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  • Suite... Les nouveaux défis de l'Eglise adventiste en France (III). La révolution épistémologique (deuxième partie des d

    Fédération protestante, adventiste, Eglise adventisteDans les deux précédentes notes de cette série j'indiquais quelques défis pour l'Eglise adventiste. Les évolutions de la société française poussent cette communauté religieuse à amplifier les actions qu'elle mène à l'intersection du religieux et des attentes sociales. Santé, écologie, libertés fondamentales, actions humanitaires et sociales, sont des domaines où l'adventisme a une expertise. La surprise est que cette communauté valorise peu ces points.
    A ce constat, je rajoutais un autre défi central : les changements dans l'organisation adventiste. Une meilleure rationalisation des dépenses et de la gestion des ressources humaines est à l'ordre du jour.
    Ce constat institutionnel a des conséquences multiples. Je m'arrêterai sur quelques-uns de manière non exhaustive. Commençons par regarder des suites attendues de l'adhésion à la Fédération Protestante de France.

    La continuité de l'adhésion à la FPF

    L'adhésion à la Fédération Protestante de France a déjà été largement analysée. Je rappelle que dans l'ouvrage, Ces protestants que l'on dit adventiste, que j'ai codirigé avec Régis Dericquebourg, Sébastien Fath pose le cadre de la relation entre adventistes et protestants. Jean-Paul Willaime y indique les enjeux du rapprochement entre l'Eglise adventiste en France et la FPF. Dans ce même ouvrage Richard Lheman revient sur les contraintes que durent surmonter en interne l'adventisme, car il s'agit [c'est moi qui l'ajoute] d'une véritable révolution épistémologique pour les adventistes. Cette révolution est inachevée. C'est son achèvement qui reste un défi. Je m'explique.
    Naissant en terre protestante américaine au XIXe siècle, l'adventisme progresse en concurrence avec les autres communautés protestantes. C'est une religion de mission, qui se veut idéalement constituée de confessants, de membres engagés. La théologie adventiste va se développer dans ce même dynamisme. Elle veillera à se démarquer des autres protestants. L'identité adventiste se construira en opposition théologique avec les protestants, mais surtout dans une double stigmatisation. La première vise à pointer des divergences fortes et donc à s'isoler dans l'univers protestant. Certains adventistes auront même du mal à intégrer qu'ils sont partie prenante du protestantisme ! La deuxième stigmatisation consistera à se considérer comme le véritable protestantisme, susceptible d'être une victime d'un rapprochement d'intérêts entre les autres groupes protestants et le catholicisme. Cela va par exemple alimenter la crainte adventiste de l'apparition de législations (loi du dimanche par exemple) dont la finalité cachée serait la recherche de son extermination.

    Ce positionnement va laisser des traces dans le regard des protestants sur les adventistes. En France, dans les lieux de formation protestant, l'adventisme était présentée comme une secte incompatible avec le dynamisme protestant.

    Fédération protestante, adventiste, Eglise adventisteL'adhésion à la FPF est donc une véritable évolution sachant que les autres organisations religieuses non-sabbatiques étaient considérées comme babylone par l'adventisme ! Et on pourrait rajouter d'autres arguments et exemples pour montrer la culture de l'éloignement, de la différence avec les autres protestants qu'entretenait l'adventisme. Il s'agit bien d'une révolution épistémologique qui a nécessité des décennies. Que d'évolutions, que de chemins parcourus, pour voir aujourd'hui un adventiste trésorier de la FPF ! Elle résulte d'une véritable révolution épistémologique.
    Cette révolution épistémologique a été une révolution d'appareil. Qu'est-ce que j'entends par là ? Simplement que ce sont des dirigeants adventistes, opposés souvent vigoureusement à d'autres, qui sont parvenus à imposer la nécessité de se rapprocher en France de la FPF. L'adhésion à la FPF est donc avant tout un rapprochement entre deux institutions. Les responsables adventistes qui ont eu cette responsabilité légitimement, parlent d'une adhésion communautaire. C'est une grande différence avec l'analyse sociologique. En effet le rapprochement d'institutions n'est pas une adhésion communautaire. Les décideurs, les administratifs, les fonctionnaires, les procédés organisationnels de l'adventisme ont adhéré à la FPF. Et le succès est là puisque les responsables adventistes animent plusieurs instances de la FPF. Cependant, bien de membres n'ont pas intégré cette adhésion. Ils gardent, cultivent la double stigmatisation pour bien se démarquer. Toute la difficulté est de passer de l'adhésion institutionnelle à l'adhésion communautaire. Deux choses coincent.

    1. Il y a un effet de génération à attendre. Le temps aidera à trouver évidente l'appartenance à la FPF.
    2. C'est le plus compliqué. Certaines formes internes de l'organisation adventiste et de sa théologie devront inéluctablement évoluer pour que l'adhésion communautaire se réalise. Deux exemples volontairement saillants. Le premier est le regard adventiste sur les mariages œcuméniques avec d'autres églises protestantes. Bien que les positions évoluent, les textes normatifs adventistes rejettent le mariage d'un adventiste et d'un protestant. Que ce soit le Manuel d'Eglise ou le Manuel du Pasteur, deux ouvrages importants, l'interdiction pour un pasteur adventiste d'officier un mariage œcuménique est stricte. Les tenants d'une position radicale ont donc le texte de droit canonique pour eux. Evidemment les modernistes adventistes peuvent se référer à d'autres textes qui sont des travaux, des réflexions, mais non normatifs. Le second exemple est le rebaptême. Remarquons qu'il commence à connaître une baisse. Mais encore une fois, le droit canonique adventiste impose un baptême par immersion pour se joindre à une communauté adventiste, y compris pour les protestants qui ont déjà réalisé ce rite dans leur congrégation d'origine. Je le redis, le rebaptême est un sujet théologique polémique en interne et des pasteurs se contentent de la simple profession de foi. Le sujet n'est cependant pas explosif en France car la proportion de protestant devenant adventiste est faible.

    Que montre tout cela ? La révolution épistémologique est inachevée et en cours. L'adhésion à la FPF pousse l'Eglise adventiste à ne plus se penser en opposition avec les autres protestants. Outre le niveau administratif, un prolongement doit se faire dans le vécu communautaire, les rites, les croyances, les normes, etc. C'est la suite de la révolution épistémologique de l'adventisme qui est à venir.

  • 2019: Bilan (trop) rapide de l'Eglise adventiste en Francophonie entre tensions et succès [Mise à jour]

    bilan 2019, eglise adventiste du septième jour, SDA

    Comment faire un bilan de l’année 2019 sur l’Eglise adventiste du septième jour dans l’espace francophone ? Faisons simple en constatant les tensions et les succès.

    Deux anniversaires: La Martinique et le Tchad
    Les 100 ans de l’adventisme en Martinique, centre historique, administratif et numérique de l’adventisme francophone caribéen a été un véritable temps médiatique important. Au Tchad où les liens avec le pouvoir, les traditions locales ancestrales, l’influence musulmane sont denses, l’adventisme a fêté ses 50ans. C'est incontestablement les deux temps forts en francophonie.  On peut ajouter qu'au Bénin, le dynamisme adventiste a permis l’instauration d’une Fédération.

    La crise du Burundi
    L’Afrique a été de toute évidence l’épicentre de l’actualité francophone, y compris autour des tensions. Au Burundi les tensions entre l’Etat et la SDA furent et sont encore vivaces. L’Etat burundais s’appuie sur sa législation pour reconnaître des leaders et codifier l’expression adventiste dans l’espace public. De son côté, une frange importante d’adventistes, s’appuyant sur les règles de la SDA, construites dans une histoire, une législation américaine, s’oppose aux volontés de l’Etat burundais. Le tout est possible en raison de dissensions internes à la SDA, dans un contexte électoral national tendu. On a ainsi vu des affrontements graves, y compris au sein des lieux de cultes devenus parfois des espaces de violences physiques. L’Eglise adventiste s’est ainsi officiellement insurgée contre la répression.
    Au-delà des libertés de foi, de conscience, de religion, se pose la question de la compatibilité entre le « droit canonique » et « le droit civique ». Question ancienne dans le catholicisme (c’est pour cela que je reprends ce vocabulaire) et désormais criarde autour de l'adventisme francophone. En démocratie stable, comme la France, le Ministère de l’Intérieur propose un équilibre par sa surveillance, encadrée par la Constitution. Dans les pays comme le Burundi, cet équilibre est autre. Il faut dire que les Etats qui ne bénéficient pas d’une grande stabilité, peuvent percevoir l’adventisme avec sa forte extension et ses ressources importantes comme concurrente à sa légitimité, à son pouvoir. De fait, bien qu’elle refuse de l’admettre, l’extension adventiste a une dimension politique de plus en plus importante qu’il faut étudier. Evidemment se posera la question de l’extension du modèle moral américain , éthique et religieux face aux contextes religieux locales et surtout politique. Tout un programme.

    La crise guadeloupéenne
    Aux Antilles, la Fédération de la Guadeloupe a été source d’une importante crise de gouvernance. Ce n’est qu’en fin 2019 qu’une élection plus sereine a été possible avec le retour du Pasteur Pierre Dufait. Sur fond de dissensions, d’endettement, de réorientations managériales, de quête de sens, une nouvelle équipe est chargée de redynamiser un adventisme dont certains acteurs annonçaient l’implosion.

    Divers succès
    Madagascar avec le dynamisme de l'enseignement malgré là aussi des tensions mais une reconnaissance étatique a marqué la SDA en Francophonie. Tahiti avec les actions sanitaires s'est aussi démarquée. En Haïti le système de santé adventiste déjà indispensable à la population s'est imposé comme le plus important. 

    En France hexagonale, l’année a été plus paisible au regard des autres aires. Plus globalement, l’actualité était à l’évolution de la Miviludes passée sous la coupole du Ministère de l’Intérieur et dont on peut largement envisager la disparition. C’est peut-être une bonne nouvelle pour les groupes religieux, trop rapidement présentés par la Miviludes dans un langage stéréotypé où les mots de "secte", "manipulation mentale" étaient devenus des refrains sans sens. Reste, qu’en démocratie, le remplacement d’une telle structure visible (par… on ne sait pas!) pose aussi question.

    Dans la production scientifique il n'y a pas eut de publication majeure avec la SDA comme objet. On peut signaler l'insertion de la SDA que j'ai réalisé dans l'important ouvrage "Les minorités religieuses en France" porté par Anne Laure Zwiling. Côté publication, un regret est le contenu de l'ouvrage de Daniel Milard "L'Eglise adventiste du septième jour à la Martinique et la Laïcité". J'ai réalisé ici et su HALSHS une recension. 

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    Ce qu'il faut retenir: Je pourrai détailler chacune des ces situations, mais nous quitterions le regard sociologique pour le journalisme, les faits divers, voire pire. Les situations décrites permettent de se rappeler que le développement des groupes religieux protestants d’essence américaine en espace francophone a toujours été sources de tensions. Ces tensions ne s’analysent pas théologiquement mais en observant, en comprenant les pratiques locales, les logiques, les rationalités face auxquelles le groupe religieux interfère, remodèle, dynamisme ou encore déstructure. Le choix des termes ne peut pas être hasardeux.

    D’autre part, l’année 2019 de l’adventisme francophone montre que la dimension politique du religieux ne peut pas être occultée. Certains acteurs, nombreux, refusent cette évidence. Je me rappelle d’un colloque en Guadeloupe où un responsable d’une église évangélique locale, universitaire, m’indiquait s’intéresser uniquement à la missiologie et réfutait la dimension politique du religieux protestant dans une société ou ce même religieux est un acteur central! C'est évidemment une vision marquée par l'engagement, fictionnelle et loin de la réalité. Elle minimise la complexité du fait religieux. Il se trompait et se trompe encore. Les individus sont d’une complexité où toutes les dimensions sont entrechevétrées. L’histoire, la psychologie, le politique, le contexte social… sont des éléments interdépendants qui font système et expliquent la réalité. Le religieux est un élément complexe de cette même réalité. Il s'alimente des autres dimensions tout en les alimentant. C'est l'interdépendance que Marcel Mauss avait envisagé dans la notion de Fait Social Total.

    Les responsables adventistes en Francophonie ont fait la dure expérience de la négligence de ses dimensions. C'est aussi une perspective pour eux de mieux construire une compréhension du monde et donc de soi!

  • ”Réveil du religieux, éveil de la société”

    Dominique KounkouA l'initiative de Maître Dominique Kounkou j'ai participé mardi 22 mars au colloque « Réveil du religieux, éveil de la société » qui s'est déroulé à Paris. J'aurai pu relayer l'information mais j'avoue que pris par de nombreuses autres activités j'ai négligé le blog et plus précisément de transmettre plusieurs informations dont celle-ci. J'étais présent que l'après-midi et je n'ai pas pu profiter des interventions matinales autour de Haïti. L'après midi a été porté par des thématiques où s'entrecroisent droit et sociologie. Parmi les intervenants trois universitaires, Régis Dericquebourg, Laburthe Torla et Fabrice Desplan. Ajoutons la présence de Me Gérard Ducrey dont l'oeil expert est d'une richesse exaltante.


    Régis DericquebourgRégis Dericquebourg a fait une sociologie de l'évolution de champs professionnels de la psychothérapie et montré comment la nouvelle législation qui laisse une grande place aux médecins et psychiatres, résulte du poids social, de l'influence, de ces professions au détriment d'autres, plus légitimes sur la question comme les psychologues. Sa présentation basée sur des éléments factuels organisés chronologiquement revient sur la stratégie de psychologues qui s'appuient sur une sémantique et des actions « anti-sectes » afin de crédibiliser le souhait d'être une profession qui encadre la psychothérapie. Dericquebourg montre que la clef de la psychanalyse et de la psychothérapie est, à des degrés différents mais importants, la réalisation d'une analyse de l'analyste. Ce dernier doit faire sa propre psychothérapie. Cet élément épistémologique sujet à discussion mais présent n'a pas été mobilisé dans le lobbying auprès des parlementaires par les professions instituées (psychologues et psychiatres). Bien leur ait pris parce que ce critère légitimerait les psychothérapeutes ! Mais surtout Dericquebourg démontre que dans le jeu d'influence entre professionnels dont le but est d'avoir la main mise sur le statut de psychothérapeutre,
    "les psychologues avaient participé à l'élimination des psychothérapeutes en validant théoriquement la notion de dérive sectaire mais qu'il n'en n'avaient pas profité puisqu'ils sont relégués à une obligation de formation complémentaire comme les médecins qui eux font peu de psychologie dans leurs études".

    Fabrice DesplanDans un autre registre, j'ai continué une réflexion entamée dans le dernier numéro de Conscience et Liberté autour de la diffamation de groupes religieux. A partir de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme j'ai voulu montrer que le droit Européen tente d'imposer une lecture des minorités religieuses loin de la stigmatisation sociale. CE n'est pas une tendance uniforme. Cependant les arrêts de la Cour prennent de la distance avec les positions admises jusqu'à présent du droit dans nombres de pays pour tenter de rééquilibrer les échanges en faveur de groupes qui jusqu'à présent sont perçus comme des menaces alors qu'ils composent, comme d'autres, le tissus social sans actes subversifs.

    Maitre Gérard DucreyMaitre Gérard Ducrey, qui n'est plus à présenter, a insisté sur l'évolution des arrêtes de la CourEDH dont le dernier sur les crucifix en Italie est de son avis majeur ouvrant des portes à la liberté religieuse et de croyance. Réaffirmant mon propos, Me G. Ducrey note toutefois la difficulté procédurale à se faire entendre de la Cour. Il insiste particulièrement sur les interactions entre politique et CourEDH. De fait, il appelle à la vigilance sur le renouvèlement de sièges au sein de la CourEDH, en espérant que cela n'entrave pas une dynamique bien encrée de la Cour en faveur des libertés de religions et de croyances.

    Professeur Laburthe TolraLa conclusion de la journée réalisée par le Professeur Laburthe Torla qui rappelle la complexité de la place du religieux aujourd'hui. Il insiste sur les difficultés du législateur à accepter cette complexité et à vouloir la simplifier autours d'intérêts. Le religieux est un élément du dynamisme social qu'il faut approcher en lui laissant toute sa complexité. Pour celui qui est un des plus grand anthropologue français de la religion c'est une évidence mise à mal qu'il faut maintenant reconstruire.

    Les interventions formeront un ouvrage qui sortira avant la fin de l'année afin de permettre à tous un prolongement des réflexions qui y seront proposées.

  • La présidente de l'UNADFI condamnée pour diffamation envers les témoins de Jéhovah

    L’information n’a pas été divulguée par les médias avec le même zèle qu’ils ont à participer à la désinformation sur les groupes religieux. Heureusement que mon ami Sébastien Lherbier-Lévy est là avec le Droit des religions pour recenser les décisions de droits, toutes tendances confondues, qui concernent les organisations religieuses.

    Catherine Picard devra faire attention désormais à la sémantique qu’elle emploie pour caractériser les groupes religieux. Le rapprochement qu’elle faisait entre la Mafia et les Témins de Jéhovah méritait le courroux du droit et justifie les 6750€ que l'Unadafi devra verser aux associations jéhovistes plaignantes. Tout le monde sera d'accord que ce n'est pas lourd pour une organisation qui s'enferme dans la dérive.
    Je vous laisse lire la rapide restitution, sous forme de dépêche que Sébastien a indiqué sur son site.
    Rajoutons une chose : si cette condamnation permet de traiter les groupes religieux minoritaires dont les Témoins de Jéhovah avec plus de respect républicain, je pense qu’elle a tardé, car le venin de l’ADFI a déjà arrosé maintes organisations religieuses sans une once de respect pour ces derniers. La différence religieuse mérite de ne pas être stigmatisée par un vocabulaire de l’opprobre. Espérons que nous pourrons parler bientôt de la jurisprudence Picard.

  • Dans la peau de l'historien de JL Chandler

    Mais dans l’envers du décor, écrire l’histoire n’est pas qu’une partie de plaisir. Surtout lorsqu’elle est religieuse. Et donc depuis un certain temps, l’envie de publier un article sur la démarche scientifique de l’historien m’a titillé. Elle s’est définitivement cristallisée quand une internaute m’a posée dernièrement « la question qui tue » sur l’histoire qui est derrière l’Histoire. En substance, elle demandait - je généralise son interrogation - : « comment sait-on que quelqu’un a reçu un message de la part de Dieu ? » Autrement dit, qu’elle est la certitude de l’historien sur l’authenticité d’un récit, de surcroît avec une dimension de transcendance ? Il n’y a pas de réponse simpliste à ces questions mais je partagerai quelques étapes de réflexion indispensables à notre quête de savoir. Ce raisonnement part de loin. Il semblera au départ un peu éloigné de notre sujet mais suivez-le jusqu’au bout et vous découvrirez la solution.

     

    Les limites de la raison
    La première étape de notre réflexion est philosophique. Dans « Le discours de la méthode », René Descartes a révolutionné le monde de la science – le mot provient du latin scientia qui signifie « la connaissance » - en proposant une méthode rigoureuse d’acquisition du savoir. Pour atteindre son but, qui était de prouver l’existence de Dieu, il a basé son raisonnement sur une idée simple et « géniale » : démarrer la recherche du savoir par le doute, en écartant d’emblée toutes les idées présupposées et apporter, étape par étape, les preuves (les certitudes) de cette connaissance. Néanmoins, il n’a pas été jusqu’au bout de cette logique. Il s’est gardé de douter de sa propre existence, – d’où sa fameuse phrase, « je pense, donc je suis » - sinon il n’aurait pas pû écrire une ligne de son traité. Si l’on doutait sur tout, on éliminerait de nombreuses connaissances.
    Malheureusement, Descartes a fait une regrettable erreur de raisonnement. Sa méthode s’est basée uniquement sur le pouvoir de la raison. La raison pure et absolue ! C’est là que le bâts blesse. La raison est une capacité formidable pour explorer tous les chemins de la connaissance. Elle a fait reculer les frontières de l’irrationalité, de l’ignorance, de la superstition et de la bigôterie mais elle n’est pas absolue. Elle ne peut pas tout expliquer et tout prouver. Je ne peux pas prouver que j’aime ma femme, l’émotion, la beauté d’un coucher de soleil, l’art, la créativité, la conscience, l’esprit, les sens ou les axiomes mathématiques - que 0 est 0 et non -1 ou 1 (certains mathématiciens se demandent si zéro est un nombre et une réalité dans la nature !). Il y a des choses que nous savons intuitivement et apriori. La raison pure ne suffit pas dans notre recherche de la connaissance.
    D’autre part, la raison n’opère pas dans le vide. Elle s’exerce à partir des informations que nous recevons. Or ces données sont limitées et  souvent incomplètes. A l’échelle de l’univers, quelle est la somme totale de nos informations ? Albert Einstein a suggéré très généreusement que nous connaissons moins de 0.5% de la masse totale des informations dans l’univers. En supposant que c’est vrai, plus de 99.5% de la réalité cosmique échapperait au processus de notre raison.

     

    La foi et la raison
    La seconde étape de la réflexion entre dans la sphère métaphysique. La « preuve » cartésienne de l’existence de Dieu a vite été jetée aux oubliettes parce que, comme Eugenie Scott observe, « on ne peut pas enfermer une divinité omnipotente dans un tube d’essai ». Ceci n’a pas empêché l’Occident d’accepter dans un grand enthousiasme la méthode cartésienne. Au point de produire l’excès du rationalisme qui impose arbitrairement le dogme scientifique d’une dichotomie entre la foi et la raison. La foi serait quelque peu irrationelle ; la raison serait logique et éclairée. La croyance serait métaphysique (invérifiable) mais la science serait exacte. La frontière entre la science et la religion serait hermétiquement tracée. Mais sur quelles preuves s’appuie ce raisonnement ?     
    Jusqu’au XIX e siècle, la plupart des savants occidentaux – Pascal, Galilée, Kepler, Newton, Farraday, Pasteur et beaucoup d’autres – n’ont vu aucune opposition entre la foi chrétienne et la recherche scientifique.
    Certains d’entre eux étaient théologiens. Ils étaient ouverts à la possibilité d’augmenter leur savoir par une révélation extérieure à la seule force de la pensée. Ce raisonnement ne leur a pas semblé déraisonnable. Au contraire. Dans leurs observations scientifiques, ils ont vu des évidences d’une conception intelligente de la nature – confirmée par la science moderne. Ils ont conclu qu’il n’y a pas d’horloge sans horloger. Pour conclure autrement, il faut en vérité une contorsion assez extraordinaire des règles du raisonnement logique.
    Dans les faits, le rationalisme à l’état pur n’existe pas. La pensée procède par doses simultanées de foi, d’intuition et de raison. Dans mes lectures, j’ingurgite les données de dizaines de livres scientifiques. A mon étonnement, les savants semblent souvent avoir plus de foi que les théologiens. Des dizaines de théories scientifiques – parfois ahurissantes - ne sont pas soutenues par des preuves, tout au moins suffisantes. Certaines sont même invérifiables. Mais souvent on leur accorde le bénéfice du doute. Le cosmologue Carl Sagan a appelé le big bang « notre mythe scientifique moderne » (Cosmos, p.213).  Abondant dans ce sens, le cosmologue Edward Harisson appelle la cosmologie « la nouvelle religion d’aujourd’hui » (Dick Teresi, Lost discoveries, p.161). D’un autre coté, des milliers de découvertes archéologiques apportent des évidences de la véracité historique des récits bibliques. On en fait trop peu cas.
    L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan observe : « Ce qui est nouveau, c’est que la science a découvert qu’elle a des limites. Les Grecs pensaient que la raison pouvait résoudre tous les problèmes, qu’elle pouvait appréhender tous les phénomènes. Mais la science, à mesure qu’elle progresse, s’est rendu compte que la raison ne peut pas aller au bout du chemin dans certains cas » (Le monde s’est-il créé tout seul ?, p.61). On sait aujourd’hui que la science n’est pas d’une exactitude absolue. En 1931, le mathématicien Kurt Gödel a démontré un théorème – le théorème de Gödel – qui a choqué les savants. Il a montré que l’arithmétique contient des énoncés « indécidables » dont on peut jamais dire par le raisonnement logique s’ils sont vrais ou faux. Aussi certains problèmes mathématiques ne seront jamais résolus par un ordinateur. On ne pourra jamais prédire le temps ou la trajectoire d’un électron avec précision. Pour la science, certaines choses resteront des mystères et seront à jamais imprévisibles.

     
    L’histoire religieuse et la raison
    La troisième étape de la réflexion porte sur la philosophie de l’histoire. Pour les rationalistes, l’histoire religieuse pose problème. Dieu, Satan, le paradis, les miracles, la création, les esprits, les visions ou les prophéties ne sont pas forcément des concepts déraisonnables ou faux historiquement. Mais dans le cas du judéo-christianisme, ils font appel à une autre source d’information, la révélation biblique (qui fournit certaines informations sur la réalité cosmique), que les rationalistes trouvent proprement inavenue. En vertu de quoi ? Thomas Jefferson, le troisième président des Etats-Unis, a écrit sa propre version des Evangiles en excluant la naissance virginale, les miracles, les prédictions et la résurrection du Christ parce qu’ils entraient en conflict avec sa vision du monde. Mais est-ce honnête et objectif de tronquer les faits qui défient le raisonnement rationaliste ?

     
    La méthodologie historique

    J’en viens maintenant à la méthodologie historique et à la question : « Qu’elle est la certitude de l’historien sur l’authenticité d’un évènement à caractère métaphysique – un miracle, une vision ou une révélation ? » En examinant les faits, il se pose une série de questions :

    1. « Quelle est l’ancienneté du document historique ? » Il faut au moins un siècle et deux générations d’écart pour créer une légende. Pour une raison toute simple. De leur vivant, les témoins démentiraient les faits fabriqués par le créateur d’une légende. Par exemple, l’authenticité des évènements rapportés dans les Evangiles est difficilement contestable car ils ont été écrit une trentaine d’années après les faits.

    2. « Quels éléments corroborent les faits ? » Les autres écrits contemporains (les critiques, les documents officiels, les tombes, etc) sont des sources appréciables de vérification. Par exemple, les documents originaux sur la biographie de Jules César n’existent plus. Les plus anciennes copies que l’on possède ont été écrites dix siècles après les faits.  Pour autant, les historiens considèrent les faits authentiques parce qu’ils correspondent aux informations que l’on connaît de l’époque. Autre exemple : de nombreux historiens pensent que la résurrection du Christ est un fait historique véridique. En effet, plusieurs historiens non chrétiens (romains et juifs) contemporains aux apôtres, tous hostiles au christianisme – notamment Flavius Josèphe -, ont attesté l’historicité de l’existence de Jésus-Christ mais surtout ils n’ont jamais démenti l’histoire, assurément « scandaleuse » à leurs yeux, de la résurrection. Etrange non ? Pas fous ! Selon l’apôtre Paul, Christ est apparu à au moins 500 personnes après sa sortie du tombeau (1 Corinthiens 15.6). Ceux-ci les auraient contredit.

    3. « Quels sont les motivations du personnage historique ? » Les historiens valident l’historicité d’un fait quand le personnage n’a aucun intérêt à le raconter. Que gagne le prophète Jérémie à inviter Sédécias, le roi de Juda, à déposer les armes et à se constituer prisonnier de Nabuchodonosor, le roi de Babylone, sinon que de se faire exécuter pour haute trahison ? Ce message prophétique est donc attesté comme étant authentique.

    4. « Quelle est la personnalité du personnage ? » Quel est son profil psychologique et sa cohérence comportementale ? Par exemple, la biographie du prophète Daniel révèle une personnalité très équilibrée. On ne trouve pas chez lui des signes de folie de grandeur, d’amertume ou d’irrationalité. Au contraire ! Trois rois lui confièrent les plus hautes responsabilités de l’état. On n’a aucune raison de penser que ses visions prophétiques – qui se sont accomplies à travers l’histoire - sont le fruit d’un esprit dérangé et déraisonnable.

    5. « Quelle est la cohérence entre le fait et la révélation biblique ? » Dans le cas du judéo-christianisme, si Dieu existe, il doit communiquer  avec ses créatures et la Bible doit indiquer comment on identifie les évènements miraculeux et visionnaires authentiques. Selon elle, la vraie connaissance est un mariage de la foi et de la raison (Hébreux 11.1) – une foi raisonnable en somme. Les historiens lui reconnaissent une valeur historique inestimable. 70% de son contenu rapporte des faits historiques ! Par rapport aux documents de l’Antiquité, la mythologie y est notoirement absente.

    6. « Quel est le contexte ? » Idéalement, l’historien veut visiter le lieu où l’évènement s’est produit. Ce contact direct permet de saisir des détails et des subtilités qui peuvent lui échapper. J’ai étudié l’histoire et la théologie de l’Eglise adventiste à l’université Andrews dans le Michigan, le berceau historique de l’adventisme. Je me suis immergé dans la culture, l’histoire, la géographie, le climat et la mentalité des gens de cette partie du monde. Ceci contribua à éclairer mon regard sur les débuts de l’adventisme.

     

    L’adventisme et la raison

    Les millérites n’ont pas opposé la foi à la raison. William Miller a appelé l’étude de la Bible, « un festival de la raison ». Les sabbatistes suivront leurs traces. Dans cet esprit, Ellen White a écrit : « Les expériences passées du peuple de Dieu ne doivent pas être traitées comme des faits morts » (Manuscrit 346). L’adventisme devait être un objet de la recherche historique.
    Est-ce raisonnable de suivre la règle rationaliste inapplicable d’une utilisation unique et absolue de la raison ? Nous l’avons vu, la science ne le peut pas. En étudiant l’histoire religieuse, nous ne cherchons pas des preuves absolues sur les faits rapportés mais des évidences raisonnables et suffisamment concluantes.

  • Sortie prochaine : Ces protestants que l'on dit adventistes

    Ces protestants que l'on dit adventistes.JPGLa sortie de l'ouvrage "Ces protestants que l'on dit adventistes" est imminente. En avant première vous pouvez voir la couverture. Voilà qui me conduit à remercier Jean Luc Rolland pour les photos et surtout Frédéric Leduc pour l’investissement personnel. L’ouvrage semble attendu par nombres de personnes. Evidemment des adventistes, mais surtout d’autres chercheurs et différentes institutions. De mon point de vue les contributions que le livre renferme permettent de développer une analyse de l'Eglise qui est à bonne distance de celle-ci. La pluralité des participants avec leur sensibilité entraînera des débats. Mais sur l'essentiel j'espère qu'il s'agit d’un ouvrage majeur à base scientifique sur l’adventisme, qui aboutira à mieux appréhender cette Eglise (SDA).

    L’ouvrage est un ensemble de participations qui pour la grande majorité est issue de la journée d’étude réalisée au Groupe, Sociétés, Religions et Laïcités du CNRS en mai 2007. Dans ce livre, Régis Dericquebourg qui a codirigé avec moi le livre, analyse le charisme de la vision d’Elle White, un des personnages centraux de l’adventisme dans un chapitre « Ellen White (1827-1915) et la fondation de l’adventisme du septième jour. Rôle et réception d’un charisme de la vision prophétique au féminin ». Jean Baubérot dans un chapitre sur la revue Conscience et Liberté de l’Association Internationale de la Liberté religieuse met en évidence les liens historiques qu’entretient l’Eglise adventiste avec la liberté religieuse. Jean Paul Willaime indique la particularité enrichissante de l'adventisme dans le protestantisme français. Richard Lhemann présente les chemins qui ont conduit à l'adhésion à la FPF. Dominique Kounkou insiste sur l'interaction entre Eglises protestantes anciennes et nouvelles Eglises dynamiques, comme la SDA dans la FPF. Personnellement je présente la pluralité des parcours de conversion à la SDA, ce qui lui confère un dynamisme précieux. De son côté S. Fath indique les points de discussions qui restent avec les Eglises dites évangéliques. C’est une contribution qui est dans l’actualité des changements du protestantisme français.

    Avec Régis Dericquebourg le choix a été d’intégrer d’autres contributions de chercheurs qui n’ont pas participé à la Journée d’étude. Jean Luc Rolland présente l'histoire générale de l'adventisme et son implantation française actuelle. Olivier Régis, un étudiant prometteur compare l'adventisme et le jéhovisme aux Antilles. Une particularité de l’ouvrage demeure la contribution de Jean Luc Chandler, passionné de l’histoire adventiste. Il présente les liens théologiques entre adventisme et santé dans un chapitre « Religion et Santé ». Cette perspective est apparue utile pour permettre au lecteur d’être en contact avec un des discours adventistes sur la santé.

    La contribution de Françoise Lautman ne figure pas dans l'ouvrage. Les spécificités de celle-ci ne pouvaient se réduire à une forme écrite. Notez toutefois que Françoise Lautman a permis l'émergence d'une réflexion de qualité.

    Maintenant il vous reste à mettre de côté 24,50 €, un merveilleux investissement en ces temps de crises financières et économiques, pour voyager en adventisme.

     

  • Trop de sucre dans les produits alimentaires antillais. Une logique qui rappelle une autre

    Sucre, Alimentation, Aliments sucrés aux Antilles, Sucre industrie alimentaire, Victorin Lurel, Obésité aux Antilles, Obésité, surpoids, IMC, Indice de masse corporelle, loi, santéInutile de faire un long développement mais il faut s'arrêter sur l'un des effets de la proposition de loi de Victorin Lurel, député de la Guadeloupe et Président de son Conseil Régional. Elle vise à ramener le taux de sucre dans les produits alimentaires industrialisés aux Antilles à leur niveau dans l'hexagone.
    Pourquoi la teneur en sucre est-elle plus élevée ? L'industrie agroalimentaire se targue de simplement s'adapter au goût antillais ! L'argument est fallacieux. Il relève du fameux problème « l’œuf ou la poule ». C'est un contre feu qui vise à ne pas assumer une stratégie de vente ancienne qui visait à créer la dépendance.


    Sucre, Alimentation, Aliments sucrés aux Antilles, Sucre industrie alimentaire, Victorin Lurel, Obésité aux Antilles, Obésité, surpoids, IMC, Indice de masse corporelle, loi, santéCe débat me rappelle un autre : celui de la teneur en nicotine dans les pays noirs. L'industrie du tabac, sous prétexte de s'adapter au goût des consommateurs dans les pays noirs y porte souvent plus de produits dépendants et nocifs ! Entre nous, cela rappelle le débat actuel sur le sucre. Moins de sucre c'est plus de santé. Alors que l'on s'inquiète de l'obésité aux Antilles, espérons que nous irons à l'essentiel qu'est de protéger les populations. La question fondamentale porte sur la santé publique et rien d'autre. Il ne faut pas se laisser détourner par les débats qui essentialisent la culture et déculpabilisent l'industrie agroalimentaire. Alors que tout le monde s'inquiète de la montée de l'obésité aux Antilles l'important est de prendre les mesures qui s'imposent.

  • Dynamisme de l’enseignement privé adventiste en Guadeloupe : Le complexe scolaire de La Persévérance.

    Parler de dynamisme permet de mettre l’accent sur le caractère mouvant de l’adventisme. Cette religion n’est en rien figée. Il est donc faux de dire que les adventistes pensent ainsi, agissent de telle manière, en s’appuyant sur des anciennes convictions et observations. En effet, même s’il y a des permanences, les croyances et pratiques évoluent en fonction des contextes sociaux. J’insiste sur ce caractère dynamique aux Antilles car certains penseraient que l’adventisme serait un ensemble dogmatique figé. De plus, la notion de dynamisme est en clin d’œil à la culture antillaise qui connaît aussi un fort dynamisme. Là également il s’agit de contrecarrer des préconceptions. En un mot, parler de dynamisme conduit à renverser les idées reçues sur le religieux antillais.
    Ce dynamisme est perceptible quand on regarde la place que prend l’adventisme. Je prend un exemple bien précis : celui de l’éducation en Guadeloupe. Les établissements adventistes, du primaire au lycée, sont considérés, à des degrés diverses comme contribuant de manière significative à un enseignement de qualité. Une particularité forte symbolique est l’exemple de La Persévérance.

    La Persévérance est un complexe éducatif allant du primaire au lycée. A ces débuts il s’agissait d’un véritable défi. En effet, deux ans après la seconde guerre mondiale, alors que la Guadeloupe connaît les séquelles économiques et politiques de la tuerie qui venait de se dérouler en Europe, il était loin d’être évident de penser que la priorité était à la construction de ce qui allait être le premier établissement religieux protestant d’enseignement en Guadeloupe. Il est vrai qu’il s’agissait pour la Conférence générale d’intensifier et de diversifier l’implantation adventiste en Guadeloupe.
    Mais le défi était grand. Outre les difficultés dues à la sortie de la Guerre, par la suite, le groupe scolaire du faire fasse aux troubles qu’allaient connaître le quartier de son implantation. Pourtant, revers de la médaille c’est cette implantation qui va garantir son succès. La Persévérance sera connue comme « une bulle de paix, dans une zone délabrée » me racontait un ancien parent d’élève. Les valeurs adventistes devenaient progressivement une raison qui poussaient adventistes et non adventistes à inscrire leurs enfants dans cette école.
    La qualité de l’enseignement distillée fut parfois décriée. Aujourd’hui ce n’est plus l’opinion commune. La Persévérance est d’ailleurs pour nombres, un bon compromis entre valeur et qualité de l’enseignement.
    La première école privée protestante en Guadeloupe a donc réussi le défi des années 40, à savoir
    assurer la continuité de l'ensemble des valeurs chrétiennes et morales au travers d’une instruction de qualité, et de préparer de bons citoyens.
    Cette réussite de La Persévérance, appréciée insuffisamment au sein des rangs adventistes, a participé à donner à l’adventisme une visibilité sociale, comme le remarquait Raymond Massé dans les années 70. En d’autres termes, La Persévérance à contribuer, de mon point de vue, significativement, à faire de l’adventisme guadeloupéen, une religion de notoriété. Cette institution aidera de manière déterminante à faire la « bonne réputation » de l’adventisme (j’assume l’expression). Sa proximité géographique avec la Fédération guadeloupéenne est un élément à prendre en compte dans l’explication.
    L’évolution de la place de La Persévérance dans les représentations des individus marque bien le dynamisme énoncé plus haut. Cet établissement su prendre des virages, parfois difficilement (je me rappelle de la présidence engagée de Lucile Sabas). Comme toute structure d’autres défis sont là. Citons-en seulement deux :

    1. Le premier est certainement de garder le haut niveau d’exigence moral, qui fait de La Persévérance une structure remarquable et particulière.
    2. Le second est de se hisser au sommet de la hiérarchie des établissements scolaires.

    Répondre à ces défis nécessite que l’adventisme antillais apprécie à sa juste valeur cet outil. Pourtant paradoxalement, maintes adventistes ne semblent pas conscient de l'enjeu de la bonne représentativité que permet cette structure.

  • L'adventisme dans le rapport de la Miviludes

    Rapport Miviludes 2011, Sectes apocalyptiques, Télécharger le rapport contre les sectes, télécharger le rapport Miviludes, Eglise adventiste, secte, 2012 fin du monde, adventisme, fin des tempsLe dernier rapport de la Mission Interministérielle de Vigilence et  Luttes contre les rives Sectaires (DIVILUDES) vient d'être remis au Premier Ministre par son Président, George Fenech. Le rapport se penche sur les mouvements millénaristes et messianiques qu'elle résume dans la terminologie de groupes apocalyptiques.
    La Miviludes dans son premier chapitre fait un tour d'horizon de l'actualité des thèmes apocalyptiques. Après avoir très sommairement rappelée quelques déclinaisons du millénarisme et du messianisme, la Miviludes insiste principalement sur l'actualité de la fin des temps autour du New Age, et avec une moindre importance sur l'adventisme. Concernant l'adventisme voici ce qui en ressort :

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    Aujourd’hui, le millénarisme est au cœur de la doctrine qui prévaut notamment chez les Témoins de Jéhovah, chez les adventistes et les mormons (Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours), ainsi que dans la majorité des mouvements protestants. (P. 30)

    Que quelques groupes sont nommés avec l'adventisme et « une majorité des mouvements protestants ». Étant un des objets de ce blog il convient de revenir sur la place de l'adventisme dans le rapport et cela malgré le détournement de mes propos dont l'Eglise adventiste s'est rendue coupable dans son B.I.A, distribué à grande échelle, en prolongement d'une affaire d'exorcisme et de séquestration.

    L'allusion à l'adventisme comme un des mouvements apocalyptique dont le discours appellerait, selon la Miviludes, à des risques reste très globale et manque de précisions utiles. Il faut noter que l'une des particularités du christianisme, et en son sein le protestantisme qui est ciblé par la Miviludes, est d'avoir un discours adventiste, une approche de la fin des temps, avec énormément de variations. Jean Séguy (†) soulignait même la présence importante d'un catholicisme adventiste. Même si Jean Séguy n'est pas, avec un étonnante surprise, en bibliographie, la Miviludes note que :

    L’adventiste désigne quant à lui une doctrine issue d’une branche du protestantisme centrée sur l’attente du retour du Christ a la fin des temps, au jour dernier. Cette doctrine possède un sens commun avec le millénarisme par l’affirmation d’un savoir sur la fin du monde tire de l’interprétation biblique ou de prophéties. (p, 32)

    En lisant cette définition il n'y a pas que l'absence de Séguy en référence qui rend perplexe. Jean-Paul Willaime, Sébastien Fath, Raymond Massé, Bernard Blandres, Régis Dericquebourg ou encore David Beriss, Philippe Delisle, Laennec Hurbon... et surtout Henri Desroches (†) ont traité, pour ne parler que de ces derniers, de l'adventisme français, dans des orientations et problématiques très diverses. Et je ne tire pas la couverture vers moi qui ait le plus publié sur l'adventisme français tout en recevant des coups de bâtons de l'Eglise adventiste du septième jour, alors que la presse considère unanimement (sans que je le veuille) mes travaux comme éclairant favorablement le dynamisme de ce groupe religieux dans l'Europe Francophone. Par quelques aspects, certaines allusions de la Miviludes rallient l'histoire des religions et la sociologie des religions, même s'il y aurait tellement à redire. Ainsi, globalement (encore une fois il y aurait tellement à préciser...) la Miviludes dit concernant la doctrine adventiste :

    En parallèle, cette doctrine spécifique prend en compte davantage le constat de l’évolution négative de l’homme (conséquence du niveau de corruption de l’homme et de la dégradation de la société) que le rapport à la Terre et a des concepts écologiques. Pour les adventistes, aujourd’hui, face à une situation humaine et sociétale dégradée, il serait parfois légitime d’attendre voire d’espérer la fin imminente de ce monde, correspondant à un châtiment face au constat d’évolution négative de l’homme. Parmi les descendances de l’adventisme classique né en 1831 aux États-Unis et par suite des nombreux schismes issus de cette doctrine, on va retrouver à la fois les Témoins de Jéhovah, les églises adventistes, l’Église universelle de Dieu et l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. (32)

    On perçoit en filigrane le risque perçu par la Miviludes. Il ne s'agit pas ici de dire si cela est exact ou pas. Prenons la question autrement : est-ce une présentation qui correspond à la complexité de la réalité sociale protestante et plus singulièrement adventiste ?

    rapport miviludes 2011,sectes apocalyptiques,télécharger le rapport contre les sectes,télécharger le rapport miviludes,eglise adventiste,secte,2012 fin du monde,adventisme,fin des tempsLa réponse est non. Pour cela disons déjà simplement ce qu'est un groupe messianique. Ce sont des groupes qui espèrent en la venue d'un messie pour établir un ordre nouveau. On parle de groupe millénariste quand dans la chronologie des faits qui annoncent l'ordre nouveau intervient une période de "mille ans". L'adventisme est un type majeur du millénarisme messianique comme le soulignait Henri Desroche à l'inverse de ce que vous trouverez dans wikipédia. Ce rappel fait que nombres d'organisations peuvent être englobées et au-delà du christianisme.

    Maintenant que le vocabulaire est posé, un reproche central peut être opposé à la Miviludes, c'est celui du catastrophisme. L'adventisme est présenté uniquement comme un potentiel risque alors que l'observation sociologique laisse apparaître une réalité plus complexe. Les membres des organisations protestantes considérées comme apocalyptiques s'investissent de plus en plus dans la société globale et n'ont pas un regard sans espérance sur l'avenir et le quotidien. Au contraire les organisations protestantes tendent à être un source d'encrage rationnel dans la société, loin de pessimisme et du catastrophisme. Ce dernier existe mais n'est pas une réalité univoque. La complexité de messianisme millénariste est dans un discours qui dépeint une réalité et un avenir pessimiste, tout en se considérant comme ayant des responsabilités religieuses, morales, éthiques qui poussent à s'investir dans la société. Ils se perçoivent comme des forces constructives et donc loin d'un langage de la destruction, mais de la construction. Evidemment dans un complexité. L'attente d'une fin imminente n'est d'ailleurs pas uniquement dans la destruction générale du monde. Nombres de groupes tempèrent cet aspect de leur discours face à l'épreuve du temps. Beaucoup intègrent d'autres aspects plus relatifs comme la simple mort naturelle à l'échelle individuelle. L'ambition n'est certainement de participer à une destruction du monde, même si celle-ci est encore une fin décrite comme inéluctable, heureuse et impossible à situer exactement dans le futur, sauf exception.

    rapport miviludes 2011,sectes apocalyptiques,télécharger le rapport contre les sectes,télécharger le rapport miviludes,eglise adventiste,secte,2012 fin du monde,adventisme,fin des tempsParler des groupes protestants millénaristes comme des espaces qui participent au dynamisme de la vie sociale loin des exemples dramatiques de morts collectives semble être une difficulté pour la Miviludes. C'est peut être un choix non exclusif ! Dans ce cas, il est à regretter de ne pas le rencontrer dans le rapport clairement même si des interprétations marginales peuvent surprendre et doivent attiser la vigilance. Plusieurs mouvements protestants étant dans le viseur de la Miviludes même si seul l'Eglise adventiste est nommé, il faudra certainement s'attendre dans le jours qui suivent une réaction de la Fédération Protestante de France, ce qui après tout serait tout à fait légitime.

  • Ellen White : la mission prophétique (1/2) de JL Chandler

     

    9c6b3edbf0a81bf0138fe1b3a8ba2c33.jpgAprès sa première vision en décembre 1844, Ellen Harmon lutte avec l’idée de communiquer des messages en public. Elle est jeune, pauvre et sa santé est précaire. La tuberculose ravage ses poumons. Elle a l’air d’une bonne candidate pour la tombe. C’est au-dessus de ses forces ! Jours et nuits, jusqu’à tard dans la soirée, elle supplie Dieu de placer le fardeau sur les épaules de quelqu’un d’autre. Elle redoute aussi de devenir fière comme certains hommes d’église dans le passé. Dans une vision vers la mi-janvier 1845, elle en discute avec un guide céleste : « Si je dois raconter ce que tu m’as montré, préserve-moi d’une exaltation déplacée ». Il lui fait la promesse : « Tes prières ont été entendues. Elles seront exaucées. Si le mal que tu crains te menace, Dieu étendra sa main pour te secourir. Par l’affliction, il t’attirera à lui et il préservera ton humilité. Présente fidèlement le message. Endure jusqu’à la fin et tu mangeras le fruit de l’arbre de la vie, tu boiras l’eau de la vie ».

     

  • Premières remontées de ma nouvelle enquête ”Dirty Work” dans le monde évangélique et adventiste

    Celle-ci va surprendre et prend du temps par manque de financement. L'enquête "dirty work" est un prolongement des recherches de la sociologie du travail et de la santé réalisées aux USA. Elles visent à mettre en évidence les activités considérées comme non gratifiantes que les individus cherchent à éviter dans les groupes religieux. Par "activités" j'entends les choses à réaliser. Il s'agit bien de faits concrets. L'enquête qui a déjà débuté englobe des individus de communautés adventistes et de communautés évangéliques indépendantes. Les différences d'organisations ont été un critère de sélection majeur.

    D'où vient cette idée facile à reprocher? Elle résulte des enseignements donnés aux professionnels de santé sur la sociologie et le cas adventiste. Pour la sociologie des organisations, tout groupe social ayant une structure formelle distribue des autorités. Il s'agit de la constitution de la hiérarchie. Les auteurs américains dont Hughes le premier notaient le réflexe des individus à transmettre à d'autres, hiérarchiquement inférieur des tâches non gratifiantes, d'où la notion de dirty work. C'est vrai à l'hôpital où dans l'histoire les médecins ont délégué le sale boulot (du point de vue des médecins) aux infirmiers.

    Dans un groupe religieux peut-on observer du dirty work? Que serait dans ses groupes une tache noble? Comment,  à qui, reléguer? Quel serait la compatibilité avec l'orthodoxie et l'orthopraxie (surtout)? Seule une enquête de terrain permettra de le certifier. A ce jour les premières conclusions sont surprenantes et me poussent à fabriquer l'idée d'un dirty work inversé. Voyez déjà là, l'ensemble de stratégies pour dépasser le dirty work. Cependant il faut encore creuser car les individus signalent effectivement des activités non nobles à déléguer, mais pas celles que j'attendais!! Je n'en dit pas plus. Je reviendrai faire un compte rendu des premières conclusions.

    En tous les cas, parler au sens de Hughes de dirty work conduit à reconsidérer les fonctions des relations sociales au sein des groupes religieux. Je termine des rapports sur l'adventisme à destination d'institutions et vous verrez de quoi il s'agit très concrètement.

  • La justice reconnaît l'aumonerie des Témoins de Jéhovah

    Témoins de Jéhovah, Prison, Aumonerie jéhovah en prison, centre de detention de MuretLors de mon intervention à Paris à l'occasion du colloque Réveil du religieux et éveil de la société, je revenais sur différentes stigmatisations malgré une jurisprudence de plus en plus sensible à l'égalité de traitement d'individus en fonction de leur pratique et croyance. Maître Ducrey prolongeait dans ce même sens. Nous notions, successivement, l'entêtement du Ministère de la justice face aux demandes de Témoins de Jéhovah qui veulent exercer en prison leur culte. Malgré une jurisprudence européenne claire, des jéhovistes sont discriminés en prison en raison de leur pratique religieuse. La position de l'administration carcérale est très tendue autour de l'aumonerie. Elle rechignait, et rechigne, à étendre aux jéhovistes le droit à une aumonerie et donc de satisfaire directement aux besoins religieux des prisonniers de cette organisation religieuse.

    Le récent arrêt admibistratif marque une grande victoire pour les jéhovistes, mais plus largement pour le respect des diversités des pratiques religieuses qui répondent aux exigences légales. Non seulement la cours reconnaît aux TJ le droit à l'exercice de leur culte mais surtout elle déboute l'administration pénitentiaire qui refusait jusque là de reconnaître l'aumonerie jéhoviste.

    Il faut le reconnaître, cela ouvre une jurisprudence sur laquelle il faudra veiller. Le travail pour les surveillants en prison est complexifié, mais ce n'est rien face au respect des libertés, dont celles de religion et de conscience. Et, là, ce n'est pas être jéhoviste ou non qui compte, c'est le respect de libertés fondamentales qu'il faut protége.

    Reste que le Ministère peut se pourvoir en Cassation. Mais au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, se serait un risque bien vil car la CEDH ne manquera d'imposer à la juridiction française le plein droit des plaignants jéhovistes.

  • Célébration idolâtre de Johnny Hallyday selon Michel Serres

    Michel Serres, Idolâtrie de JohnnyL'enterrement de Johnny Halliday ne peut qu'interroger l'analyste du fait religieux. En parler c'est poser l'idée de pouvoir traiter le sujet différemment que l'a proposé les médias et la liesse. C'est d'ailleurs cette convergence dans une forme de dévotion nationale d'un homme qui pousse à la réflexion. De plus l'exercice est compliqué car il faut veiller à ne pas blesser vainement.
    L'exercice est compliqué. Il fallait bien un grand Michel Serres pour l'aborder avec une facilité et une profondeur extrême. Dans la chronique Le sens de l'Info sur France Info avec Michel Polacco, Michel Serres montre combien que les funérailles de Johnny ont été une célébration qui a fait du chanteur décédé une véritable idole. Oui, vous avez bien lu. Serres note l'omniprésence de vocabulaire religieux dans les interventions des proches et stars françaises.
    Le plus fin était de souligner les attitudes de la foule, des individus dans l'Eglise, des hommes politiques et des stars. Tous à leur place, dans leur rôle, ont réalisé une véritable dévotion. Michel Serres ose (et bravo) la question: à quelle religion participaient tous ces gens ?
    Cette cérémonie, indique le philosophe, avait tous les traits du polythéisme. Pour lui cela illustre l'idée de Bergson selon laquelle la société est une machine à fabriquer des dieux. Ce fut le cas avec Johnny devenu une idole et sacralisé à l'Eglise de La Madeleine par d'autres idoles (stars) en formation. C'est l'illustration selon Serres de l'apothéose qui est la transformation d'un mortel en dieu! Tout est dit et bien dit. Mieux, écoutez.


    podcast

  • Archives video de la commission parlementaire relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséque

    medium_s_levy.jpgUne brève note pour informer que Sébastien Lherbier signale la mise en ligne des archives vidéo de la commission parlementaire. Comme lui, dans la continuité de la précédente note, je vous invite à visionner l’audition de Didier Leschi, responsable du Bureau des cultes au Ministère de l’Intérieur. Enfin, regardez des réactions des parlementaires, qui se renferment à observer les Témoins de Jéhovah avec un dogmatisme sectaire, alors que l’auditionné, s’appuyant sur ces observations et la jurisprudence, invite à considérer les TJ comme une association cultuelle.

     

    Les archives : http://www.lcpan.fr/sommaire_secte.asp

     

    Plus particulièrement l’audition de Didier Leschi du 17 octobre et diffusée le 23 octobre : http://www.lcpan.fr/secte29.asp?tc=000000

     

    Blog de Sébastien Lherbier : Droits des religions.

  • Du caractère diffamatoire de propos visant à dénoncer la dangerosité des pratiques d’un mouvement religieux.

    Dans son édition datée du 23 septembre 2009, le quotidien Le Monde reproduit, au registre des publications judiciaires, le texte suivant : « Par arrêt du 10 juin 2009, la  11ème chambre A de la cour d'appel de Paris a condamné Jean Pierre BRARD à indemniser la Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, à la suite de propos diffamatoires tenus par lui et diffusés dans le journal télévisé de TF1 de 20 H du 20 juillet 2006 ». Cet arrêt, qui annule partiellement le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 11 juillet 2008 et condamne le prévenu à verser un Euro de dommages intérêts à la Fédération chrétienne des témoins de Jéhovah de France, revêt, en dépit de son caractère plutôt confidentiel, un intérêt certain pour le droit des religions.

    Lire la suite sur http://www.droitdesreligions.net