison holistique avec deux dimensions thérapeutiques : la restauration instantanée (la nouvelle naissance) et la restauration progressive (la transformation intérieure). Dans le livre Primitive Physics, il établit une relation entre la guérison spirituelle et la guérison physique, convaincu que Dieu veut que l’on soit autant que possible en bonne santé. Il accorda de l’importance à l’hygiène, à la nutrition, à l’exercice et aux remèdes naturels. Il affirma que le corps et l’esprit (par des passions déréglés et des émotions négatives) s’affectaient mutuellement.

    4. La perfection du caractère
    John Wesley encouragea activement la poursuite de la sainteté par la pratique des disciplines spirituelles : la méditation chrétienne, la prière, l’étude de la Bible, l’adoration, le témoignage, les actes de service comme s’occuper des pauvres, des orphelins, des veuves, des prisonniers et des personnes dans le besoin. Il insista sur la participation et la coopération humaine afin d’atteindre, par la grâce de Dieu, « la perfection du caractère ». Par là, il signifiait l’amour pour Dieu et le prochain, la victoire sur les défauts extérieurs et intérieurs (les mauvaises pensées, attitudes et émotions), mais pas une perfection absolue – en connaissance, jugement (l’infaillibilité), santé et nature humaine.

    Relayeurs de la flamme éternelleLes adventistes se considèrent des relayeurs dans la lignée historique des passeurs de la vérité primitive. Plus tard, Ellen White ne cachera pas dans La tragédie des siècles sa grande admiration pour le courage et la sagacité de Luther, Wesley, Calvin, Hus, Wicleffe et de d’autres champions de la foi. Ainsi donc, ils empruntent à plusieurs traditions religieuses, à la particularité d’avoir souvent des points communs : un effort de retour à la foi des apôtres, la Bible comme l’unique règle de foi, la justification par la foi, le sacerdoce de tous les croyants, l’étude collective de la Bible, le baptème par immersion des adultes, la défense de la liberté religieuse, le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la simplicité du culte d’adoration, le chant congrégationel, le revivalisme, le prophétisme historiciste, la perpétuité de la loi morale, la sanctification par la foi, la tempérance et la piété pratique.
    Cette incorporation doctrinale est sélective car les adventistes veulent éviter les erreurs et les excès possibles des diverses traditions. Mais ce cheminement est progressif. Si par exemple, Joseph Bates et James White emportent de la connexion chrétienne (leur ancienne église) des principes positifs comme « la Bible est notre seul credo », ils ne se sont pas encore débarrassés de tous ses éléments négatifs – le rejet d’une substitution lors de la mort du Christ ou le semi-arianisme christologique ou anti-trinitaire (ils pensent que le Saint-Esprit est une puissance, et non une personnalité de la trinité). Ellen White ne cessera pas de le répéter : les adventistes doivent poursuivre la recherche biblique. Mais comme nous le verrons, à partir de 1850, ils commencent à tourner leur attention sur deux autres sujets : leur mission et l’épineuse question de l’organisation.

  • Le défi de la réorganisation des cultes suite aux Covid-19 (I)

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    Depuis plusieurs semaines je suis interrogé par des communautés religieuses sur les conséquences d’une réorganisation des rituels en raison de la Covid-19. Des dimensions complémentaires doivent être distinguées sur ce point. Pour le comprendre je vous propose trois notes sur le sujet, chacune revenant sur une des dimensions à prendre en compte lors de la réorganisation des cultes. Commençons par la dimension ergonomique pour appliquer les mesures d’hygiène visant à circonscrire la diffusion d'une pathologie infectieuse, ici la Covid-19.

     

    La dimension hygiénique et ergonomique

    L’organisation spatiale est devenue un enjeu majeur. C’est à partir de ce dernier que toutes les autres réorganisations se réalisent. Pour qu’une communauté religieuse prenne en compte les contraintes infectieuses il faut donc qu’elle réaffirme le cœur, l’essentiel du sens de son action afin que la gestion de l’espace contribue à atteindre l’objectif assigné. Mais commençons par un point important qu'est la redéfinition de la relation avec l'Etat. Dans la prochaine note nous soulignerons les questions que la relation avec l'Etat soulève.

    • Revoir la relation à l’Etat.

    L’expérience de Mulhouse l’a montré. Lorsqu’une communauté religieuse organise librement, en autonomie ses manifestations fort du cadre de 1905, elle doit cependant être prête à renforcer ses liens avec les décideurs pour enrayer des conséquences indésirables comme les épidémies. Les communautés doivent désormais renforcer la traçabilité des flux d’individus, au moins sur une période glissante de 14 jours, durée d’incubation maximale de la Covid-19, pour aider à retrouver toutes les personnes susceptibles d’être infectées en son sein. Cela réinterroge bouscule les habitudes mais il y a un équilibre, entre les libertés (d’associations, de croyances et autres libertés fondamentales), à trouver par rapport à l’impératif de santé. Ce renforcement ne peut pas être présenté et considéré comme un flicage. C’est aujourd’hui une nécessité transitoire qui doit être limitée dans le temps.

    • La distance physique

    Les indications de distanciation physique varient en fonction des pays, des formes d’activités et de l’évolution des circulaires. En France, le repère d’1m est la norme. Initialement cela imposait un espace de 4m² par personne ce qui rendait impossible l’accueil du public avec les jauges habituelles. Au mieux certains pasteurs m’indiquaient devoir réduire de 75% les capacités avec cette contrainte. L'arrêt du Conseil d'Etat rendant illégal la fermeture des lieux de culte et l’évolution récente consistant à appliquer l’écart 1m linéaire à des groupes facilitent l’organisation des rituels et l’accueil des publics. Ainsi une même famille peut être rassemblée et séparée des autres familles d’un seul siège. La règle reste identique pour les groupes d’amis, mais son application dans les églises reste complexe. En effet, tous les individus peuvent se présenter comme un groupe d’amis, il faudra alors identifier les groupes qui résident ensemble ou pas.

    • Particularités des enseignements à destination des enfants (écoles du dimanche/sabbat)

    Les écoles du dimanche, les écoles du sabbat ont cette caractéristique d’être des enseignements cultuels à type culturel. Cela a donné dans le passé des échanges vifs et des conflits juridiques notamment avec l’administration fiscale. Nombres de communautés évangéliques organisent l’enseignement de l’école du dimanche sur les normes de l’enseignement scolaire. L’évolution des circulaires de l’Education (disparition des 4m², utilisation des masques quand le mètre linéaire ne peut être garanti) facilite désormais les activités des écoles du sabbat et du dimanche.

    • Sens de circulation

    Il est mis en place pour éviter les croisements. Là est un véritable casse-tête. Toutefois les communautés arrivent localement à le mettre en place.

    • Mise en place de processus de désinfection

    Les communautés disposent désormais de distributeurs de gel hydroalcoolique à l’entrée. Mais la complexité vient de l’obligation de désinfection régulière des locaux. Cela nécessite un personnel formé et disponible. C’est cela qui réduit, comme dans les lycées, les possibilités d’accueil et la polyvalence des activités. En plus les contraintes de désinfection imposent une limitation des objets que les individus peuvent se passer entre eux, ce qui n’est pas sans conséquence sur les gestes rituels et les écoles du sabbat/dimanche.

    • Place des masques

    Les communautés encouragent le port du masque. Certaines en font un outil obligatoire. Dans les faits, les membres des organisations religieuses protestantes optent massivement pour le port du masque. Toutefois, les communautés doivent être en capacité de proposer des masques. Cela a donné naissance à une chaîne de solidarité pour la confection de masques par des membres. Parfois des communautés ont réalisé des masques avec des logos, verset, images, faisant des masques des supports de communication.

    • Intégrer le distanciel

    Lors du confinement les groupes religieux ont amplifié l’utilisation d’outils numériques afin de garder un lien. Cette nécessité demeure pour : (1) permettre un retour graduel en présentiel ; (2) satisfaire les membres qui considèrent encore précoce un retour dans les lieux de cultes ; (3) continuer les activités en gardant le lien quand localement les lieux ne permettent pas de réouverture ; (4) continuer à toucher un nouveau public éventuellement découvert grâce aux télécultes et (5) garder de manière définitive la complémentarité entre distanciel et présentiel qu’il y ait virus ou pas.

    Sur ce point les églises comme l’Eglise adventiste qui disposent de structures médiatiques ont pu voir l’apport capital de ces derniers et de leur valeur ajoutée. Les chaînes Youtube de groupes et de pasteurs évangéliques furent et demeurent particulièrement visitées. Les radios associatives eurent également une place singulière lors du confinement pour que l’esseulement ne se transforme pas en isolement.

    • Former

    Les communautés ne peuvent échapper à l’obligation de formation sur l’hygiène et les risques juridiques. En particulier les laïcs en charge de l’entretien des locaux doivent être formés. C’est l’ensemble des corps du diaconat et de l’anciennat qui sont ici des cibles principales. Pour cela les communautés disposent de ressources internes suffisantes comme des professionnels de santé et du droit pour former. L’appartenance à une structure fédérale comme dans le cas adventiste est un atout pour mutualiser les compétences. L’intégration organisations comme la (FPF) Fédaration Protestante de France, le Réseau (FEF) Fraternel évangélique français, le (CNEF) Conseil National des évangéliques, Fédération des Eglises Evangéliques Batistes de France, (l’UEELF)l’Union des Eglises Evangéliques Libres de Fance, etc. peut être un levier.

     

    Mise en oeuvre

    • Une forte conscience

    L'application des mesures impose une réduction des jauges, de la capacité d'accueil de tous les sites religieux. Pour y faire face, il n'y a pas d'encouragement à un retour absolu, massif, obligatoire, dans les lieux de culte.  Les communautés religieuses ne veulent plus être un sujet médiatique avec le Coronavirus comme ce fut le cas aux premières heures des foyers de contamination à Mulhouse. Il y a donc une grande conscience des risques.

    • Échelonnement de programmations

    Le casse-tête d'organisation dans les groupes où la densité de membre est importante impose de proposer plusieurs services de culte en condensant la programmation. C'est d'ailleurs une difficulté majeur pour les communautés qui fonctionnaient sur ce mode avant la pandémie. Cet échelonnement peut se réaliser qu'en se recentrant sur les activités essentielles. Cela ne peut se faire sans une prise de conscience globale de l'importance des rituels menés sur site et de la complémentarité d'activités menées dans la sphère privée (cultes familiaux, formation continue, maintien dans les réseaux de communication...) 

    Conclusion intermédiaire

    Vous l'avez compris avec ces quelques éléments furtivement présentés, la réouverture des lieux de culte est un challenge organisationnel. Il est identique aux défis que les écoles et entreprises ont surmonté. D'ailleurs les solutions sont proches voire identiques. Cependant dans le cadre religieux ces changements imposent une réflexion sur le coeur des activités menées dans les lieux de cultes.

     

  • Adhésion de l'Eglise Adventiste à la Fédération protestante (2)

    medium_ALeloo_Magazine.JPGJe m'étais engagé auprès de vous à revenir sur la question de l'adhésion de l'Eglise adventiste à la FPF. J'aimerai dans les mois qui suivent vous proposer une lecture en terme de "reconnaissance mutuelle". Pour cela j'attends que se réalise une journée d'Etudes sur la question, qui est en cours d'organisation avec différents spécialistes. Après les vacances je serai en mesure de vous en dire plus. Pour l'instant, Charles, lecteur habituel de ce blog, membre de l'Eglise Adventiste, indique, l'interview suivante de JP Barquon, nous deveçant sur ce thème de la "reconnaissance mutuelle". Cette dernière, donnée au Magazine Aleloo, explicite dans un langage pédagogique, court et simple (format évidemment contraingnant de ce genre d'exercice) l'adhésion adventiste à la FPF. En attendant que je vous propose une vision qui sera complémentaire à celle-ci, de mon avis, cette interview demeure pédagogique.Au passage notez l'évolution des chiffres de l'adventisme surtout dans les DOM/TOM et la place d'Ellen Whote dans la présentation que fait Aleloo de l'adventisme.

     INERVIEW EXTRAT DE ALELOO MAGAZINE  

     

     Adventisme et protestantisme : une reconnaissance mutuelle.

    medium_JPBarquon.2.jpgLe 11 mars dernier, l’Union des fédérations adventistes de France (UFA), a été admise au sein de la FPF, après deux ans de probation. Critiqués par certains chrétiens évangéliques, en raison de leur attachement au sabbat et surtout aux écrits de la prophétesse Ellen White, les adventistes du 7ème jour sont désormais officiellement membres de la grande famille protestante - en France et dans plusieurs autres pays. Le pasteur Jean-Paul Barquon est secrétaire général et responsable du département des communications de l’UFA. Il estime que cette adhésion répond à la reconnaissance par les adventistes de leurs racines protestantes.

    Une Eglise évangélique un peu particulière

    L’adventisme, a été organisé en dénomination aux Etats-Unis en 1863. Il est né dans les années 1840 d’un mouvement de réveil interconfessionnel annonçant le retour imminent du Christ. Il est présent en France depuis 1874 (l'Eglise adventiste du septième jour a été officiellement organisée en association cultuelle le 26 janvier 1918). A l'heure actuelle, il y a 11 000 adventistes en France métropolitaine (33 000 dans les Dom/TOM) et 13 500 000 dans le monde (membres adultes baptisés). Ces chiffres n'incluent pas les nombreux enfants et sympathisants. Les croyances fondamentales des adventistes sont les mêmes que celles des évangéliques : justification par la foi seule, salut par grâce, pleine autorité des Ecritures (sola scriptura), etc. Certaines croyances « particulières », telles que l’observance du sabbat/samedi ou la non-immortalité de l’âme, sont en fait héritées d’autres mouvements protestants. Quant à l’autorité des écrits d’Ellen White, l’une des pionnières de l’adventisme, elle n’est pas placée sur le même plan que celle de la Bible.

    Aleloo.- L’Union des Eglises adventistes de France vient d’adhérer à la Fédération protestante de France : quelles ont été les motivations de cette adhésion ?

    Jean Paul Barquon.- En adhérant à la FPF, l’Union des Fédérations adventistes de France (UFA) n’adhère pas à une Eglise protestante. D’une part la FPF n’est pas une Eglise : c’est une association loi 1901 qui rassemble une variété d’églises issues de la Réforme protestante, mais aussi de différents mouvements de réveil. Elle rassemble également des IOM (Institutions, œuvres et mouvements). D’autre part, il n’existe pas une église protestante mais des églises protestantes : une famille issue de deux grands courants historiques (luthériens et calvinistes-réformés) mais encore des libristes, des baptistes, des évangéliques, des pentecôtistes et des charismatiques. Cette diversité est une richesse. Depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, il était inévitable que tôt ou tard l’Eglise adventiste du septième jour se retrouve dans ce panel. Se démarquer du phénomène sectaire peut entrer en considération mais ce n’est pas une motivation essentielle, car ce serait superficiel et bien incomplet. La motivation principale est simple : reconnaître nos racines protestantes, considérer les autres églises comme des partenaires et non pas comme des adversaires.

    A.- Comment s’est effectué le processus d’adhésion et comment cette adhésion a-t-elle été reçue par les Eglises adventistes ?

    J.P. B.- L’Eglise adventiste a été invitée dès 1905 à devenir membre de la Fédération protestante, puis en 1946 la demande fut renouvelée par le président de la FPF, le pasteur Marc Boegner. Ce n’est pas une nouveauté. Mais le président de l’unique Fédération adventiste de l’époque se tournant vers ses responsables hiérarchiques pour obtenir un conseil à ce sujet, n’a pas été encouragé à aller dans cette direction. Les mentalités évoluent. Les pasteurs adventistes ont une solide formation théologique universitaire et se considèrent comme de véritables protestants. Au sein d’un même pays comme la France, en raison du brassage de la population, nous trouvons au sein de nos églises, une pluralité culturelle et une grande diversité ethnique. Il est possible de trouver des membres dans nos églises qui regardent les autres dénominations religieuses au sein du protestantisme comme des concurrentes, voire des adversaires à l’implantation du message adventiste. Or, nous devons apprendre à respecter les autres. La décision au sein de l’Eglise adventiste de France ne s’est pas faite d’un coup de baguette magique. Elle émane dans un premier temps de la résolution de plusieurs assemblées générales de l’Union franco-belge, de 1991, de 1993 puis de la consultation du corps pastoral, de comités des deux fédérations adventistes de France, d’une rencontre spéciale à Lyon en novembre 1995, de visites dans les églises et d’une assemblée générale de l’Union du 8 février 2003, avec le vote favorable de la majorité des délégués (86 pour et 18 contre). Ces différentes consultations, et votes ont permis de déposer définitivement notre candidature à la FPF. Entre temps depuis 1993, il y a eu la naissance d’une commission paritaire émanant du Conseil de la FPF qui a entrepris un dialogue régulier sur l’examen de toutes les croyances de l’Eglise adventiste. Puis le dialogue s’est instauré au niveau local dans les différentes régions avec les pastorales, pour aboutir à deux années de probation à compter de 2003. Le 11 mars 2006, lors de l’assemblée générale de la FPF, au même titre que les quatre églises évangéliques de type pentecôtiste en demande, l’UFA est devenue membre de la Fédération protestante de France avec sur 68 délégués votants, 63 voix favorables, 2 abstentions et 3 non.

    A.- A-t-elle dû faire des concessions sur le plan théologique ou éthique pour y parvenir ? Est-elle plus ou au contraire moins « évangélique » à présent ?

    J.P.B.- Pourquoi faire des concessions sous prétexte d’adhésion ? Si l’on n’avait pas été capable de nous prendre tels que nous étions, nous n’aurions pas accepté de devenir membres de la FPF. La FPF n’est pas une Eglise et elle ne demande pas à ses membres d’aligner leurs confessions sur un modèle présenté comme un étalon avec une profession de foi commune à tous. La Charte de la FPF précise clairement dans son préambule que « chaque Eglise membre de la FPF conserve les formulations de la foi, les expressions cultuelles, les formes de présence dans la société et les priorités du témoignage auxquelles elle est attachée. » Notre adhésion ne nous a pas rendus plus ou moins évangéliques qu’avant. Tout chrétien qui croit en Jésus-Christ et passe par une nouvelle naissance en vivant dans la grâce, ne peut être qu’évangélique. Nous n’avons pas besoin, en tant qu’adventistes, d’une adhésion pour devenir évangéliques. Là encore les préjugés sont parfois tenaces, à notre égard, au sein du courant évangélique français, notamment en raison de trois aspects : le regard que nous portons sur Ellen White, puisque nous acceptons les dons spirituels, le maintien du culte le sabbat et notre attachement à certains principes de santé . Mais ni le don de prophétie, ni la pratique du sabbat, ni l’adhésion à des principes de santé ne sont des conditions de salut. Certains évangéliques pensent que nous avons remplacé les écrits bibliques par ceux d’Ellen White. Si c’était le cas, ce serait de la pure hérésie. La Conférence générale des adventistes s’est exprimée sur cela depuis bien longtemps et l’a rappelé par une déclaration en juin 1982. Lors du dialogue entrepris avec la Fédération luthérienne mondiale, de 1994 à 1998, cet aspect a été largement abordé, sans complexe. Les adventistes considèrent les écrits bibliques comme l’autorité normative sans aucune réserve (norma normans). Mais les luthériens comme les adventistes attribuent une autorité à d’autres documents considérés comme norme dérivée (norma normata). L’autorité d’Ellen White est une autorité dérivée. Elle a fermement souscrit au principe du sola scriptura et les adventistes testent ses écrits d’après l’Ecriture, d’où l’existence du centre de recherche WhiteEstate.

    A.- Qu’attendez-vous de cette adhésion ? Que va-t-elle apporter à l’Eglise adventiste de France ? Que vont apporter les adventistes aux autres Eglises membres ?

    J.P.B.- J’attends de cette adhésion ce que toutes les Unions ou fédérations membres de la FPF sont en droit d’attendre conformément à la Charte : un témoignage commun de l’Evangile, une complémentarité des dons et des compétences, une interpellation réciproque, une parole commune sur des problèmes éthiques à transmettre à nos contemporains, etc. Mais j’attends surtout l’existence d’une commission théologique, voire d’un colloque sur des thèmes précis, pour montrer enfin que nos particularités, comme la célébration du culte le sabbat à notre niveau, ne sont pas une fantaisie. La société biblique française, avec l’Alliance biblique, a profité depuis longtemps de la présence d’exégètes adventistes, qui ont contribué, par exemple, à la traduction de la Nouvelle Bible Segond. Les protestants « historiques » ne se sont jamais plaints de la contribution des adventistes au CPCV (Comité protestant des centres de vacances), aux émissions du service télévisé protestant de France 2, aux émissions de radio ou même des accords de la Faculté de théologie protestante de Strasbourg avec la Faculté adventiste de Collonges-sous-Salève.

    A.- Peut-on envisager de voir un jour l’Eglise adventiste membre d’une fédération évangélique telle que la FEF ?

    J.P. B.- Ce n’est pas à l’ordre du jour. La FPF a une dimension différente de celle de la FEF. La FPF existe depuis 1905, alors que la création de la FEF est beaucoup plus récente. La FEF est nécessaire puisque les Eglises évangéliques sont souvent de type congrégationaliste et ne sont pas forcément organisées et structurées. D’une manière générale, nous nous sentons proches des chrétiens évangéliques, au niveau du vécu et du dynamisme. Mais aussi nous nous sentons proches des églises protestantes historiques au niveau de la formation théologique du corps pastoral. Ceci dit, je crois qu’il est nécessaire que l’UFA entreprenne un dialogue avec l’AEF (Alliance évangélique française) et avec la FEF pour éviter les malentendus et les préjugés, mais pas en vue d’une adhésion.


    Source: Aleloo Magazine

  • Suite... Les nouveaux défis de l'Eglise adventiste en France (III). La révolution épistémologique (deuxième partie des d

    Fédération protestante, adventiste, Eglise adventisteDans les deux précédentes notes de cette série j'indiquais quelques défis pour l'Eglise adventiste. Les évolutions de la société française poussent cette communauté religieuse à amplifier les actions qu'elle mène à l'intersection du religieux et des attentes sociales. Santé, écologie, libertés fondamentales, actions humanitaires et sociales, sont des domaines où l'adventisme a une expertise. La surprise est que cette communauté valorise peu ces points.
    A ce constat, je rajoutais un autre défi central : les changements dans l'organisation adventiste. Une meilleure rationalisation des dépenses et de la gestion des ressources humaines est à l'ordre du jour.
    Ce constat institutionnel a des conséquences multiples. Je m'arrêterai sur quelques-uns de manière non exhaustive. Commençons par regarder des suites attendues de l'adhésion à la Fédération Protestante de France.

    La continuité de l'adhésion à la FPF

    L'adhésion à la Fédération Protestante de France a déjà été largement analysée. Je rappelle que dans l'ouvrage, Ces protestants que l'on dit adventiste, que j'ai codirigé avec Régis Dericquebourg, Sébastien Fath pose le cadre de la relation entre adventistes et protestants. Jean-Paul Willaime y indique les enjeux du rapprochement entre l'Eglise adventiste en France et la FPF. Dans ce même ouvrage Richard Lheman revient sur les contraintes que durent surmonter en interne l'adventisme, car il s'agit [c'est moi qui l'ajoute] d'une véritable révolution épistémologique pour les adventistes. Cette révolution est inachevée. C'est son achèvement qui reste un défi. Je m'explique.
    Naissant en terre protestante américaine au XIXe siècle, l'adventisme progresse en concurrence avec les autres communautés protestantes. C'est une religion de mission, qui se veut idéalement constituée de confessants, de membres engagés. La théologie adventiste va se développer dans ce même dynamisme. Elle veillera à se démarquer des autres protestants. L'identité adventiste se construira en opposition théologique avec les protestants, mais surtout dans une double stigmatisation. La première vise à pointer des divergences fortes et donc à s'isoler dans l'univers protestant. Certains adventistes auront même du mal à intégrer qu'ils sont partie prenante du protestantisme ! La deuxième stigmatisation consistera à se considérer comme le véritable protestantisme, susceptible d'être une victime d'un rapprochement d'intérêts entre les autres groupes protestants et le catholicisme. Cela va par exemple alimenter la crainte adventiste de l'apparition de législations (loi du dimanche par exemple) dont la finalité cachée serait la recherche de son extermination.

    Ce positionnement va laisser des traces dans le regard des protestants sur les adventistes. En France, dans les lieux de formation protestant, l'adventisme était présentée comme une secte incompatible avec le dynamisme protestant.

    Fédération protestante, adventiste, Eglise adventisteL'adhésion à la FPF est donc une véritable évolution sachant que les autres organisations religieuses non-sabbatiques étaient considérées comme babylone par l'adventisme ! Et on pourrait rajouter d'autres arguments et exemples pour montrer la culture de l'éloignement, de la différence avec les autres protestants qu'entretenait l'adventisme. Il s'agit bien d'une révolution épistémologique qui a nécessité des décennies. Que d'évolutions, que de chemins parcourus, pour voir aujourd'hui un adventiste trésorier de la FPF ! Elle résulte d'une véritable révolution épistémologique.
    Cette révolution épistémologique a été une révolution d'appareil. Qu'est-ce que j'entends par là ? Simplement que ce sont des dirigeants adventistes, opposés souvent vigoureusement à d'autres, qui sont parvenus à imposer la nécessité de se rapprocher en France de la FPF. L'adhésion à la FPF est donc avant tout un rapprochement entre deux institutions. Les responsables adventistes qui ont eu cette responsabilité légitimement, parlent d'une adhésion communautaire. C'est une grande différence avec l'analyse sociologique. En effet le rapprochement d'institutions n'est pas une adhésion communautaire. Les décideurs, les administratifs, les fonctionnaires, les procédés organisationnels de l'adventisme ont adhéré à la FPF. Et le succès est là puisque les responsables adventistes animent plusieurs instances de la FPF. Cependant, bien de membres n'ont pas intégré cette adhésion. Ils gardent, cultivent la double stigmatisation pour bien se démarquer. Toute la difficulté est de passer de l'adhésion institutionnelle à l'adhésion communautaire. Deux choses coincent.

    1. Il y a un effet de génération à attendre. Le temps aidera à trouver évidente l'appartenance à la FPF.
    2. C'est le plus compliqué. Certaines formes internes de l'organisation adventiste et de sa théologie devront inéluctablement évoluer pour que l'adhésion communautaire se réalise. Deux exemples volontairement saillants. Le premier est le regard adventiste sur les mariages œcuméniques avec d'autres églises protestantes. Bien que les positions évoluent, les textes normatifs adventistes rejettent le mariage d'un adventiste et d'un protestant. Que ce soit le Manuel d'Eglise ou le Manuel du Pasteur, deux ouvrages importants, l'interdiction pour un pasteur adventiste d'officier un mariage œcuménique est stricte. Les tenants d'une position radicale ont donc le texte de droit canonique pour eux. Evidemment les modernistes adventistes peuvent se référer à d'autres textes qui sont des travaux, des réflexions, mais non normatifs. Le second exemple est le rebaptême. Remarquons qu'il commence à connaître une baisse. Mais encore une fois, le droit canonique adventiste impose un baptême par immersion pour se joindre à une communauté adventiste, y compris pour les protestants qui ont déjà réalisé ce rite dans leur congrégation d'origine. Je le redis, le rebaptême est un sujet théologique polémique en interne et des pasteurs se contentent de la simple profession de foi. Le sujet n'est cependant pas explosif en France car la proportion de protestant devenant adventiste est faible.

    Que montre tout cela ? La révolution épistémologique est inachevée et en cours. L'adhésion à la FPF pousse l'Eglise adventiste à ne plus se penser en opposition avec les autres protestants. Outre le niveau administratif, un prolongement doit se faire dans le vécu communautaire, les rites, les croyances, les normes, etc. C'est la suite de la révolution épistémologique de l'adventisme qui est à venir.

  • Formation : « Religion, entreprises et travail ». Comment choisir ?

    De nouvelles aventures mobilisent beaucoup. De fait, le blog a été trop négligé. Je tente d'y revenir assidûment. La fabrication de formations pour des professionnels en est la raison. L'une porte sur la place de la religion au travail. Que dis la loi ? Comment anticiper et gérer les conflits ? Quelle est la place du fait religieux dans le management ? Comment intégrer les préférences religieuses des clients ? Un ensemble de questions qui intéresse sans doute plusieurs entreprises. Des cabinets de conseils en font maintenant une spécialité.
    Se pencher sur les liens entre religion et travail n'a pas attendu pour ma part l'arrêt de la crèche Baby-Loup. C'est un fait d'actualité qui montre bien la nécessité qu'il y a de mettre en place un ensemble de procédures pour encadrer, anticiper, comprendre, les croyances religieuses dans l'entreprise.

    En formant les professionnels de santé autour de la naissance ou encore des soins quotidiens, je me rends compte du besoin qu'il y a, à aborder sereinement, sans crispation la place de la religion. Mais les difficultés sont nombreuses. La principale résulte des trop nombreuses confusions qu'il existe autour de la notion de laïcité. Elles conduisent à placer la liberté religieuse et de croyance en conflit avec les impératifs de l'entreprise. Une fois cela méthodiquement démonter, il y a la possibilité d'installer un espace serein d'échange, de progrès social dans une entreprise en quette de performance. La religion est alors un élément parmi d'autre d'une meilleure compréhension des uns et des autres et non un frein. Elle reste évidemment à sa place, mais n'est pas niée.

    Dans un contexte législatif très exigent sur la religion, former les managers aux liens entre croyances religieuses et l'entreprise ne peut pas être improvisé.
    Aujourd'hui je participe à la création de formations sur ce point après des immersions en milieux professionnels. De fait, chaque situation est spécifique, même s'il faut admettre quelques points communs. La jurisprudence en est le principal.
    Dans une société où tous aimons de plus en plus voir nos opinions pris en compte, former les managers à la religion est un défi. Cela répond à un véritable besoin. L'entreprise qui dans sa relation client, sa gestion du personnel ou dans sa quette d'une excellente évaluation qualité n'intègre pas cette dimension, refuse d'intégrer un paramètre central de l’évolution de notre société. Cette prise en compte varie évidemment en fonction des secteurs, de la taille, du mode de management, de la structuration de la clientèle, ou encore des espaces d'implantation. La bonne formation est une prise en compte de tout cela et de points très concrets:

    Former quand ?
    Idéalement, l'entreprise qui recherche une formation ne doit évidement pas attendre l'apparition de difficultés. La formation ne doit pas non plus faire naître des problèmes inconnus dans l'entreprise et les vies de ceux qui l'animent.
    Pour y arriver l'entreprise doit effectuer sa formation loin des orientations de l'actualité même s'il faut avoir les deux yeux sur ce qui se joue dans la jurisprudence.

    Le contenu ?
    Celui-ci ne doit pas être le seul fruit d'un cabinet. Il est le produit d'échanges très resserrés entre l'entreprise et le prestataire.
    Outre ce binôme, il faut penser, en fin de parcours à une évaluation qualité qui dans l'idéal est réalisée par une tierce personne. Nous, sociologue spécialisés dans la religion et le monde du travail sommes à ce titre excellemment bien placer pour superviser tout le processus de formation (cocorico...).

    Autre chose : l'Europe !
    Le cadre législatif de l'expression religieuse est de plus en plus contraint par la Cour Européenne des Droits de l'Homme. L'entreprise qui veut se lancer dans une formation doit veiller à ce que son prestataire soit au fait des évolutions de la Cour. De fait, l'implication de son service juridique sera un plus.

    Durée : Les bonnes choses sont courtes. Ce dicton est particulièrement vrai ici. Si le prestataire a une bonne pédagogie et des supports adaptés. Il faut prévoir deux jours de formation avec des ateliers. Pas plus de 3 jours sur une telle thématique. Le danger est de glisser de la formation au débat d'opinions. Tel n'est pas l'objectif.

    Apports directs :
    Mais le plus est la mise en place d'atelier de création d'actions. Leur but est d'apprendre concrètement des procédures de communications, qui rebondissent sur le savoir religieux afin de décrypter une situation conflictuelle.
    De son côté l'entreprise veille à s'intégrer dans un schéma local de partenariat religieux pour disposer d'un appuie (aumônerie...)

    Coûts :
    En parcourant les cabinets j'ai vu osciller énormément les prix. Les plus élevé, les plus alléchants n'ont aucun contenu. Les formateurs n'ont pas une formation dense en religion, en droit et en management malgré ce qui est affiché. Il faut donc faire très attention.
    Les coûts oscillent de 400 € à près de 900 € les 3 jours. Difficile de parler de prix idéal, mais en regardant les contenus, la logistique nécessaire, le coût souhaitable est autour de 650€, repas compris. Ce coût peut être minimisé en proposant d'héberger la formation dans votre entreprise avec un nombre minimal de participants. Classiquement 7 participants au minimum est bon repère pour un prix de 600€/ personne. Gagnez encore 10 à 20€/personne en offrant le petit déjeuner et le déjeuner.
    Dernière astuce pour gagner encore en coûts : demandez à d'autres entreprises d'inscrire dans la formation que vous hébergez leurs collaborateurs. Avec 12 à 18 participants (plus cela demande une autre logistique) vous pourrez tenter de ramener le prix moyen autour de 520-550€/participant en offrant tous les repas, voir les déplacements des formateurs.

    En dessous de 520€, vu les rémunérations des formateurs reconnus dans ce domaine, il faut craindre la braderie en qualité.

    Que retenir ?
    Former sur la religion au travail est aujourd'hui plus qu'une nécessité. C'est un impératif pour l'entreprise en phase avec l'évolution de la vie sociale. Mais c'est une décision à prendre tranquillement. Elle doit se mûrir avec un conseiller avisé comme le sociologue de la religion pour atteindre les objectifs.
    N'oubliez que ce ne sont pas les diapositives qui font une formation mais la qualité de l'interaction avec le formateur, sa connaissance du sujet et sa capacité d'adaptation au secteur d'activité.

     

    Avec ces quelques pistes vous avez des repères pour mener votre formation. Si vous voulez plus de renseignement, je (et personne d'autre) réponds sur le sujet à : FormationAssistance[a]gmail.com

     

     

  • 2019: Bilan (trop) rapide de l'Eglise adventiste en Francophonie entre tensions et succès [Mise à jour]

    bilan 2019, eglise adventiste du septième jour, SDA

    Comment faire un bilan de l’année 2019 sur l’Eglise adventiste du septième jour dans l’espace francophone ? Faisons simple en constatant les tensions et les succès.

    Deux anniversaires: La Martinique et le Tchad
    Les 100 ans de l’adventisme en Martinique, centre historique, administratif et numérique de l’adventisme francophone caribéen a été un véritable temps médiatique important. Au Tchad où les liens avec le pouvoir, les traditions locales ancestrales, l’influence musulmane sont denses, l’adventisme a fêté ses 50ans. C'est incontestablement les deux temps forts en francophonie.  On peut ajouter qu'au Bénin, le dynamisme adventiste a permis l’instauration d’une Fédération.

    La crise du Burundi
    L’Afrique a été de toute évidence l’épicentre de l’actualité francophone, y compris autour des tensions. Au Burundi les tensions entre l’Etat et la SDA furent et sont encore vivaces. L’Etat burundais s’appuie sur sa législation pour reconnaître des leaders et codifier l’expression adventiste dans l’espace public. De son côté, une frange importante d’adventistes, s’appuyant sur les règles de la SDA, construites dans une histoire, une législation américaine, s’oppose aux volontés de l’Etat burundais. Le tout est possible en raison de dissensions internes à la SDA, dans un contexte électoral national tendu. On a ainsi vu des affrontements graves, y compris au sein des lieux de cultes devenus parfois des espaces de violences physiques. L’Eglise adventiste s’est ainsi officiellement insurgée contre la répression.
    Au-delà des libertés de foi, de conscience, de religion, se pose la question de la compatibilité entre le « droit canonique » et « le droit civique ». Question ancienne dans le catholicisme (c’est pour cela que je reprends ce vocabulaire) et désormais criarde autour de l'adventisme francophone. En démocratie stable, comme la France, le Ministère de l’Intérieur propose un équilibre par sa surveillance, encadrée par la Constitution. Dans les pays comme le Burundi, cet équilibre est autre. Il faut dire que les Etats qui ne bénéficient pas d’une grande stabilité, peuvent percevoir l’adventisme avec sa forte extension et ses ressources importantes comme concurrente à sa légitimité, à son pouvoir. De fait, bien qu’elle refuse de l’admettre, l’extension adventiste a une dimension politique de plus en plus importante qu’il faut étudier. Evidemment se posera la question de l’extension du modèle moral américain , éthique et religieux face aux contextes religieux locales et surtout politique. Tout un programme.

    La crise guadeloupéenne
    Aux Antilles, la Fédération de la Guadeloupe a été source d’une importante crise de gouvernance. Ce n’est qu’en fin 2019 qu’une élection plus sereine a été possible avec le retour du Pasteur Pierre Dufait. Sur fond de dissensions, d’endettement, de réorientations managériales, de quête de sens, une nouvelle équipe est chargée de redynamiser un adventisme dont certains acteurs annonçaient l’implosion.

    Divers succès
    Madagascar avec le dynamisme de l'enseignement malgré là aussi des tensions mais une reconnaissance étatique a marqué la SDA en Francophonie. Tahiti avec les actions sanitaires s'est aussi démarquée. En Haïti le système de santé adventiste déjà indispensable à la population s'est imposé comme le plus important. 

    En France hexagonale, l’année a été plus paisible au regard des autres aires. Plus globalement, l’actualité était à l’évolution de la Miviludes passée sous la coupole du Ministère de l’Intérieur et dont on peut largement envisager la disparition. C’est peut-être une bonne nouvelle pour les groupes religieux, trop rapidement présentés par la Miviludes dans un langage stéréotypé où les mots de "secte", "manipulation mentale" étaient devenus des refrains sans sens. Reste, qu’en démocratie, le remplacement d’une telle structure visible (par… on ne sait pas!) pose aussi question.

    Dans la production scientifique il n'y a pas eut de publication majeure avec la SDA comme objet. On peut signaler l'insertion de la SDA que j'ai réalisé dans l'important ouvrage "Les minorités religieuses en France" porté par Anne Laure Zwiling. Côté publication, un regret est le contenu de l'ouvrage de Daniel Milard "L'Eglise adventiste du septième jour à la Martinique et la Laïcité". J'ai réalisé ici et su HALSHS une recension. 

    bilan.png

     

    Ce qu'il faut retenir: Je pourrai détailler chacune des ces situations, mais nous quitterions le regard sociologique pour le journalisme, les faits divers, voire pire. Les situations décrites permettent de se rappeler que le développement des groupes religieux protestants d’essence américaine en espace francophone a toujours été sources de tensions. Ces tensions ne s’analysent pas théologiquement mais en observant, en comprenant les pratiques locales, les logiques, les rationalités face auxquelles le groupe religieux interfère, remodèle, dynamisme ou encore déstructure. Le choix des termes ne peut pas être hasardeux.

    D’autre part, l’année 2019 de l’adventisme francophone montre que la dimension politique du religieux ne peut pas être occultée. Certains acteurs, nombreux, refusent cette évidence. Je me rappelle d’un colloque en Guadeloupe où un responsable d’une église évangélique locale, universitaire, m’indiquait s’intéresser uniquement à la missiologie et réfutait la dimension politique du religieux protestant dans une société ou ce même religieux est un acteur central! C'est évidemment une vision marquée par l'engagement, fictionnelle et loin de la réalité. Elle minimise la complexité du fait religieux. Il se trompait et se trompe encore. Les individus sont d’une complexité où toutes les dimensions sont entrechevétrées. L’histoire, la psychologie, le politique, le contexte social… sont des éléments interdépendants qui font système et expliquent la réalité. Le religieux est un élément complexe de cette même réalité. Il s'alimente des autres dimensions tout en les alimentant. C'est l'interdépendance que Marcel Mauss avait envisagé dans la notion de Fait Social Total.

    Les responsables adventistes en Francophonie ont fait la dure expérience de la négligence de ses dimensions. C'est aussi une perspective pour eux de mieux construire une compréhension du monde et donc de soi!

  • James White : le leader des adventistes sabbatistes par JL Chandler

    1909321401.jpgAu début de l’année 1845, James Springer White (1821-1881), un jeune prédicateur millérite de Palmyra dans le Maine, entend parler d’Ellen Harmon, qui dit-on, a reçue une vision (le sentier étroit). Il se rappelle qu’il l’a entendue témoigner un an plus tôt à Portland et qu’il avait été surpris par sa taille fine et sa frêle apparence. Quand il se rend à Orrington pour récupérer un traîneau qu’il a prêté à son ami Jordan, il a vite l’occasion de se faire une opinion. Harmon raconte la vision à un groupe de millérites rassemblés dans une maison. Ce que James entend ce soir là le persuade qu’elle est une messagère de Dieu. Il propose aussitôt d’accompagner Ellen et la soeur de Jordan dans la tournée des congrégations millérites du Maine qu’il faut encourager et mettre en garde contre le fanatisme.
    White et le millérisme

    James est le cinquième des neuf enfants de John et d’Elisabeth White. Il a connu une enfance difficile. A l’âge de deux ou trois ans, une maladie de plusieurs semaines le rendit partiellement aveugle et l’empêcha de suivre une scolarité normale. A cause de sa mauvaise vue ou peut-être d’une dyslexie, il semblait incapable de lire. Selon ses propres mots, les lettres dansaient devant ses yeux. Aussi, à quinze ans, il se mit à travailler dans la ferme familiale.
    A dix-neuf ans, James est devenu un grand gaillard, fort physiquement et d’une santé robuste. Mais surtout, sa vision redevient normale. Or, il est assoiffé d’un grand désir de connaissances. Contre l’avis de ses amis qui le conseillent de rester à la ferme, il s’inscrit au lycée local de St-Albans. Il se jette à corps perdu dans les études. Il décroche un certificat d’étude et un poste d’instituteur l’année suivante. Son objectif est clair : il veut aller au college (l’université). Mais c’est alors, au début de 1840, que sa mère lui parle de ce qui captive l’attention de beaucoup de personnes :

    - Tu sais, James. Frère Oakes de Boston tient des réunions à l’école qui montrent dans la Bible que Jésus reviendra sur terre vers 1843. Beaucoup de gens du voisinage croient qu’il dit vrai et se sont convertis.

    James fronce les sourcils. A quinze ans, il a été baptisé dans l’Eglise chrétienne (les connexionistes) mais il s’intéresse peu aux choses spirituelles. Il estime qu’il n’a pas le temps pour cela.

    - Veux-tu dire qu’il est un millérite ?

    - Je suppose que tu peux l’appeler comme cela, bien que ses enseignements viennent de la Bible et non d’un homme.

    - Mais mère, William Miller n’est qu’un fanatique sur le sujet. Il prétend en savoir plus que Jésus lui-même qui dit qu’il ne connaît pas le jour et l’heure de sa venue.    
    A la surprise de James, sa mère répond à toutes ses objections. Pour lui faire plaisir, il assiste aux réunions. En entendant les sermons puissants et les témoignages de ses camarades d’école, il acquiert la conviction que Dieu dirige le mouvement millérite. A son grand déplaisir - car il veut acquérir une grande éducation - il ressent l’appel d’avertir le monde de sa venue prochaine. Il résiste, il supplie Dieu de lui enlever ce fardeau. Un jour, il sort en plein air. Il frappe le sol du pied et crie presque : « Non ! Je n’irai pas ! » L’instant d’après, il rassemble ses livres et ses vêtements. Il prête le cheval de son père et il part pour Newport Academy. Mais il n’arrive pas à se concentrer sur les études : il ne parvient à chasser la pensée d’annoncer le retour du Christ.
    En septembre 1842, White écoute les causeries de William Miller et de Joshua Himes à Castine dans le Maine. Il est impressionné par l’intelligence, la gentilesse et l’humilité de Miller. A partir de ce moment là, il se lance à plein temps dans la prédication. Il parcourt à cheval les villes et les villages de la région – dont  certaines localités complètement incroyantes. Durant l’hiver 1843-1844, plus de mille personnes sont baptisées après l’avoir écouté prêcher et chanter : « Vous verrez le Seigneur revenir (ter) dans quelques jours. Alors qu’un ensemble musical (ter) résonnera dans les airs. » Son activité évangélique ne passe pas inaperçue. Quand il retourne à Palmyra en avril 1844, sa congrégation le consacre au ministère pastoral.  

     

    L’idylle de James et d’Ellen

    Après quelques mois de tournée dans le Maine, Ellen Harmon reçoit une lettre de sa mère qui la désarme : « Entre à la maison, Ellen ma fille. De faux rapports circulent contre vous. Tu ne devrais pas voyager ainsi dans la campagne. Ce n’est pas convenable pour des gens de votre âge ». Pour couper court aux médisances, Ellen suit ses conseils. Mais les invitations des congrégations millérites continuent d’affluer. Elle se rend au New Hampshire et dans le Massachussetts, accompagnée de sa soeur Sarah ou de son amie Louisa Foss. Les rigueurs de l’hiver 1845 font qu’elle voyage à nouveau avec James White qui possède un traîneau. Elle l’apprécie et il a sa confiance.
    Malgré la présence d’adultes qui les accompagnent, les rumeurs malveillantes reprennent de plus belle. Pour préserver leur réputation,  James propose à Ellen de se séparer. Elle n’est guère enchantée. Alors il réalise que la seule solution serait qu’ils se marient ! Il n’y avait jamais songé. En fait, il pense qu’on n’a pas le temps de développer ce genre de relations. Ignorant tout pour l’instant de la recherche biblique d’Hiram Edson sur l’instruction du jugement, les millérites (comme Bates et White) qui maintiennent leur confiance dans la prophétie de Daniel 8.14 pensent que la porte de la grâce s’est fermée le 22 octobre 1844 et que le retour du Christ est retardé, peut-être d’une année ou d’un peu plus. A quelques jours du 22 octobre 1845, Ellen reçoit une vision et les avertit : l’espérance du retour du Christ n’est pas usurpée mais elle ne se réalisera pas à cette date. Le 22 octobre 1844 a marqué la fin des dates prophétiques.
    Sur la question du mariage, Ellen ne veut rien précipiter. Elle propose à James de consacrer, chacun de son coté, du temps à la prière. Quand ils se revoient la décision est prise. Une décision pas facile pour James ! Qui pensait que le mariage n’était pas une option durant l’attente du retour du Christ. Il avait même écrit une lettre à un couple qui planifiait son mariage, les accusant de renier la foi en le faisant. Et voilà qu’il prépare maintenant le sien et qu’il jette de la confusion dans l’esprit de plusieurs. 
     

    Rencontres avec Bates

    Au cours du printemps 1846, Ellen et Sarah Harmon sont en tournée dans le Massachussetts et visitent pour la première fois Joseph Bates dans sa maison à New Bedford. Bates a entendu parler des visions d’Ellen et il en est troublé. Durant la rencontre, elle partage son expérience et il saisit l’occasion pour lui parler du sabbat. Ni l’un ni l’autre n’est convaincu.
    Bates ne préjuge pas de la sincérité d’Ellen mais il lui avoue : « Je suis un Thomas qui doute. Je ne crois pas aux visions ». Il écrira deux ans plus tard : « Bien que je ne vis rien en eux qui s’opposèrent à la Parole, je me suis sentis alarmé et j’ai lutté contre avec excès pendant un long moment, incapable de croire que ce n’était rien d’autre que l’état débilitant de son corps ». La crainte des fausses prophéties explique sa réserve !
    De son coté, Harmon décrit Bates comme « un vrai gentleman chrétien, courtois et bon. Il me traita aussi tendrement que son propre enfant ». Mais elle ne saisit pas l’importance du sabbat. « Je pensais, écrira-t-elle plus tard, qu’il errait en mettant trop d’emphase sur le quatrième commandement par rapport aux neuf autres » (Life Sketches, p.236-237).
    En août 1845, James White visite Bates à son tour. Celui-ci saisit l’occasion immédiate de lui offrir le livre The Seventh Day Sabbath qui vient tout juste de sortir de presse. Il l’invite à le lire avec attention et à considérer la question du sabbat dans un esprit de prière. White promet de le faire et retourne à Portland où il va se marier dans quelques jours.        
    Joseph Bates, Ellen Harmon et James White : les trois fondateurs de la future Eglise adventiste du septième jour se connaissent à présent. Sous leur impulsion, les sabbatistes vont se regrouper, formuler des doctrines et établir une organisation. Mais comme deux biographies - James White de Virgil Robinson et James White de Gerald Wheeler - le soulignent, si Bates est l’initiateur de l’adventisme sabbatiste, si Harmon en sera le guide spirituel, c’est White qui s’affirmera comme son leader incontesté. Avec ses grandes idées, son labeur inlassable et sa foi pour reculer les limites de l’impossible.  

  • La création de la Revue adventiste (JL Chandler)

    revie.jpg Avant 1850, les adventistes n’ont nullement l’intention, et ne tentent jamais, d’évangéliser des incroyants. Cette surprenante attitude s’explique par leur croyance de « la théorie de la porte fermée ». Ils pensent (y compris Ellen White) que le temps de la miséricorde divine s’est achevé en octobre 1844, un peu comme lorsque Dieu ferma la porte de l’arche de Noé sur les antédiluviens. On ne peut plus rien faire pour ceux qui ont rejeté le message du retour du Christ (qu’ils acceptent sans assigner une date). Quand les adventistes parviennent à l’unité doctrinale au cours des conférences du sabbat (1848-1850), ils cherchent seulement à rallier les millérites à leur cause. En total contraste avec cette compréhension des choses, Ellen White reçoit une vision – déterminante dans l’évolution de l’adventisme – qui révèle que la proclamation de leur message sera mondiale. Mais ils ne comprennent pas ce qu’elle veut dire.

    Flots de lumière

    revue.jpgLa vision, rapportée dans l’autobiographie Life Sketches of James and Ellen White, a lieu le 18 novembre 1848 au cours d’une réunion dans la maison d’Othis Nichols à Dorchester dans le Massachussetts. Dans celle-ci, Ellen voit des jets de lumière qui grossissent en faisant le tour du globe terrestre. Après la vision, elle dit à son mari : « J’ai un message pour toi. Tu dois imprimer un petit journal et l’envoyer aux gens. Il sera petit au début mais les gens le liront. Ils t’enverront l’argent pour l’imprimer et ce sera une réussite dès le départ. Il m’a été montré que de ce petit commencement des flots de lumière feront le tour du monde. » Voilà à quoi servent les visions : donner une orientation spirituelle et missionnaire ; confirmer une orientation doctrinale et prophétique au mouvement adventiste naissant.

    Cette perspective rend James White perplexe. Publier un journal ? Mais comment ? Leurs ressources sont si maigres qu’en quatre ans (de mai 1849 à juin 1853), les White déménageront six fois. Etant à la recherche d’un emploi décent et surtout d’une imprimerie qui éditerait un périodique à bas coûts, ils résideront au Connecticut, dans l’état de New York et finalement au Michigan. Parfois ils logent chez une famille adventiste qui les a gentiment invités. A certains moments, James délaisse l’écriture pour travailler dans une ferme ou sur une voie ferrée. Il est parfois complètement découragé. A plusieurs reprises, Ellen reçoit dans une vision un ordre express. « J’ai vu que Dieu ne voulait pas que James s’arrête mais qu’il devait écrire, écrire, écrire, répandre le message et le laisser faire son chemin », dira-t-elle à l’historien Arthur Spalding. La belle affaire ! Mais vers la fin de juillet 1849, à Middeltown dans le Connecticut, un imprimeur accepte d’imprimer à crédit mille exemplaires du premier numéro du Present Truth (La vérité contemporaine). Un bimensuel de huit pages. En théorie ! Sa parution est très irrégulière. Seulement onze numéros sont publiés en quinze mois !

    Plus qu’un prophète

    Quelques jours plus tard (le 28 juillet), Ellen donne naissance à Edson, son deuxième fils. Parfois, elle se trouve devant un dilemme impossible : acheter du lait ou un vêtement pour le bébé. Le cœur gros, la jeune mère doit bientôt confier la garde de ses enfants à des amis afin de poursuivre ses nombreux voyages et délivrer ses messages. Ce n’est pas de gaieté de cœur. Elle est déprimée. Dans un sens, cela se comprend avec les difficultés financières, la fatigue, la dépression post-natale, une santé précaire, et instinct maternel oblige, la culpabilité d’être séparée des petits. Mais c’est surtout qu’Ellen n’apprécie pas, ne ressent pas de plaisir à exercer son ministère. A ses yeux, la responsabilité est déplaisante et écrasante. Elle trouve les messages lourds, pesants à porter. Elle est la cible des critiques et de l’opposition. Elle supplie Dieu avec larmes. « Enlève-moi cette mission. Confie-la à quelqu’un d’autre. » De nombreuses fois elle souhaite mourir, tellement elle aimerait être déchargée.

    Alors quand on s’étonne qu’elle ne clame pas être une prophétesse (comme le prétendent quelques deux cent personnes aux Etats-Unis à l’époque), elle confie, peut-être dans un soupir de lassitude : « J’ai reçue l’instruction que je suis la messagère du Seigneur… Dans ma jeunesse, on m’a souvent demandé : Es-tu un prophète ? J’ai toujours répondu : Je suis la messagère du Seigneur. Je sais que beaucoup de gens m’ont appelée une prophétesse mais je ne revendique pas ce titre… Pourquoi je n’ai pas clamé être un prophète ? Parce qu’à cette époque là, la plupart de ceux qui prétendaient être des prophètes étaient une opprobre pour la cause du Christ. C’est aussi parce ce que mon œuvre inclut bien plus que le mot prophète » (Manuscrit, 26 mai 1906).

    Ellen ne s’est pas encore complètement enlevée de l’esprit que Dieu n’est pas sévère et intransigeant (une croyance populaire). Au fil du temps, elle découvrira qu’il est amour, compassion et mansuétude. Elle apprendra que servir le Roi de l’univers est un très grand honneur, une joie irrépressible, la meilleure source d’épanouissement. A plus forte raison comme une porte-parole, une « plus qu’un prophète » - puisqu’elle est dotée de plusieurs dons spirituels (la sagesse, le discernement des esprits, la générosité) et qu’elle sera la co-fondatrice de l’Eglise adventiste du septième jour, une guide spirituelle, une écrivaine, une missionnaire et une prédicatrice. Progressivement, son attitude évoluera. Super motivée, elle accomplira sa mission avec zèle, vaillance, joie et confiance dans le soutien de Dieu. Quelle différence un autre regard sur Dieu peut faire !

    La Revue adventiste

    Fort d’une meilleure compréhension des évènements de 1844, James White estime que « le temps de la dispersion » des millérites est terminé. C’est maintenant « le temps du regroupement ». Ellen White partage ce point de vue. En août 1850, elle encourage les adventistes à rameuter les millérites : « Le Seigneur m’a montré que James doit prendre les témoignages que les frères dirigeants adventistes publièrent en 1844, et les republier afin de les couvrir de honte ». Les millérites doivent revenir à certains enseignements (le retour du Christ, l’immortalité conditionnelle, l’inexistence de l’enfer, le message des trois anges) et considérer d’autres découvertes doctrinales (l’instruction du jugement, le sabbat). Dans ce but, le même mois, James White lance un second périodique de 16 pages, l’Advent Review. Après quatre parutions, il le fusionne avec le Present truth sous un nouveau titre : Second Advent Review and Sabbath Herald. Avec le temps, ce nom sera abrégé. En 1978, il prendra le titre qu’on lui connaît actuellement : Adventist Review (la Revue adventiste).

    A la grande surprise des adventistes, une conséquence inattendue de leur activisme est la conversion, dès 1850, de personnes incroyantes ou non millérites. Soudainement, ils réalisent que leur vision des choses est étroite et incorrecte : la porte de la grâce divine demeure ouverte. Il faut annoncer le retour du Christ jusqu’à ce que… la terre entière soit avertie ! « Cette Bonne Nouvelle du règne de Dieu sera proclamée dans le monde entier pour que tous les peuples en entendent le témoignage. Alors seulement viendra la fin » (Matthieu 24.14). Une fois de plus, ils réalisent qu’ils doivent beaucoup désapprendre avant d’apprendre. En s’ouvrant à l’idée d’évangéliser, du même coup ils grimpent en trois ans (1850-1852) de 200 à 2000 croyants.

    Durant la décennie 1850, la diffusion de la Review (comme on l’appelle affectueusement) permet la survie et l’expansion de l’adventisme. En l’absence d’une organisation officielle, cet hebdomadaire rassemble, unifie et solidifie la foi des adventistes. Il fournit des nouvelles, publie les opinions des lecteurs, discute des idées et diffuse des recherches bibliques.

    A travers le monde

    Pour autant, les adventistes ne comprennent pas les paroles d’Ellen White : ces fameux « flots de lumière qui feront le tour du monde » ! Ils sont à des années-lumière d’imaginer que cette vision inspirera des générations d’adventistes et qu’elle façonnera la conception de leur mission. Ils ignorent que cet avenir se comptera en décennies ! Aujourd’hui, le journal des humbles commencements est publié en de nombreuses langues (dont le mensuel français, la Revue adventiste) et est lu sur le net : www.adventistreview.org. En 2005, son équipe de rédaction lance le mensuel mondial Adventist World en six langues (dont le français) à plus de deux millions d’exemplaires, et pose son contenu sur la toile : www.french.adventistworld.org. Des centaines de périodiques adventistes en 360 langues, comme Signes des temps (en Europe francophone) ou Priorités (aux Antilles-Guyane), sont diffusés. A cela s’ajoute d’autres moyens de communication. Adventist World Radio (la radio adventiste mondiale) et de nombreuses stations de radios adventistes émettent à travers le monde. Hope Channel (la télé de l’Espoir, avec ses sept chaînes continentales par satellite, aussi visibles sur le portal www.hopetv.org et www.hopetv.fr pour les programmes en français), 3ABN (visible sur www.3abn.org), 3ABN Latino, LLBN (visible sur www.llbn.tv), LLBN en arabe et Safe TV couvrent le monde entier.

    Au milieu du XIX e siècle, on ne saurait blâmer l’incompréhension des adventistes. Vous parlez d’une évangélisation mondiale alors qu’ils n’ont strictement rien : pas de clergé salarié, pas de bâtiments d’église, pas de ressources financières, pas d’organisation, pas d’imprimerie. Comme nous le verrons, il faut au moins commencer par là. Dur programme !

  • Joseph Bates : le vrai fondateur de l'adventisme sabbatiste (1/2 de JL Chandler)

    Bates et le millérisme

    Joseph Bates est un sacré personnage ! Dans son Autobiography, il narre une vie bourrée d’aventures palpitantes. C’est le cinquième des sept enfants de Joseph et Deborah Bates. Il a grandit à New Bedford, un port dans le Massachussetts, qui est la capitale de la pêche à la baleine aux Etats-Unis. L’attraît de la mer ! Bates n’y a pas résisté. A quinze ans, il s’engage dans la marine marchande. Pendant vingt-et-un ans, il mènera une existence pleine de risques et de voyages exotiques à travers les mers de la Caraïbe, de l’Amérique du Sud, de l’Europe et de la Russie. Il a tout connu : les tempêtes, les naufrages, le péril de la noyade et l’abordage des pirates. Son bateau se trouvera piégé au beau milieu de batailles navales entre l’Angleterre, les Etats-Unis et la France. Il sera prisonnier des Anglais en 1812.

    Dans un sens, son mariage en 1816 à Prudence Nye, une amie d’enfance, a contribué à le « stabiliser ». En 1822, il devient le capitaine d’un navire. Et à ce moment là, il réforme ses habitudes de santé. Il abandonne totalement l’alcool et le tabac. Deux ans plus tard, il trouve une Bible - le Nouveau Testament - que Prudence a glissée dans sa malle de voyage. Il la lit assidûment. Il découvre l’amour et la grâce de Dieu. En 1827, il est baptisé par immersion et il devient un membre de l’Eglise chrétienne – autrement appelée la connexion chrétienne.                   
    Après avoir amassé une petite fortune (11 000 dollars), Bates se retire de la marine en 1828. Mais ce jeune « retraité » ne reste pas inactif. Il s’occupe des propriétés de son père. Pendant douze ans, il s’implique dans deux causes : la tempérance et l’abolition de l’esclavage. A ses propres frais, il fait aussi bâtir une école d’instruction professionnelle pour des jeunes garçons.
    En automne 1839, Bates entend parler de William Miller. Il rejette l’idée d’une date pour le retour du Christ mais son intérêt s’avive quand quelqu’un lui dit que Miller soutient ses arguments par un grand nombre de textes bibliques. Il lit son ouvrage : Evidences de l’Ecriture et de l’histoire sur la seconde venue de Christ, vers 1843. En mars 1841, à son invitation, Miller prêche à Fairhaven et New Belford. Bates est impressionné ! Il remarque : « Sa prédication était très intéressante et très en avance sur ses écrits » (Autobiography, p.256).            
    Bates déploie toute son énergie dans la prédication du retour du Christ. Il occupe de hautes responsabilités dans l’organisation millérite. C’est lui qui présidera la conférence générale de mai 1842, l’un des rassemblements les plus importants de l’histoire du mouvement. Il dépense toute sa fortune pour faire avancer la nouvelle. En mars 1844, il vend sa maison pour payer ses dettes car il ne veut rien devoir à personne lorsque Jésus revient. Après le désappointement, il va poursuivre, avec cette même détermination, sa quête des éléments de vérité comme on rassemble les pièces d’un puzzle. Mais pour comprendre ce qui va se passer, remontons un peu en arrière dans le temps.                
     

    Les millérites sabbatistes
    Vers 1840, l’Eglise baptiste du septième jour, qui a été fondée à Londres en 1617 avant de s’exporter aux Etats-Unis en 1671, connaît une période de réveil spirituel. Ces quelques milliers de chrétiens sabbatistes américains agitent la question du sabbat parmi les protestants. Au début de l’année 1844,  Rachel Oaks – ou Oakes – (1809-1868), une baptiste du septième jour de l’état de New York, qui visite sa fille Delight à Washington dans le New Hampshire, parle du sabbat aux gens de la communauté. Le premier converti est apparemment William Farnsworth, son beau-frère, et celui qui l’aurait convaincue sur la doctrine du retour du Christ. Un autre converti est Frederick Wheeler, un pasteur et un fermier méthodiste millérite. Durant un service de communion, celui-ci invite les participants à « obéir à Dieu et à garder en toutes choses ses commandements » durant l’attente du retour de Jésus. Emoustillée par son injonction, Oaks lui rend une visite amicale. Elle le met au défi d’observer les dix commandements, et en particulier le quatrième :

    « Pense à observer le jour du sabbat et fais-en un jour consacré à l’Eternel. Tu travailleras six jours pour faire tout ce que tu as à faire. Mais le septième jour est le jour du repos consacré à l’Eternel, ton Dieu ; tu ne feras aucun travail ce jour là... Car en six jours, l’Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, mais le septième jour il s’est reposé. C’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du sabbat et en a fait un jour qui lui est consacré. » (Exode 20.8-11)    

    La remarque d’Oaks touche profondément Wheeler. Il fait une recherche biblique sur le sabbat et en mars 1844, il se met à l’observer. Plusieurs membres suivent son exemple. La congrégation de Washington est la seule congrégation millérite sabbatiste. Mais vers la fin de l’été 1844, d’autres millérites auraient accepté la doctrine du sabbat. C’est le cas de Thomas Preble (un prédicateur baptiste qui accompagna parfois Miller dans ses voyages), apparemment par l’intermédiaire de Rachel Oaks. En septembre 1844, le journal millérite, The Midnight Cry, note à plusieurs reprises l’activité des baptistes du septième jour. Ouverts à la recherche biblique, ses rédacteurs n’ont pas d’avis tranché sur le sabbat. A leur opinion, « la loi ne demande pas aux chrétiens de mettre à part un moment particulier comme un temps consacré » mais ils concèdent que si l’étude de la Bible convainc une personne du contraire, elle doit aussi conclure que « le moment particulier que Dieu nous demande de sanctifier est le septième jour de la semaine, qui est  le samedi » (LeRoy Froom, Prophetic Faith of our Fathers, vol.4, p.944).
    A quelques semaines du 22 octobre, Wheeler et Preble ne sentent pas la nécessité de convaincre leurs amis millérites sur un changement de jour de repos. Mais après le désappointement, Preble écrit un article dans le journal Hope of Israel du 28 février. C’est le premier article millérite sur le sabbat. En mars 1845, il publie aussi un tract sur le sujet.  
    Les participants de la conférence d’Albany de mai 1845 n’ignorent pas le point de vue de Preble mais ils décident ne pas s’associer à qu’ils considèrent être une caractéristique du Judaïsme. Et déjà, les albanistes se désignent officieusement comme des « adventistes du premier jour » comme pour se démarquer des adventistes « du septième jour ». En fait dans leur esprit, les millérites qui se réunissent le sabbat sont des spiritualistes – dont ils veulent absolument se distancer - car certains (plus nombreux que le minuscule courant sabbatiste) se sont mis à l’observer. Pas très longtemps ! Dès l’été 1846, la pratique du sabbat disparaît parmi eux. L’historien Merlin Burt observe que, dans leur quête fanatique de nouveautés spirituelles, ces spiritualistes ont essayé le sabbat sans saisir sa vraie signification théologique : ils ne l’ont pas lié à la création et aux dix commandements (Clyde Hewitt, Midnight and Morning, p.271-272).         
    Moins de trois ans après son acceptation du sabbat, Preble renonce aussi à l’observer quand il obtient la gestion d’une grande propriété. Il ne veut pas s’abstenir de faire des transactions commerciales le samedi. Néanmoins, sa contribution à l’adventisme est significative car son article et son tract sur le sabbat attireront l’attention de Joseph Bates et de John Andrews (un adolescent de 15 ans), deux futurs fondateurs de l’adventisme sabbatiste. De son coté, Rachel Oaks observera le sabbat jusqu’à la fin de ses jours. Elle deviendra une adventiste du septième jour quelques mois avant sa mort en 1868 – après que ses doutes soient levés sur des rumeurs qu’elle a entendues sur James et Ellen White. A ses funérailles, Stephen Haskell saluera son héritage spirituel : « Elle dort mais le résultat d’avoir introduit le sabbat parmi les adventistes est bien vivant » (Review and Herald, 3 mars 1868).                 

     

    Bates et le sabbat
    En avril 1845, Joseph Bates, à 52 ans, lit l’article et le tract de Thomas Preble sur le sabbat. Dans l’introduction du tract, celui-ci cite une déclaration de William Miller affirmant que le sabbat a été créé pour « être un signe éternel et une alliance perpétuelle », un fait qui prouve « sans l’ombre d’un doute qu’il s’impose de la même manière et pour la même raison à l’Eglise chrétienne comme aux Juifs » (According to the Commandment, p.3). Miller a-t-il songé à observer le sabbat ? En a-t-il été dissuadé à cause des spiritualistes ? On n’en sait rien.                
    Avec sa minutie habituelle, Bates étudie le sujet à fond. Il compare les arguments de Preble avec la Bible. En quelques jours, il est convaincu qu’il n’y a jamais eu de changement biblique du jour de repos. Peu après, en avril ou en mai 1845, il rend visite à Frederick Wheeler car il a entendu parler de sa congrégation sabbatiste de Washington dans le New Hampshire. Il arrive chez lui vers 22 heures. La famille Wheeler est déjà couchée. Bible en main, les deux hommes discutent toute la nuit et jusqu’après midi le jour suivant. Puis Bates prend le chemin du retour. Sur un pont, à l’entrée de New Bedford, il croise James Hall. Celui-ci le salue :

    - Qu’elles sont les nouvelles, capitaine Bates ? 

    - Les nouvelles sont que le septième jour est le sabbat et que nous devons l’observer.

    -  Eh bien je m’en vais à la maison lire ma Bible et regarder cela.

    Après avoir croisé Hall, l’infatigable Bates assiste à une réunion millérite. Avec le tract de Preble à la main, il parle du sabbat. Deux semaines plus tard, Hall et sa femme se mettent à l’observer. Quelques millérites se joignent à eux. Pour Bates, le sabbat est une vérité essentielle. Nous verrons pourquoi dans la seconde partie de cet article.