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  • Grèves aux Antilles, identité et religion. Acte 2

    guadeloupe grève 01.jpgDans notre dernier commentaire sur la dernière grève aux Antilles je notais que le mouvement social est un acte fondateur de la société antillaise. Il inscrit la relation avec l'hexagone dans une dimension conflictuelle. Cette dimension pousse à beaucoup relativiser le vocabulaire utilisé pour qualifier la dernière grève. Soyons précis, parler de « crise » me parait très inadapté. En plus d'être éloigné de la réalité le vocable de « crise » a des influences fortes sur le regard qui peut être porté sur la société antillaise et les propositions dans un contexte d'Etat généraux des Antilles. Par définition la crise est une situation exceptionnelle qui rompt (pix!) avec le normal, l'habituel, le commun, l'attendu. Elle exige de mettre en place une stratégie pour qu'elle soit la plus brève possible. Rien que simple retour pour quelqu'un qui connait les Antilles permet de dire que la notion de crise s'adapte difficile à la dernière grève. En effet celle-ci n'est pas exceptionnelle, était en partie souhaitée et s'inscrit dans une histoire très dense des luttes sociales.

    Les grèves, un « dense patrimoine » (Je reviendrai par la suite sur mes sources)

    guadeloupe grève 02.jpgOk. J'exagère avec le terme de patrimoine. Mais il a l'avantage de faire comprendre immédiatement ce dont il s'agit. La protestation sociale au travers de grèves est devenue un monde relationnel permanent entre ceux qui ont les forces de production et le salariat antillais, principalement guadeloupéens. La Guadeloupe est d'ailleurs, incontestablement, l'épicentre de la protestation sociale antillaise. La dernière grève l'a rappelé brutalement. Le dialogue social est plus rude qu'en Martinique. Il y est moins rugueux par exemple entre le patronat et les ouvriers.
    Lors de la dernière grève de 44 jours menée par le LKP et qui a fait tâche d'huile dans d'autres département d'Outre-mer dont la Martinique, les commentateurs ont au mieux que la Guadeloupe a été le théâtre d'une grève en 1967. Mais cette allusion était très orientée car elle considérait 1967 comme une préfiguration de 1968 en France. Ce raccourci est réducteur comme je l'ai signalé. Des leaders politiques et syndicaux s'y sont arrêtés oubliant de rendre à la Guadeloupe ses particularités. Je ne ferai pas l'historique de grèves aux Antilles. Mais pour illustrer mon propose voici un bref retour sur quelques grèves que j'ai sélectionné.

     

    1910.
    Jusqu'en 1910 des conflits sociaux sporadiques apparaissent. Ils marquent l'insatisfaction des anciens esclaves face à le traitement de salariés qu'ils découvrent. C'est aussi la période où il y aura des manifestations pour protester face à l'afflux de mains d'œuvres étrangères, à bas prix, pour remplacer les esclaves dans les plantations. Ce sont des petites poussées de contestations très faiblement structurées. A partir de 1910 la Guadeloupe devient l'épicentre de la contestation sociale aux Antilles. A la différence de la Martinique l'Île est moins marquée par la présence de békés, descendants d'esclavagistes et détenteurs des richesses. En Guadeloupe l'abolition de l'esclavage s'accompagna d'une vindicte anti békés. Déjà chassés avant l'arrivée de Richenpence lors du rétablissement de l'esclavage, c'est de la Martinique qu'ils vont organiser avec un succès important un monopole économique de la Guadeloupe.
    Février 1910 marque le début de luttes sociales profondes et de masse. Des ouvriers agricoles se mettent successivement en grève. Le 15 février une grève débute en Grande-Terre à l'usine de Darboussier. Après une répression qui aura fait 3 morts, les usiniers qui jusque là refusait la demande d'augmentation de prix de la tonne de canne qui leur était vendu donnent satisfaction aux ouvriers.

     

    1920.
    Guadeloupe grève 03.jpgDix ans plus tard, ce sera la conquête de la journée des huit heures. Le vendredi 16 juillet 1920, à l'usine de Darboussier une délégation de l'Union des Travailleurs présente trois points de revendication au directeur que sont : 1) La journée de huit heures ; 2) Le maintien des salaires de la récolte pendant l'intersaison ; 3) le non licenciement des grévistes. Le 31 juillet un accord signé entérinant les trois demandes des grévistes. Par la suite il s'étendra à la métallurgie.

     

    1925.
    En 1925 un autre conflit majeur apparaît. L'objet du conflit est la différence du prix de la tonne de canne à sucre entre usines. L'usine Duval rémunère 66,60 francs la tonne alors que l'usine Beauport payait 68,65 francs la tonne. Las de cette divergence les petits planteurs réclament une revalorisation de la tonne et une uniformisation des rémunérations. Le 3 février ils occupent les ils manifestent dans les usines. Des pourparlers s'engagent rapidement avec les usiniers. Elles achoppent sur une proposition de 70 francs. Durant les négociations des grévistes mobilisent d'autres planteurs restés dans les plantations. Les pourparlers achoppent. Les tensions s'exacerbent et une fusillade s'échangent entre grévistes et gendarmes venus protégés les usines sous ordre du gouverneur. Six manifestants sont tués et sept blessés. C'est la première grande répression d'un mouvement social depuis la fin de l'esclavage.  Les usiniers craignent que les petits planteurs aient des réactions extrêmes contre l'outil de production. De son côté les représentants de l'état redoutent une contagion sociale à l'ensemble des secteurs d'activités. Ces craintes poussent les usiniers au revirement. Ils acceptent de payer la tonne 73 francs, soit plus que ce que réclamaient les petits planteurs.
    Le mouvement de 1925 avec sa forte répression et l'obtention de la tonne à 73 francs inscrira le mouvement social dans une logique d'affrontement. Il fera considérer les patrons comme en perpétuel collusion avec l'Etat puisque celui-ci est capable de réprimer. Plus que sur les usiniers la méfiance touchera l'Etat. Certes l'image de celui-ci n'était déjà pas glorieux puisque l'abolition de l'esclavage venait d'avoir lieu soixante dix ans auparavant. Désormais, de manière justifiée ou pas, la classe populaire allait considérer l'Etat français comme un arbitre partiale qui n'hésite pas à tuer au profit de ceux qui détiennent les outils de production. Tous les ingrédients sont présents pour que les mouvements sociaux prennent le chemin de l'expression radicale.

     

    1930.
    La grève de 1925 reste dans tous les esprits. Ces enseignements sont présents dans tous les esprits lorsqu'en 1930 les usiniers proposent la tonne de canne à sucre 115 francs. De prime à bord cette proposition marque une forte augmentation en seulement cinq ans où elle était rémunérée 73 francs. Mais cette proposition restait inférieure à l'obligation légale. Un arrêté du gouverneur Tellier fixait le prix de la tonne à 126, 75 francs. L'arrêté prévoyait une augmentation des salaires des ouvriers agricole de 10% également. Le 13 février 1930 les ouvriers agricoles mènent une protestation. Des négociations sont menées en présence du Gouverneur entre grévistes et usiniers. Face à la demande des ouvriers d'une augmentation de salaire de 25 à 39% par rapport aux salaires de l'année précédente, les usiniers refusent et les négociations sont un échec. La réaction ouvrière est radicale. Différents sabotage sont dénoncés par les usiniers. L'inflexibilité des usiniers a eut raison des revendications ouvrières et le travail reprend. La grève de 1930 restera un échec dans l'histoire des revendications ouvrières guadeloupéenne. Elle fera toutefois réfléchir la classe ouvrière sur la nécessité d'être bien organisée et représentée lors des négociations avec les usiniers.

     

    Autour de 1946
    1946 correspond à la Départementalisation dont Aimé Césaire fut la tête de prou. Cette période est marqué par de nombreux troubles sociaux politiques après que de nombreux antillais rentrent de la seconde guerre mondiale avec un sentiment de non reconnaissance par la société française de leur engagement auprès du Général De Gaulle. Période de trouble sociaux, de questionnements politiques, mais surtout de demande de reconnaissance nationale de l'importance des Antilles. Césaire mettre en garde le gouvernement de l'époque sur les enjeux de cette attente. Indiscutablement il n'a pas été entendu.

     

    Continuons dans notre tour de sélection de grèves avec celle de 1952
    La grève de 1952 restera un évènement sanglant dans l'histoire sociale antillaise. La fin de l'année Guadeloupe Grève 04.jpg1951 est marquée par une revendication des ouvriers agricoles. Les ouvriers employés sur les surfaces des usiniers. S'ajoute une demande de revalorisation du prix de la tonne de canne. Le conflit lancé en novembre1951 dure déjà deux mois. L'année 1952 s'ouvre donc sur un climat social exécrable. Les ouvriers commencent à avoir des actions contre les outils de production et les usiniers demeurent fermes sur leur refus d'accéder aux revendications. Alors que l'épuisement semble gagner des ouvriers, en janvier 1952, les fonctionnaires réclament également une revalorisation des salaires. La grève du secteur agricole fait tache d'huile et un mouvement de grève général illimité est lancé. Durant un mois, la mobilisation est vive. Elle touche toutes les villes sucrières pour se propager à tous les activités de production. Face à l'extension le 11 février 1952 les CRS quadrillent plusieurs villes et se postent pour permettre l'accès aux usines. En réponse les ouvriers érigent un blocage et empêchent l'accès à l'Usine Gardel. Les forces de l'ordre vont intervenir pour démonter le barrage. Postés depuis trois jours, fatigués, les CRS font faire face à la résistance des manifestants. Des coups de feu sont tirés. Quatre manifestants décèdent et 14 sont tués. Devant cette répression les grévistes se découragent et l'ont retiendra de cette grève le caractère sanglant. Mais surtout elle encrera d'avantage les luttes sociales aux Antilles dans une confrontation violente.

    Grève de 1967. Beaucoup a été dit : passons donc.

    Le lundi 4 janvier 1971 l'Union des Travailleurs Agricoles, syndicat non représentatif dénonce un accord qui vient d'être signé entre la CGTG, la CFDT et le patronat en commission paritaire de l'industrie sucrière. Elle déclenche à Sainte-Rose le lundi 18 Janvier 1971 une grève pour exiger :

    1. La reconnaissance de sa représentativité
    2. L'augmentation à 27 francs de la journée de travail et la suppression des primes ;
    3. L'abrogation du mode de paiement de la canne à la richesse saccharine ;

    La jeunesse étudiante et lycéenne s'embrase littéralement. Un vaste mouvement de solidarité avec les travailleurs prend naissance.Autour de la grève et en même temps qu'elle, s'installe un débat de fond sur l'ensemble des problèmes que connait la société guadeloupéenne :
    Les autorités religieuses aussi vont se positionner par rapport à ce grand mouvement social. D'abord un prêtre engagé se manifeste au Lamentin en soutenant directement la grève de la canne : il s'agit du Père Chérubin CELESTE, à l'époque aumônier des Jeunesses Catholiques et animateur de la communauté chrétienne du secteur Baie-Mahault, Lamentin, Sainte-Rose.
    La grève va largement dépasser les frontières de la Guadeloupe. C'est en Martinique qu'un vaste mouvement de soutien s'organise à l'initiative des organisations politiques patriotiques et du PPM. Dans ce camp là, seul le PCM ne se manifestera pas.
    Les Organisations Syndicales Traditionnelles sortiront considérablement affaiblies de la grève de 1971, la contestation s'installant dans leur base et au sein même de leur direction.
    C'est également à cette époque que l'UTA mit en place dans des communes où elle était implantée, une "Ecole du Soir" afin d'alphabétiser les travailleurs agricoles et les initier à certaines disciplines scientifiques (Mathématiques - Sciences de la Nature - Economie Politique...).
    Avec l'arrivée de l'UTA et à travers la grève de 1971 naissait un syndicalisme guadeloupéen de type nouveau. Si on se réfère au discours des syndicalistes il s'agit, je site « d'un syndicalisme où les masses devenaient enfin maîtresses de leur destin en prenant les rênes de la base au sommet, en élaborant un discours en phase totale avec les réalités sociales et culturelles du pays et en développant des formes d'actions dont elles avaient elles-mêmes la maîtrise ». Ce que ne disent pas les leaders syndicaux c'est qu'il s'agissait d'un syndicalisme populiste, nationaliste.
    En dépit de l'importance du mouvement de masse et de la durée de la grève de 1971 - plus de 3 mois - les principales revendications économiques des travailleurs de la canne n'ont pas été satisfaites.

     

    1975
    A l'instar de celle de 1971, la grève de 1975 sera déclenchée à la suite de la signature d'un accord de trahison des intérêts des ouvriers industriels et agricoles par la CGTG et la CFDT avec les usiniers.
    Mais contrairement à celle de 1971, la grève de 1975 n'est pas intervenue comme une révolte populaire canalisée ; elle a été longuement et minutieusement préparée : durant tout l'hivernage 1974, l'UTA-UPG a organisé la séquestration tour à tour de tous les directeurs d'usine. Il s'agissait pour l'UTA-UPG d'une part d'obtenir pour les planteurs une ristourne sur les cannes vendues en 1974 et, d'autre part de faire admettre la présence de l'UPG au sein de la Commission Interprofessionnelle de la Canne et du Sucre. Face à l'inertie des négociations, une délégation composée de deux planteurs (Sostène GENDREY & Rosan MOUNIEN), de deux usiniers (Amédée HUYGUES-DESPOINTES & GARON) et d'un fonctionnaire de l'agriculture COURBOIS) fût envoyée à Paris en Janvier 1975. De conciliabules en négociations, personne ne voulût prendre de décision ni répondre clairement au problème posé à savoir : La fixation du prix de la tonne de canne en Guadeloupe en fonction de son coût moyen de production. Une seule décision fût prise : celle d'envoyer un expert du Ministère de l'Agriculture, l'ingénieur général René SAUGER.
    La venue de R. SAUGER en Guadeloupe au courant de la 3eme semaine de Janvier 1975 ne changea en rien les données du problème même si techniquement le dossier avança ; c'est d'ailleurs au cours d'une négociation avec SAUGER à la Sous-Préfecture que le clash se produisit entre l'UPG et les usiniers qui refusaient même les propositions timides de SAUGER en leur faveur. CELA NE VA PAS SANS RAPPELER LA DERNIERE GREVE AVEC LA VENUE DE JEGOT ET PAR LA SUITE DES NEGOCIATEURS.

    Face aux tergiversations de l'Administration, à l'intransigeance et à l'arrogance des usiniers et à la capitulation des autres syndicats, l'UTA-UPG et l'UGTG prirent seules leurs responsabilités et déclenchèrent début février 1975 une grève générale illimitée dans l'industrie sucrière.
    Pendant un mois et demi, la grève sera totale dans les champs y compris chez les planeurs ; et sera largement suivie dans les usines qui de toute façon ne pouvaient fonctionner sans canne. Ni les usiniers, ni l'administration en dépit des apports répétés des grévistes ne se sentirent obligés d'ouvrir les négociations. Loin s'en fallut...
    Nous assistons alors à une sorte de répétition de l'histoire. Des moyens policiers considérables furent mis à la disposition des usiniers : des barrages policiers interdisent aux grévistes l'accès aux habitations sucrières. Les dirigeants de l'UTA-UPG décidèrent avec les travailleurs au cours d'une réunion tenue le 21 mars 1975 de reprendre le travail dès le lundi suivant. Un communiqué fut même publié à cet effet.
    C'est alors que le samedi 22 mars 1975 survint un évènement extraordinaire... Là suite lors de la prochaine note. Remarquez que la religion fait son apparition. Nous revenons tout doucement à nos premiers amours.

  • Grèves aux Antilles, identité et religion. Acte 1

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    LKP 01.jpgLes sollicitations pour commenter le mouvement social aux Antilles furent très nombreuses. Je n'ai accepté aucune pour différentes raisons durant le mouvement social.
    Premièrement il y a des chercheurs plus informés que moi sur la question. Deuxièmement, si je m'intéresse aux Antilles, je n'ai pas directement observé le mouvement social en Guadeloupe (puisque c'est principalement de ce Département qu'il est question). Troisièmement, je m'intéresse aux Antilles avant tout au travers de la question des valeurs et croyances religieuses. Ce regard a besoin de s'extirper de l'actualité pour être pertinent.

    Bien que le climat social antillais soit encore très tendu, on peut dans un climat plus serein poser la question de la place du religieux dans ce mouvement social. Cela peut se faire de deux manières. Quel est le discours du religieux chez les leaders de la protestation ? Personnellement je ne peux pas répondre à cette question. Plus intéressant pour moi est la traditionnelle problématique de la place du religieux. En d'autres termes, que démontre la place du religieux dans la société antillaise, en relation avec l'image que traduit le dernier mouvement social sur cette dite société ? Pour faire plus simple, si on prend en compte la place du religieux dans la société antillaise, l'image, l'impression d'une société en désespérance tient-elle ? Bref, comment mieux rendre compte de l'identité antillaise quand on prend en compte le mouvement social et le religieux. Vaste programme. Ben... entamons-le. Je tiens déjà à vous dire qu'il sera l'objet de mon prochain livre en cours de finalisation (et de tractation avec l'éditeur).
    LKP Besancenneau.jpgAprès la signature des accords, j'ai donné qu'une seule conférence sur la question. Celle-ci a en partie commencé à répondre. Je reviens partiellement sur ce que j'y ai développé. Elle s'est déroulée à Lille, au siège de la Fédération du Parti Socialiste, à l'invitation de Gilles Pargneaux tête de liste socialiste à la députation européenne. Notez que j'aurai fait de même dans n'importe qu'elle autre formation politique même d'extrême droite, dès lors que je peux m'exprimer à ma guise et en sécurité. Ceux qui me connaissent savent d'ailleurs que je préfère allez dans des terres hostiles quand il s'agit de parler des Antilles.
    Revenons à la conférence qui s'est déroulée au PS. J'ai accepté d'y être parce que la grève générale était achevée et surtout parce qu'il est impossible de dire non à Virginie Tchoffo, responsable de la relation Nord Sud au sein du PS Nord. Mais surtout Virginie m'a garanti une liberté de ton et d'expression. Elle a même fait venir de la Guadeloupe, le Premier Vice Président du Conseil Général, Monsieur Félix Desplan (oui nous sommes parents et proches), Maire de la Ville de Pointe Noire et responsable de différents organismes et institutions.
    Le thème de la rencontre était La place des Dom dans la République. Le mouvement social de 44 jours qui vient de se terminer dans son aspect général permet de reposer avec acuité la question. Celui-ci ne peut se comprendre qu'en rappelant que les Antilles sont avant tout des sociétés post-esclavagistes, mais dont le tissus économique et sociale rester déterminés par l'héritage de l'esclavage. Je ne vais pas directement parler de l'évident impact des ravages de l'esclavage sur la société antillaise et sur sa manière de protester contre le pouvoir central lorsqu'elle pense que ce dernier a un rôle, voire une responsabilité dans des dysfonctionnements sociaux. Entant que sociologue je me permettrai d'insister sur quelques points dans l'ambition de mieux comprendre la dernière grève générale. En quoi cette grève réinterroge la vision et le rapport que les antillais ont avec leur société ? Qu'enseigne également la perception de ce mouvement social par l'opinion publique hexagonale tel que les médias la traduise ? Que révèle aussi le traitement médiatique de ce mouvement social ? Et plus pertinent, ici, que dire du traitement politique aujourd'hui des DOM ? Je ne vais pas délier ces questions. Pour notre blog ce n'est qu'une partie de notre réflexion. A la différence de ce qui était dit en Conférence, nous rajouterons la dimension religieuse. Mais une chose à la fois.
    Pour commencer il faut rappeler deux éléments fondamentaux indispensables pour avancer. Le premier est que le mouvement social est un acte fondateur de l'antillanité. Le second, qui découle du premier, est la permanence d'une tension forte, paradoxale, entre la France et les Antilles. Ces deux points sont essentiels car plus que la dernière grève ils permettent de comprendre souvent (pas toujours) les représentations des antillais et certaines attitudes. Personnellement je le revois dans les églises adventistes.

    • - Les mouvements sociaux: un acte fondateur des Antilles

    En préambule il convient de noter quelque chose que nous n'avons pas le temps de faire maintenant. Toute l'identité antillaise est marquée par l'héritage de l'esclavage. Les interactions entre hommes et femmes, la logique entrepreneuriale, le rapport à l'autorité politique, la vision de l'avenir, et j'en passe, ne peuvent être compris sans faire un détour par l'histoire esclavagiste. Nous ne le ferrons pas mais il est important d'indiquer l'omniprésence de ce thème qui est le tableau de fond, le soubassement, le terreau invisible aux conséquences permanentes et concrètes qui forment l'identité antillaise, et plus la société antillaise.
    Ce rappel fait, répondons à l'ensemble portées par le thème de notre rencontre. L'actualité a zoomé sur les Antilles et au mieux sur le mouvement social de 1967 qu'a connu la Guadeloupe. Mais ce regard est très partiel voir parcialiste. Il permettait de considérer les mouvements sociaux antillais et plus particulièrement guadeloupéens comme des prémices aux mouvements sociaux antillais. Le déplacement d'Oliver Besancenot porta certainement ce souhait. Permettez-moi de signaler qu'il s'agit là d'une vision instrumentale des Antilles. Les Antilles ne sont pas l'anti-chambre de la France. Ce n'est pas prendre en compte toute la complexité du mouvement social antillais avec ses particularités. Et puis, avec quelle éthique penser qu'un groupe peut être l'espace d'expérimentation, des rats de laboratoires de luttes pour d'autres. Il y a pour moi que des anomalies éthiques à cela. Je ne crois que le peuple antillais soit le brouillon d'une œuvre social qui se déroulera en France. Ceux-ci le différencient des conflits sociaux français.
    Cette manière de considérer le conflit social comme d'une pré-révolution oubliait ou nie un fait central de l'antillanité : les Antilles sont nées du conflit social. L'abolition de l'esclavage fut en grande partie due aux grèves de zèles des esclaves, aux incendies dans les plantations, aux marronnages d'esclaves, aux insurrections, aux meurtres de maîtres, brefs des conflits sociaux qui ont rendu non viable l'économie esclavagiste et a obligé les mouvements philosophiques, politiques, a reconsidérer l'exploitation du nègre et a promulguer sur le papier la fin de l'esclavage. La protestation sociale est donc un acte constitutif de l'identité antillaise. Mais attention n'en déduisons pas que les Antilles sont des terres permanente du conflit social. Nous disons simplement que le contexte historique qu'était l'esclavage a obligé des individus à protester socialement pour acquérir officiellement le statut d'être humain et mettre en déroute l'industrialisation d'humains par d'autres humains. Notons pour ce qui est des Antilles que le rapport de force a surtout été très important en Guadeloupe où les troupes napoléoniennes ont matés dans le sang différents soulèvements. Le plus célèbre marquera la mort d'Ignace et Delgrès en Basse-Terre. La cruauté alla jusqu'au meurtre de la Mulâtresse Solitude, cette femme révolutionnaire, primipare si je ne me trompe pas (à vérifier), qu'on laissa accoucher et que l'on tua après la naissance de sa progéniture. De tel faits et méfaits marquent l'inconscient collectif. Ils tissent un pattern. Ils modèlent un mode de communication qui devient le cadre d'échange permanent entre ceux qui se sentent porteurs de la mémoire de la souffrance subits et ceux qui sont représentés comme responsables d'une non prises en compte de cette souffrance. Ceci permet d'introduire le second point.

    • - L'établissement d'un rapport conflictuel avec la France

    LKP 02.jpgUn deuxième rappel est nécessaire. Je mettrai l'accent sur la Guadeloupe puisque ce fut l'épicentre et le point de départ des mouvements sociaux. Ce zoom se justifie par le fait que la Guadeloupe, certainement marquée par les meurtres napoléoniens a développé une résistance physique plus grande que la Martinique. Rappelons que pour effrayer les esclaves de la Martinique et rassurer les colons, Bonaparte envoie le Général Richepance en personne reprendre la Guadeloupe qui était passée sous domination anglaise. C'est d'ailleurs lui qui organisera la tuerie de Delgrès. Il mettra la guillotine sur les places et fera couler le sang. Avant, profitant de la domination anglaise l'abolition de l'esclavage avait été prononcée en Guadeloupe et pas en Martinique restée sous domination française. C'est sous domination anglaise que l'Île eut un important essor économique. Le port de Pointe-à-Pitre fut durant cette période fondée. Sous domination française la Guadeloupe dépendait administrativement de la Martinique et ne bénéficiaient pas d'infrastructures pour un développement déconnectée de la plantation. C'est sous la domination anglaise que le Port du Moule conçue pour la réception des négriers perdue de son prestige au profit du nouveau port de Pointe-à-Pitre. Ce dernier était conçu pour le transport des marchandises manufacturées.
    Avec l'arrivée de Richepance c'est donc le développement de la terreur au détriment du développement économique. Ce dernier s'établi dans la construction d'une dépendance économique vis-à-vis de l'hexagone. Richepance veilla à ce que la Guadeloupe eut le moins d'autonomie possible de façon à enlever toute capacité de soulèvement, quitte à ce que l'Île n'ait pas de développement et d'autonomie économique. Je dis cela en clin d'œil déjà à l'idée selon laquelle les Antilles dépendent volontairement, sur le plan économique, de la France. En 1802 deux ans avant qu'Haïti premier Etat nègre indépendant dans une guerre contre la France, Napoléon foulait les valeurs des lumières aux Antilles pour fabriquer des sous hommes dans la Caraïbe. Je profite de l'occasion pour dire qu'ici, on ne peut pas reprocher aux nègres de ne pas voir en Napoléon l'immense être humain qu'un Max Gallo et tant d'autres proclament. Dans son livre le Crime de Napoléon, Claude Ribbe développe d'ailleurs, magistralement les tueries et autres crimes dont l'Empereur fut coupable envers les nègres. Notez que l'Homme du Code civil qu'était Napoléon fut aussi l'Homme du Code Noir. Il s'empressa de rétablir ce dernier en 1802 après son coup d'Etat. Cela dénote que d'un côté on reconnait et réglemente les droits et devoirs qu'auraient certains hommes, tout en refusant à d'autres, nègres, esclaves, les mêmes droits. Cette logique perdurera et perdure encore quad il s'agit du monde nègre et en particulier l'Outre-mer dans la République.
    Le rapport de la France à ses colonies de la Caraïbe se construit très tôt dans un contexte de tensions où les colonisés ont le sentiment d'être déconsidérés. L'histoire de la lutte sociale antillaise va renforcer ce sentiment. La dernière grève avec le départ du secrétaire d'Etat à l'Outre-mer et les revirements de ce dernier, ne sont pas là pour faire changer les choses. Surtout elle s'inscrit dans un schéma déjà écrit par l'histoire et duquel on ne semble pas s'en sortir. Voyons autour d'exemples fort ce schéma dont les deux éléments sont le conflit et la méfiance.
    Cette histoire démontrera que la dernière grève, contrairement à ce qui est dit, n'a pas d'aspect particulier, mais s'inscrit dans une continuité des rapports sociaux. Cependant reconnaissons une intensité plus forte que précédemment. Si une continuité existe, il faut donc se poser la question de la pertinence du vocabulaire de « Crise » qui est pris en permanence et surtout de « Crise identitaire / Crise sociétale (Y. Jégo, Secrétaire d'Etat à l'Outre Mer). Tout cela nous en reparlerons paisiblement dans la prochaine note... Ne vous inquiétez pas, nous glissons doucement vers la place du religieux.

  • Sexe, sexualité et religions aux Antilles (II)

    Noir-qui-se-marche-sur-le-sexe.jpgLe documentaire de Pascal Bensoussan « La fièvre tout le temps. Une petite histoire des relations sexuelles aux Antilles » est un 52 minutes qui zoom sur la place de la sexualité aux Antilles. Ce documentaire est avant tout un florilège de stéréotypes. Mais une fois que l'on a dit cela il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Que retenir ?
    Premièrement le rapport à la sexualité est plus décomplexé aux Antilles qu'en France. Je préfère dire cela en ces termes peu négatifs. Le documentaire tente de faire un équilibre entre grivoiseries et analyses socio-historique. Il n'y arrive pas certainement parce que ce point d'équilibre n'existe pas.

    Pepin.jpgErnest Pépin fait une apparition trop courte. Son roman, Le Tango de la haine évoque cette question. Il montre, de manière romanesque, mais tellement exacte, l'effet de l'économie de plantation sur le rapport homme femme. C'est dans ce rapport que tout se construit. L'esclavage avec l'omniprésence de la mort et le « droit de cuissage » du maître va avoir des effets dévastateurs. L'impuissance de l'esclave à protéger femmes et enfants, l'apparition des métisses, l'éventuelle stratégie sexuelle des femmes pour se sortir de l'esclavage, etc. sont des effets du système esclavagiste. Ces derniers vont structurer le rapport homme femme. Se rajoute les idéaux chrétiens qui vont être imposés. Quel mélange ?
    Plus qu'ailleurs, les femmes ont appris à compter premièrement sur elles pour élever leurs enfants. Les hommes ont de leur côté embrassés la logique de performance. Notons tout de suite que cela n'est pas une spécificité antillaise. La singularité est l'approche décomplexée, assumée, qui peut donner l'impression d'une plus grande permissivité.
    sexe banane.jpgMais ce que le documentaire ne signale pas, et là est mon grief, c'est l'évolution du rapport à la sexualité. Les femmes doivent-elles toujours être présentées comme des victimes ? Pas évident. Surtout, nous pouvons parler d'un renversement. Si les comportements perdurent, les femmes ont sans doute pris les choses en mains, doucement et parfois brutalement. Elles ne se laissent plus faire. Elles n'acceptent plus d'être considérées comme des pions. Des femmes qui se laissent faire ? Non, pour la grande part, elles ont pris le dessus! Loin d'être anecdotique cela montre que les choses sont loin d'être tout noir ou tout blanc.
    Sur ce point je tiens à mettre en perspective. Je fais un cours aux étudiants sages-femmes sur les comportements sexuels de français à partir des 3 enquêtes réalisées en France sur cette question. Que constatons ? Principalement que le comportement féminin rejoint celui des hommes. De plus, les femmes comprennent plus facilement la logique masculine. L'inverse est moins exact. Aux Antilles c'est le même phénomène. L'écart entre ce que l'on déclare, et ce que l'on croit peut être grand sur la question du sexe. Surtout concernant les femmes.

    raphael Confiant.jpgUn point de désaccord avec le documentaire est la présentation que fait Raphaël Confiant. Il présente les groupes religieux minoritaires (il dit secte) comme ayant des effets dévastateurs. Puritains, ils insisteraient sur une morale qui renforce l'éthique judéo chrétienne. A mon sens, sur ce point des précisions sont nécessaires. Là je m'écarte de Confiant. Il fait une triple erreur.

    • 1. Ce n'est pas parce que c'est judéo chrétien que c'est obligatoirement mauvais ou incompatible avec le social antillais. Aucune démonstration ne met en évidence que la monogamie et la fidélité étaient incompatibles avec les souhaits des esclaves? On a tellement insisté sur l'esclave différents, parfois polygame, qu'on croit qu'il s'agit d'une vérité universelle et historique.
    • 2. Parler de secte donne l'impression que les membres ou adeptes de ses groupes font ce qu'ils croient. Non, non... scandales, incestes, tromperies, adultères, existent dans les groupes religieux aussi. Ils composent la société et connaissent les mêmes difficultés ou antagonismes.
    • 3. L'éthique religieuse des groupes minoritaires peut être stigmatisée par une société sans être rejetée par elle! Et ben oui. Soyons précis. Quand on demande aux individus s'ils approuvent les exigences de la morale religieuses ils déclarent non, ou en gros c'est ce qui ressort du discours. Par contre, ils trouvent normal et nécessaire cette éthique. Hic, ce n'est pas contradictoire. C'est simplement un constat individuel de l'écart entre une morale idéale et ce qu'ils vivent. Preuve en est, les filles des groupes religieux minoritaires (surtout celles nées dans le groupes et ayant leur réseaux relationnels dans le groupes religieux) sont souvent prisées parce qu'elles représentent une forme «d'incarnation» (j'ai pas trouvé de meilleurs terme) de la morale idéale. Fruit de l'évolution dont nous parlions tout à l'heure, cette image est désormais loin de la réalité.

    A l'avantage de Confiant, remarquons que les groupes religieux introduisent du paradoxe, voire de la tension dans le rapport à la sexualité dans une société qui en a hérité énormément de la période esclavagiste. Et, là Raphaël Confiant a vu juste.

     

    Pascal Blanchard, Zoos humains.jpgUn dernier point, le documentaire n'indique pas que les stéréotypes sur la sexualité dont il fait étalage sont a le fruit d'une idéologie raciste. Le noir a la musique dans la peau, aime le sexe ou est un étalon, reposent avant tout sur une idéologie raciste et non sur des faits ontologiques. Le problème c'est que le discriminé croit qu'il est réellement ce dont il est victime. Il croit maintenant qu'il a la musique naturellement dans la peau, qu'il est naturellement plus attiré par le sexe, etc. Pascal Blanchard, excellent historien qui aborde le racisme et les stéréotypes dont sont victimes les noirs démontrent que c'est dès le XVe siècle que se forgent les stéréotypes sexuels contre les noirs. Y compris ceux qui font l'orgueil des noirs. A méditer

  • La place de la religion dans le Traité de Lisbonne par Sébastien Lherbier Lévy

    e1bf66f6d38c08ad31644e0339855c9a.jpgVous lisez souvent Sociologiser, vous connaissez, ou vous découvrez, l’affection que j’ai pour le site droit des religions. Sébastien Lherbier Lévy, réalise, seul un titanesque travail d’information. En cette nouvelle année 2008, SLL force de nouveau l’admiration en sensibilisant, avec la pédagogie informative qui fait son succès, sur la place de la Religion dans le Traité Constitutionnel que les Etats s’apprêtent à signer. SLL note trois points forts concernant la place de la religion. Il s’agit :

    1. L’héritage religieux de l’Europe

    2. Le statut des Eglises et des organisations non confessionnelles.

    3. Une valeur juridique contraignante conférée à la Charte des droits fondamentaux.

    Lisez rapidement le développement que propose SLL, surtout qu’il a veillé à mettre en annexe le Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l'Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne. Bonne lecture si vous cliquez ICI

  • Sébastien Lherbier Levy dresse un constat du Site Droit des religions

    Les statistiques et constats dressés par Fabrice s’agissant du blog « Sociologiser » ne sont pas très éloignés de ceux du site www.droitdesreligions.net créé en septembre 2006 et dont je m’occupe. Les objectifs de ce site sont multiples, qu’il s’agisse de présenter l’actualité du droit des religions (via la Lettre du droit des religions surtout), de fournir aux visiteurs un fonds documentaire le plus complet possible. Les réactions sont plutôt bonnes.

  • Haïti : l'intérêt de l'implantation de religions à réseaux humanitaire

    Séisme haiti.jpgLa catastrophe qui touche Haïti met en évidence le haut degré de mobilisation des groupes religieux qui ont développés des réseaux humanitaire. En Haïti l’Eglise Adventiste est particulièrement présente avec une forte implication dans l'humanitaire. Christianisme Aujourd’hui rapporte que 25 000 rescapés haïtiens accueillis sur le campus de l'Université adventiste haïtienne et à l'hôpital adventiste L'église adventiste s'active pour aider les rescapés du tremblement de terre en Haïti. Selon l'agence adventiste pour le secours et le développement (ADRA), 25'000 personnes ont trouvé un abri sur le campus de l'Université adventiste haïtienne, ainsi que dans l'hôpital adventiste, qui se trouvent à Carrefour, un quartier de Port-au-Prince.
    ADRA a également distribué près de 13'000 biscuits nutritionnels donnés par le Programme alimentaire mondial de l'ONU dans plusieurs sites de Port-au-Prince. Chaque ration contient assez de nourriture pour cinq jours. Une autre priorité d'ADRA est de fournir de l'eau potable. En collaboration avec Global Medic, l'agence adventiste a mis en place une distribution d'eau pour les 25 000 rescapés qui logent sur le Campus de l'Université.
    Certains le savent peut être, mais les chants d'Haïtiens clamant leur foi dans les médias étaient souvent des chants d'adventistes. En plus de son université l'Eglise Adventiste en Haïti est l'organisation religieuse qui a la plus grande logistique (édition, librairies, écoles...). Touchée aussi par le séïsme l'impact du réseau de solidarité adventiste au travers de l'ADRA démontre l'utilité sociale du religieux dans un pays où l'Etat a peu de moyen. Cela a certainement été compris des médias qui par pudeur n'ont pas à ce jour trop parlés du peuple Haïtien comme d'une population trop influencée par les groupes religieux protestants. Certainement cela va changer.

  • Assasinat d'un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvroy : le défi sécuritaire pour les religions

     

    L'assassinat d'un prêtre catholique repose la question du rapport des groupes religieux via leur édifice à l'ensemble de la société. Le dilemme pour les organisations religieuses est simple à présenter mais difficile à résorber, même si les églises catholiques sont sous surveillance depuis un an.
    L'éthique de la responsabilité résume selon moi l'action religieuse en particulier dans sa déclinaison protestante. Les communautés protestantes se sentent responsables du salut de leur concitoyens et se sentent obliger de responsabiliser ses derniers pour qu'ils aient une éthique conforme aux exigences divines. Etre responsable et responsabiliser caractérisent l'éthique de responsabilité. Pour cela il est incontournable de développer des actions sociales ouvertes au sens de Max Weber. Laisser les églises accessibles, sans aucun filtre est à ce jour est l'une des conditions essentielles pour l'expression de l'éthique de responsabilité. Les conséquences de cette ouverture permanente étaient plus ou moins désirables. L'accueil de démunis, l'accompagnement de personnes en quête de sens ou encore le désire d'être visité par des décideurs, étaient les seuls conséquences de l'ouverture permanente, sans filtre des lieux. Parfois, sporadiquement il faut gérer des comportements inattendus de réfractaires à la problématique religieuse ou de personnes ayant un litige avec une organisation religieuse. Mais la question de la sécurité des églises n'est plus théorique. Comment rester accessible en ne pouvant plus rester dans l'angélisme de l'ouverture à tous ? Cette question doit désormais tarauder tous les responsables religieux. Aucun a à ce jour opter pour la présence visible d'une sécurité.
    Le paradoxe des paradoxes dans lequel se trouve les groupes religieux demeurent leur lecture des attentats. « Signe des temps préapocalyptique », donc inévitables et qui attestent de la réalité d'une lecture de l'histoire et de l'actualité. De l'autre côté, il faut se protéger désormais de ce signe qui affirme une lecture conception eschatologique.

    L'essence même d'un groupe religieux est le développement d'actions sociales ouvertes. Mais désormais il faut une ouverture contrôlée alors que ce contrôle est déjà une opposition brutale à la missiologie. Le défi religieux est donc grand et repose la question du rapport à la société dans un monde marquée par l'augmentation du risque sécuritaire. En tous les cas dans un monde numérique, où des pokémons traversent la rue, sont virtuellement présents dans des églises réelles, repenser la présence des églises par le monde numérique est l'une des pistes, certainement insuffisante.

     

     

  • Regard médiatique sur la relation entre sexe et religions : la leçon Suisse et le zoom sur l’Eglise Adventiste.

    bccef0547949eff443821b8635062c83.gifLa sexualité, sous son angle de l’éros, du plaisir, est souvent présentée comme opposée à la religion. Les églises seraient des espaces où l’on ne parle pas de sexe. Les positions y seraient figées et les évolutions inexistantes. Encore une fois il s’agit de préconceptions sur le religieux, surtout le religieux minoritaire de type évangélique. En ce sens, il faut saluer l’initiative d’Espace 2 la radio culturelle du réseau de la Radio Suisse Romande. Fabien Hunenberger, journaliste? vient de réaliser une série d’émissions au titre limpide : « Les Eglises et le sexe ». Occasion de voir comment la réputation quasi castratrice des églises s’est construite et surtout, comment celle-ci reste erronée en des points ou, à l’opposé? quelque peu méritée (rire).

  • La dengue aux Antilles: bien plus qu'une question de santé publique

    Dengue moustique.jpgLa dengue est une pathologie très répandue. Fièvre intense, sensation de froid, perte d'appétit, mais surtout des courbatures importantes vous envahissent. Elle est si virulente qu'il arrive de délirer surtout dans le sommeil. La dengue est une atteinte généralement bénigne et en une semaine on est normalement remis. L'épidémie a mis en évidence plusieurs éléments qui mélangent tendancieusement réalités et idées reçues. Elle pose un aspect des problèmes sociaux aux Antilles et est un révélateur de la relation de la France aux Antilles.

    La dengue serait-elle le résultat d'un manque de civisme?

    C'est vrai partiellement. La dengue se véhicule surtout par la femelle du moustique aedes aegypti. Le mode de vie humain donne des conditions idéales pour la reproduction de ce moustique en zone tropicale. Combattre la dengue passe par des attitudes à éviter. Il est ainsi recommander de ne pas offrir à ce moustique des lieux propices à sa reproduction. Tous les accès aux eaux stagnantes doivent lui être fermés. Il s'y reproduirait. Ainsi aujourd'hui, après les messages d'alertes de la grippe A, vous aurez dans plusieurs lieux (aéroport, espaces d'accueils...) des appels à sensibilisation invitant à ne rien laisser trainer dans l'environnement qui permettrait à l'aedes aegypti de proliférer.

    dengue cible.jpgCes messages sont bienvenus. Aux Antilles, vous serez surpris du nombre d'objets qui polluent et permettent à l'eau de stagner et donc aux moustiques de se reproduire. Pneus de voitures, carcasses, récipients abandonnés, etc. Mais à regarder ce n'est qu'un versant du problème. Un plus grand civisme permettrait-il de venir à bout de l'épidémie? Aborder le sujet ainsi c'est ne pas connaître les Antilles. Car on ne peut parler de la dengue uniquement sous le signe de la responsabilisation des populations. Bien qu'elle est nécessaire, elle ne doit cependant pas imputer aux seuls gestes citoyens ou à l'armée appelée en renfort, le pouvoir d'éradiquer la dengue. C'est un discours qui permet aux autorités de se défausser sur les individus. Ce seraient eux les responsables de la situation. On ne peut pas aller en ce sens car c'est nier biens des aspects de la société antillaise.

     

    La dengue est un révélateur

    Il n'y a pas d'étude sur le sujet à ma connaissance, mais depuis plusieurs décennies les populations sont très sensibilisées à ne pas offrir des gîtes à l'ades aegypsi. Les avancées en ce sens sont très importantes, mêmes si elles sont insuffisantes. Et les causes ne sont pas liées uniquement aux moustiques. Les conditions climatiques de la zone tropicale ont imposé une grande vigilance. En raison des cyclones, les individus doivent laisser de moins en moins d'objets dans la nature, car sous les forts vents ils deviennent des projectiles destructeurs. Il y a donc de plus en plus aux Antilles une responsabilisation même si d'énormes efforts doivent encore être réalisés.
    Mais l'aedep aegypsi a bien d'autres endroits pour établir des gîtes pour sa reproduction. Il y a évidemment des cavités naturelles après de fortes pluies. Celles qui posent problèmes résultent de l'activité humaine comme les chantiers. Parmi eux des constructions laissées à l'abandon ou inachevées. Et là les choses sont plus complexes.

    De nombreuses familles entament l'édification d'une habitation avec de faibles moyens. Les constructions durent dans le temps et deviennent de véritables hôtels pour moustiques. L'important aux Antilles quand un logement se construit avec des ressources limitées est d'arriver à «fermer sa maison» pour qu'elle soit habitable et sécurisée. Pas étonnant qu'il y ait beaucoup de maisons recouvertes d'une dalle et qui n'ont pas de toiture. Elle sera une étape finale qui adviendra souvent plus d'une décennie après le début du chantier. Certaines ne disposeront jamais de toiture. Malgré toutes les précautions qu'elle prendra, la famille modeste qui tente de devenir propriétaire ne pourra pas empêcher l'adeps aegypsi de trouver en sa dalle, recouverte d'eau, un refuge pour se reproduire.
    Des foyers, souvent les plus vulnérables économiquement récupèrent l'eau de pluie grâce à des fûts non recouverts. Ces réserves sont des récupérations de pluies. Notons que des systèmes de récupération inaccessibles aux moustiques se diffusent de plus en plus. Mais ils sont trop souvent inadaptés à la vie tropicale et aux cyclones, ce qui est un obstacle majeur à leur développement. En effet ils doivent être parfaitement amovibles, démontables en très peu de temps, ou doivent résister à des vents de plus de 300 km/h. Cela fait un cahier des charges bien trop compliqué pour les récupérateurs d'eau économiquement accessibles, made in china, pour la grande partie de la population.

    carcasse voiture.jpg

    Les contraintes de vie imposent d'être vigilant avec l'eau et d'en avoir en réserve. Il n'est pas rare que le vétuste système de canalisation présent aux Antilles casse et prive la population d'eau courante. Il est donc paradoxalement hygiénique d'avoir des réserves. De plus, en période cyclonique, comme c'est le cas maintenant, les réserves sont les bienvenues car si un ouragan frappe, les chances d'avoir une interruption longue de l'approvisionnement en eau courante sont très élevées. Reste donc à allier la contrainte de vigilance et la prévention face aux moustiques. Plusieurs familles optent pour recouvrir les réservoirs par un système de filtres laissant passer l'eau et pas le moustique. Mais il est partiellement efficace et pose d'autres problèmes d'hygiène.

    La présence de polluants dans la nature propice à être reconvertis en gîtes par le moustique pose le problème du recyclage. Qu'en est-il de cette filière aux Antilles? Décharges à ciel ouvert et le faible retraitement aboutissent à un engorgement de familles face aux détritus. Des initiatives existent et se développent, mais ne sont pas à l'échelle des besoins. Même les discours le plus raisonnables qui invitent à une meilleure consommation pour un recyclage optimisé ne permettent pas de remplacer le manque d'infrastructure.

    Combattre le moustique et la dengue c'est aussi avoir les moyens pour cela. Les laboratoires de recherches présents aux Antilles sont sur ce point insuffisants et trop peu dotés en moyens. Récemment le Député Victorin Lurel a attiré la vigilance du Ministre de l'enseignement supérieur sur ce point. Est-il logique que les laboratoires de recherches en maladies tropicales sont pour les meilleurs dans l'hexagone et non en terre tropicale, aux Antilles?

    Bernard Pons 01.jpgLa dengue est maintenant tellement répandue que l'idée reçue est qu'il faille «laisser le temps passer pour qu'elle disparaisse». L'invitation à consulter un médecin existe, mais l'accès aux soins (ce n'est pas la même chose) n'est pas assez démocratisé. Il y a comme une cassure sociale sur ce point. L'ancien ministre de l'Outre-mer Bernard Pons, retraité de la vie politique et qui s'est installé en Martinique l'a bien compris. Il donne une intervieuw forte intéressante à l'édition martiniquaise du journal France Antilles. Bernard Pons,également médecin retraité note une inégalité des chances dans l'accès aux soins. Lui, l'ancien Ministre se considère comme un privilégié. Il déclare :

    Je suis un privilégié. Parce que je suis médecin, que j'ai des amis médecins ou que je suis un ancien ministre, j'ai été hospitalisé. Les perfusions de chlorure de sodium à 0,9% ont pu donner une amélioration rapide. Mais combien y a-t-il de privilégiés dans mon cas? La plupart du temps, les familles sont livrées à elles-mêmes. Inutile de faire des commentaires. Le témoignage de Bernard Pons est sensible, brutal, et malheureusement exact.

    Bernard Pons appelle à la responsabilisation les décideurs pour doter en moyens les organismes de santé. Il interpelle la Ministre de la santé qui a manqué de réactivité. Elle arrive aux Antilles après le pic épidémiologique. Certains y verrons un hasard. Mais on peut légitimement en douter pour une épidémie qui dure déjà depuis 6 mois, alors qu'habituellement elle est de quelques semaines. Dommage que la notion de précaution prise pour la grippe A n'a pas eu la même légitimité aux Antilles que dans l'hexagone. Ceci ne fait que renforcer un sentiment bien installé aux Antilles et qui connu une poussée lors des grèves de 2009, d'être des citoyens de seconde zone. Mais il faut dire à la "décharge" des ministres de la Santé et de sa collègue de l'Outremer, qu'il est bien mieux de venir aux Antilles en fin d'été après le pic, que lors du grand risque épidémique! Mais surtout la crainte de voir l'hexagone touchée avec le retour de touristes malades pousse à agir enfin. 

     

    Que montrent ces éléments?

    La dengue n'est pas une pathologie sans traitement (dixit le témoignage de l'ancien Ministre et médecin Bernard Pons). Sa prise en charge est d'ordre médicale et écologique. Ces deux aspects révèlent qu'il y a dans le traitement de la dengue une dimension liée aux conditions de vie. Ce versant est peu présenté car il discrédite le discours qui consiste à accuser uniquement les comportements des populations antillaises, même si de nombreux gestes polluant doivent disparaître. Mais le cœur du problème touche aux décisions politiques. C'est de là que les moyens peuvent venir pour avoir:

    1. un système de canalisation démocratisé et performant pour éviter les récupérations peu hygiénique de l'eau,

    2. un accès à l'habitat plus facile pour éviter les impacts sur l'environnement,

    3. une filière de recyclage adaptée,

    4. un accès égalitaire aux soins,

    5. une recherche scientifique en cohérence avec les besoins locaux,

    6. une réaction du ministère de la santé, en phase avec le développement épidémiologique.

     

    L'épidémie de dengue est une parfaite illustration du rapport qu'entretien la France avec les Antilles. Il y a des responsabilités évidentes de l'Etat qui doit donner les moyens d'actions et manifester le même engagement déjà vu dans d'autres épidémies dans l'hexagone. Mais ceci ne doit pourtant pas faire occulter que c'est localement que les bons gestes et les bonnes décisions doivent être pris.

  • 3 nouvelles publications sur les liens entre Religions et Droits de l'Homme - Un regard entre Sciences politiques et soc

    Réveil du religieux Eveil de la Religion, FAbrice Desplan, Dominique KounkouAbsent du blog, je ne suis pas moins actif. Le temps est un luxe qu'il faut prendre. Je le prends pour revenir ici et vous présentez 3 nouveaux textes que je viens de publier sous direction.

    Le premier est un chapitre de l'ouvrage dirigé par Dominique Kounkou Réveil du religieux et Eveil de la société. Il s’intitule Droit européen et stigmatisation religieuse. C'est une contribution qui pose une lecture au travers de canons sociologiques sur les arrêts de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Souvent la Cours contredit des arrêts très médiatisés. A regardé de près la Cours est très vigilante aux stigmatisations. Elle rejette les arrêts du droit interne qui s'appuient sur une stigmatisation sociale où le religieux est uniquement présenté comme une pathologie, un problème. La CUDH assure ainsi sa fonction protectrice des droits fondamentaux.

    Le mal traitement des hérétiques, Régis Dericquebourg, Fabrice DesplanLe second est un article qqui approche à rebrousse poil la conception géopolitique commune de la place de la religion dans les conflits. Pour cela, je reviens sur les situations postconflictuelles où la religion a permis de reconstruire plus que la justice, mais la paix. Vous trouverez cet article dans l'ouvrage Le (mal) traitement des nouveaux hérétiques dirigé par Régis Dericquebourg sous le titre Le recours au religieux lors de reconstructions nationales. Une reconnaissance implicite de l’universalité des droits

    Ces deux articles sont publiés cette année 2013 chez l'Harmattan.

    Le dernier est chronologiquement le premier et date du début 2013. J'en parle ici car il est un prolongement de Recours au religieux lors de reconstructions nationales. Une reconnaissance implicite de l’universalité des droits. Il est publié dans l'anal de l'AIDLR, Conscience et Liberté. Dans sa dernière livraison intitulé, je reviens dans cette prestigieuse revue fondée par Eléanore Roosveelt (dirigée par des illustres comme René Cassin, Edgard Faure ou encore Léopold Sédar Senghor), sur les liens entre paix et justice après des conflits armés. Je me base sur la notion de justice transitionnelle tel que Pierre Hazan la présente, pour affirmer que le religieux, accompagné de traditions, est souvent le premier et plus pertinent moyen pour retisser des liens sociaux et donc construire la paix, même là où il était utilisé pour attiser la haine.

     fabrice desplan,sciences politiques,justice transitionnelle

  • Sexualité, sexe, religion, famille et société aux Antilles

    Il faut bien un jour aborder la question du sexe dans le cadre la société antillaise. Avant d'aller plus loin, je vous poste ce petit film qui commence à faire le tour du web. En plusieurs aspects il est intéressant. Concernant la religion je dis déjà que je ne partage pas la lecture que R. Confiant propose. Mais pour l'essentiel c'est un documentaire à voir, revoir et à commenter surtout. A la prochaine note je reviendrai sur le lien avec la religion qui est proposé dans le documentaire. Commentez vite, vite ce docu.



     

  • Blog de régis Dericquebourg

    Régis s'est décidé, son blog existe et est accessible à l'adresse www.regis-dericquebourg.com. Pour l'heure il met en ligne différents articles de ce sociologue. Membre statutaire du Groupe, Sociétés, Religions et Laïcités, Régis Dericquebourg travaille sur des thématiques fortes intéressantes. S'il faut s'amuser à prendre des mots pour les résumer je dirai sans ordonner : Religieux minoritaire, santé, ésotérisme, scientologie, jéhovisme, adventisme, mormonisme, ou encore prophétisme féminin.
    La particularité du travail de Dericquebourg est double. Premièrement c'est un héritier fidèle de Jean Séguy. Deuxièmement il est en permanence présent sur le terrain. De fait ces articles ont toujours un encrage très fort dans l'actualité des groupes religieux. Ils conceptualisent le réel dans le vocabulaire des chercheurs dans le respect des complexités des vécus des individus.

    Alors bonne découverte de ce site qui alimentera fort judicieusement la blogosphère de la sociologie du fait religieux.

  • Le défi de la formation continue pour les groupes religieux

    Les groupes religieux ont depuis très longtemps compris l’intérêt de la formation initiale et continue. Elles sont, si je puis dire, dans leur ADN. Réaliser de la formation initiale permet de faire découvrir les fondamentaux. L’exemple le plus marquant est le Heder dans la tradition juive. Regardons bien : les écoles du dimanche, du sabbat, le catéchisme, école coranique, sont des équilibres conceptuels entre formation initiale et continue. Elles inculquent les fondamentaux pour les néophytes et enfants, tout en veillant à complexifier les connaissances des plus aguerris. Les normes et valeurs du groupe sont ainsi partagées. A l’heure de la grande mutation des modes d’apprentissage et de transmission pour répondre à l’évolution rapide et dense des exigences, la formation continue doit se penser s'adapter aux organisations religieuses et éthiques. C’est un défi majeur qu’il faut relever.

    Eglise, ecclésiologie, management, groupe, formation, formation continue, Eglise, Eglise adventiste du septième jour, Eglise protestante, Agapé, Cercle philosophique, Ethique, Santé, Outre les espaces dédiés, les communautés religieuses réalisent la transmission des normes et valeurs au travers de toutes les rencontres, discours, échanges, relations au sein du groupe. C’est cette multiplication qui permet, comme le note Peter Berger et Thomas Luckmann, une "resocialisation", une recomposition de l’identité vers de nouveaux repères, voire une alternation. La communauté devient ainsi une structure de plausibilité. Elle rend réaliste, par l’intensité permanente de la transmission des normes et valeurs, leur acquisition et acceptation.

    En ce qui concerne la formation continue elle a pour moi deux versants. Le premier est sujet à débat. Il s’agit encore une fois de la structure de plausibilité. Elle vise aussi à renforcer, complexifier les acquis de tous les membres de la communauté et cela en permanence. D’où l’idée de formation continue. On retrouve, avec un parallèle maladroit la thématique paulienne de la croissance du savoir notamment avec la métaphore de l’abandon de l’alimentation nécessaire et facile, le lait, pour des aliments plus complexes, des connaissances plus dures, mais nécessaires au moment opportun (1. Corinthiens 3:2). L’acquisition des fondamentaux et la vérification de leur maitrise sont aussi omniprésentes dans les espaces de formation. Cela peut donner parfois l’impression d’une répétition bien connue des pédagogues. Ici on peut encore retrouver la métaphore biblique du lait sous la plume de Pierre (1 Pierre 2:2) et plus globalement l’approche vertueuse développée par le Christ de la symbolique d’une posture de enfantine face au savoir. Si je prends l’exemple de l’école du sabbat adventiste, la catéchèse vise à permettre une découverte des notions pour les néophytes et les enfants, tout en répondant aux attentes des plus anciens. D’ailleurs dans ce cadre, il est très intéressant de remarquer comment de manière non évidente le silence des apprenants est aussi utilisé pour qu’ils adoptent les valeurs, mais surtout les normes comportementales et la compréhension des règles bureaucratiques de l’organisation. Cela fait penser à des cercles réflexifs où officiellement le silence cette fois est imposé aux apprenants avant de passer des grades et pouvoir s'exprimer.

    Eglise, ecclésiologie, management, groupe, formation, formation continue, Eglise, Eglise adventiste du septième jour, Eglise protestante, Agapé, Cercle philosophique, Ethique, Santé, Dans sa forme plus conventionnelle la formation continue est organisée par les réseaux comme les Instituts, écoles et universités. Elle vise à former des laïcs qui souhaitent un haut niveau de conceptualisation. C’est de cette filière que sont issus les cadres religieux. Ce réseau réalise donc une formation initiale scolaire classique mais aussi cette fameuse formation continue qui vise à adapter en permanence les connaissances aux évolutions des exigences sociétales.

    La formation continue dans un groupe religieux doit donc intégrer toujours deux niveaux. Celui des membres qui y attendent une simple densification du savoir, et celui des cadres religieux qui ont besoin en plus de la densification une opérabilité, un praxéologie, visant à organiser la vie ecclésiale dans un contexte législatif contraint.

    En plus du cadre des Instituts et universités, il apparaît que la formation continue doit aujourd’hui se frotter, s’enrichir d’apports venant d’une hybridation entre connaissances académiques et réalité pratiques vécues. J’entends par là un mariage entre expertise scientifique, savoir expérientielle des acteurs religieux et des expertises venant d’acteurs reconnues dans des domaines variées. Faire croiser des savoirs pour construire des connaissances transversales est un défi et une mutation nécessaire dans la formation continue des cadres religieux. Il y a une hypertrophie des attentes sociales vis-à-vis des cadres religieux. Si je prends l’exemple des pasteurs, les communautés attendent d’eux une expertise théologique, des capacités pédagogiques, des actions de leadership, des compétences managériales, des approches psychologiques, des applications ergonomiques, des aptitudes de gestionnaires… tout cela dans une société qui impose un cadre législatif mouvant. S’ajoute également les mouvements de font de la société dans laquelle est établi le groupe. Aucune communauté ne peut par exemple s’exonérer d’une réflexion sur la place de la femme, la maltraitance psychologique, la surutilisation de la notion de bienveillance, des attentes générationnelles, de l’impact de l’Intelligence Artificielle, des mutations survenues avec la Covid-19, des capacités à construire une cohésion, etc.

    Cabinet de conseils, Eglise, ecclésiologie, management, groupe, formation, formation continue, Eglise, Eglise adventiste du septième jour, Eglise protestante, Agapé, Cercle philosophique, Ethique, Santé, formation continueLa réponse à ses questions est au croisement des savoirs d’experts issus des Instituts, universités et écoles spécialisées avec l’expérience d’acteurs de terrain qui dans d’autres situations répondent aux mêmes défis. Un cadre religieux qui dans un seul espace rencontre des leaders du sport, du monde de l’entreprise, des ingénieurs, des sociologues, des coachs, des juristes, autour d’une unique question est selon moi une forme à venir de la formation continue des cadres religieux dans une société sécularisée. Et cela, pas devant un tableau, mais dans un cadre non hiérarchisé pour la co-construction de démarches efficientes. Cette connaissance efficiente est donc le résultat d’une transversalité.

  • SAEXFO: Un cabinet qui ambitionne de former et conseiller aussi les cadres religieux

    En 2022, après plusieurs échanges j’ai impulsé la création d’un cabinet qui en plus d'actions pour les professionnels de santé, propose des réponses pour accompagner les cadres religieux pour qu’ils soient plus outillés dans ce monde en mutations. Nous, sociologues, spécialistes du management, coachs... disposons de beaucoup de données sur les cadres. Pourquoi ne seraient-ils pas à leur disposition ? Vous le savez, je pense que les données recueillies et les analyses faites sont aussi, éthiquement, la propriété de ceux qui les font exister quotidiennement. En créant le Cabinet de formations et de conseils, SAEXFO, j’ai pris le parti de créer un espace dynamique pour que les questions religieuses et éthiques soient au centre des actions professionnelles. Concernant les cadres religieux, l’ambition est de leur mettre à disposition des actions de formations et du Conseils enfin pensés pour eux, encore une fois, aux côtés des autres espaces académiques dont ils disposent. La valeur ajoutée de SAEXFO est de transformer le savoir en des actions managériales quotidiennes où l’éthique est au centre pour les acteurs religieux. Pasteurs, diacres, clercs… simples membres y trouveront des supports, loin de la zone de confort, pour asseoir avec expertise la vie ecclésiale.

    NOTRE BROCHURE

    Comment cela se réalise au sein de SAEXFO ?
    saexfo,éthique,formation,groupes religieux minoritaires,pasteur,diacre,ecclésiologie,management,formation continue,succèsSimplement par des temps de formation mêlant une transmission, des analyses et surtout des ateliers managériaux de simulation de gestion ecclésiale avec coach certifié, Très Haut Cadre dirigeant, sociologue, psychologue, chefs d’entreprises, tous sensibles aux objectifs des organisations ecclésiales. Ces temps permettent la co-construction d’un savoir et d’une expertise à partir de situations concrètes expérimentées ou anticipées.

    Des compétences existantes à valoriser et renforcer
    Après un entretien sociologique, un chef d’une entreprise commerciale me dit qu’il est très ouvert à embaucher des pasteurs ou des communicants religieux. Je lui demande d’où vient cet attrait. Il m’indique sans détour :

    Des gens qui peuvent toutes les semaines organiser des cérémonies au millimètre, enseigner, faire passer des messages surprenants, avoir l’adhésion d’un groupe, stimuler, se plier à la législation, se faire connaître à contrecourant, exister et grandir malgré les quolibets… avec des gens comme cela, qui font ce qu’ils croient et croient en ce qu’ils font, mon chiffre d’affaires va exploser. En plus je peux partir sachant que les choses avanceront en mon absence.

    Direct, arriviste, mercantile… nous pouvons à première vue avoir des qualificatifs négatifs sur ce chef d’entreprise. Mais à regarder de plus près, qu’a-t-il dit d’illogique ? Rien.
    Lorsqu’il était aux USA Max Weber raconte qu’il suffisait, dans la première partie du XXe siècle dire, «je suis de l’Eglise d’en face» pour qu’un commerçant soit rassuré de la qualité morale de son client ou partenaire financier. Cette phrase ressemble à la carte de crédit d'aujourd'hui! Indiscutablement, être un individu engagé dans un groupe religieux renforce souvent une représentation sociale positive qui a des effets sur le monde du travail. Les cadres religieux, comme les pasteurs, sont des individus qui ont des compétences extrêmement variées. Les équipes administratives des Eglises et Fédérations sont à l’intersection de plusieurs exigences réglementaires en évolutions. Pourtant, administratifs et pasteurs ne semblent pas se rendre compte du haut niveau de compétences, d’adaptations et de performances qu’ils ont.

    L'éthique comme la pierre angulaire des compétences.
    EquipeEn créant des espaces de renforcement, SAEXFO permet aux les cadres et administratifs de côtoyer le quotidien professionnel d’autres acteurs, autour d’activités précises. Une expertise par similitude de situations se construit. Le religieux verra que son éthique, sa foi spécifie son action, sa mission. Et, les astuces que connaissent d’autres réalités sont des sources d’enrichissement pour les communautés dont il a la charge.
    En intégrant la croyance, la foi et l’éthique des religieux SAEXFO construit ainsi sur mesure des ateliers managériaux pour renforcer le management ecclésiale, les actions et les projets des communautés. Edifier un Cabinet de Conseils et de Formations où l’éthique est au centre est souvent vu comme une folie. Mais je crois que cette réponse osée qui risque dans un temps d’attirer au mieux la surprise au pire la défiance est un outil pour les dirigeants d’organisations où l’éthique est au centre. A vous donc d’en faire une valeur ajoutée au quotidien.

    Faire face à la méfiance.
    jacob-bentzinger-Yv-2G04sKD8-unsplash.jpgSur le papier les idées sont excellentes. Mais je sais qu'il faudra surmonter la méfiance des acteurs du religieux qui craignent parfois toutes les sources de compétences non issues de leur rang. Mais dans un monde où les compétences sont multiples, il est indéniable qu'un tournant doit être franchis dans l'acquisition des compétences. Et comme dit la devise de ma ville de naissance Res non verba, des faits non des paroles. C'est donc à l'usage (à leurs fruits pour parodier le texte biblique) que les organisations et groupes verront l'utilité d'avoir des compétences à la point du management religieux dans une société où ils sont des acteurs.

    Plus d'info sur demande : contact@saexfo.com

     

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  • L'adventisme dans le rapport de la MIVILUDES (II)

    miviludes 2011,rapport miviludes 2011,sectes apocalyptiques,télécharger le rapport contre les sectes,télécharger le rapport miviludes,eglise adventiste,secte,2012 fin du monde,adventisme,fin des tempsA peine avoir terminé la rapide note sur la place de l'Eglise adventiste dans le rapport de la Miviludes que je suis de nouveaux questionné sur l'Eglise adventiste de tout bord. Les dirigeants adventistes vont-ils être encore susceptible et tordre mes déclarations à des fins insondables ? (Oui je fais beaucoup d'allusions à la manipulation de mes propos par l'Eglise adventiste). Je croyais être clair mais la question m'est posée par mail de façon redondante : donc je n'étais pas limpide que cela !
    Non. Il est incongru que l'Eglise adventiste soit dans ce rapport car elle ne planifie pas la fin du monde pour la fin 2012. Notez que la Miviludes s'en sort en parlant de l'adventisme et sans nommer l'Eglise adventiste. Elle a un discours millénariste sur la fin des temps comme une multitude d'organisations protestantes mais ne prône pas la destruction de ce dernier. Elle laisse cette fin à l'initiative du messie (je suis très imprécis pour faire vite). Mais là où la surprise de trouver l'Eglise adventiste est plus grande c'est en raison du deuxième thème du rapport que sont les thérapies alternatives.

    L'Eglise adventiste peut entre autre être considérée comme une "religion de la santé" en référence à une typification de cette dernière que j'ai élaborée et qui est maintenant largement acceptée par les spécialistes. Religion dynamique dans les sciences médicales les adventistes favorisent la recherche médicales, le savoir scientifique, l'innovation thérapeutique, etc. Parmi les domaines où des médecins et chercheurs adventistes excellent il y a les thérapies médicales sur le cancer. Avec ces hôpitaux, centraux dans son système de soin, l'Eglise adventiste est de loin l'une des structures religieuses les plus en pointes sur la recherche médicale. Alors trouver, indirectement, cette église dans un rapport sur les mouvements apocalyptiques et les thérapies fallacieuses à bases religieuses est une double surprise.