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Rechercher : religion de la santé

  • Tweet de l'UNADFI contre l'Eglise Adventiste: ce qu'il faut comprendre

    L’Eglise adventiste du septième jour en France tire une large partie de son dynamisme de l’Outre-mer. Cependant la Réunion ne se distingue pas comme une terre particulièrement réceptive à l’Eglise adventiste. Sur les 866 000 réunionnais l’Eglise adventiste déclare 1 480 membres. Cela en fait une église extrêmement minoritaire. De plus, l’Eglise adventiste à la Réunion a été marqué par une instabilité et une exposition médiatique négative en raison d'un de ses ex pasteurs interpellé  pour viol et un autre dans une affaire de trafic de drogue. (Voir : 974)

    Cependant, une constante de l’Eglise adventiste du septième jour est un fort investissement dans les structures éducatives. De fait, j’ai souvent noté qu’une des caractéristiques de cette église est une implication majeure dans l’enseignement, l’éducation et la recherche. Il n’y a donc aucune surprise à constater que la représentation réunionnaise ouvre prochainement un établissement scolaire. En France, Outre-mer compris, on compte une dizaine d’établissements allant du primaire au supérieur. Ceux-ci se démarquent par une éducation respectant les contraintes de l’Education Nationale. L’intérêt d’ailleurs est de montrer que les structures sont une valeur ajoutée. Le public d’ailleurs n’est pas uniquement adventiste même si la majorité des élèves et étudiants le sont.
    Au-delà, la SDA a développé un système éducatif qui imbrique toutes ses structures en s’appuyant sur ses universités reconnues mondialement, dont l’essentiel est au USA. J’ai été surpris de remarquer que la SDA en France établit un équilibre entre son imbrication au système éducatif adventiste et les exigences de l’Education Nationale. Il n’est pas arrivé à ma connaissance de situations polémiques, récurrentes, où le Ministère de l’Education Nationale note des insuffisances, des manquements d’établissements adventistes. Il y a parfois des questionnements sur le rapport au sabbat. Mais aucun inspecteur a fait remonter un manque d’application des programmes dans les disciplines. On constate une pleine application des directives de la Direction Générale de l'Enseignement Scolaire (DEGESCO).
    De ce fait, que montre la prise de position de l’UNADFI contre le projet adventiste d’ouverture d’un établissement scolaire à la Réunion ? Indéniablement, l’UNADFI, sans donnée objective, verse dans la stigmatisation de l’Eglise adventiste à la Réunion. Pourquoi n’a ton pas entendu l’UNADFI contre les structures scolaires déjà existantes en Guadeloupe, Martinique, et dans l’Hexagone.? D’autre part, l’UNADFI semble omettre que la faible offre scolaire à la Réunion a pour conséquence un développement des structures privées et celles-ci sont d’abord, comme dans l’Hexagone, massivement confessionnelles. Finalement, l’émergence de ses structures vient combler une offre déficitaire.
    Le tweet de l’UNADFI n’est qu’une illustration de préconceptions sociales sur les groupes religieux minoritaires. Les groupes religieux minoritaires, dans la logique démocratique peuvent être critiqués et souvent fort opportunément. La recherche historique et sociologique invite à constater que les groupes religieux participent à la construction des relations sociales dans le débat. On peut surtout d’ailleurs, en sociologie souligner les tensions entre les groupes et la société globale. Cependant, peut-on émettre, sans aucun élément objectif une alerte sur un groupe religieux ? La réponse est dans la question. Certainement, le fait que l’Eglise adventiste du septième soit extrêmement minoritaire à la Réunion en fait une cible facile. 
    Le tweet de l'UNADFI montre en tous les cas l'obligation d'un travail pédagogique sans concession où la recherche met en évidence les tensions occasionnées par les groupes religieux, leur rapport parfois conflictuel avec la société globale, mais aussi leur contribution au dynamisme social, y compris via l'Education. Cette vision équilibrée sera certainement critiquée et rejetée de nombres, à commencer par l'UNADFI.

  • Grève dans l'enseignement à Tahiti. Petite leçon à partir de la position adventiste

    Tahiti grève, Eglise adventisteTahiti Infos, nous apprend la tenue d'une grève ce 14 mai dans l'enseignement à Tahiti dans le secteur privé . Elle semble très fortement mobilisée. L'article indique le soutien de l'Eglise adventiste mais la non participation de son personnel d'enseignement à cette grève pour des raisons confessionnelles.

    La réponse montre la difficulté pour une organisation religieuse à construire une position dynamique dans la société. En effet, les personnels soutiennent ici la grève, mais n'y sont pas acteur. Etre acteur dans une action protestataire est en effet loin des canons historiques de l'adventisme. Elle a construit une partie de son histoire dans une vision pacifiste sans participation à des mouvements de protestation à caractère "politique" (au sens large).

    Contribuer au changement social, tout en gardant des distances avec ladite société dans son expression politique est un défi. C'est le difficile équilibre que tente de maintenir l'Eglise adventiste du septième jour. Le risque évidemment est de créer des insatisfactions chez les protestataires qui peuvent définir l'Eglise adventiste comme celle qui décroche le "ticket gratuit" selon l'expression sociologique, c'est-à-dire fait défection tout en bénéficiant des apports de la mobilisation des autres. En interne la question de "faire entendre aussi sa voix" commence à poindre sans remoud. Mais certainement, elle reviendra surtout à Tahiti où la problématique identitaire se ravive

  • Prélèvement à la source et dons aux groupes religieux: Le cas de la dîme chez les adventistes (Suite)

    Le prélèvement à la source installe depuis ce mois de janvier de nouveaux repères. Les associations ont interpellés le gouvernement. En effet, elles craignaient que la baisse des revenus nets entraînerait des économies des ménages qui réduiraient les dons aux associations. Pour répondre à cette question le gouvernement a rassuré en indiquant le maintien de la déduction fiscale liée aux dons aux associations. De fait, des ménages perçoivent à compter de ce 15 janvier 2019 un acompte sur les dons qu’ils font aux associations. Plus largement, les instabilités qui se dessinent avec l’impôt à la source dans les groupes religieux, et ici l’Eglise adventiste du septième, ravivent une mise à distance de l’Etat. Mais là n’est pas la question pour l’instant.
    Avec le prélèvement à la source les ménages peuvent avoir l’impression d’une baisse de leur revenu disponible en constatant percevoir un salaire net plus faible ou des pensions de retraites moins grandes. L’inquiétude est simple : les dons vont-ils décroitre ? Toutes les associations (cultuelles, culturelles et surtout humanitaires) le savent : les dons sont des actions particulièrement élastiques au sens des économistes. Cela signifie simplement, qu’une simple variation des revenus, des prix ont des conséquences sur le niveau des dons. Dans l’Eglise adventiste cette inquiétude se traduit concrètement par une crainte d’une baisse des de la dîme (10% des revenus demandés aux membres), des offrandes (des dons libres, dont la proportion par rapport aux revenus n’est pas fixée), et toutes les autres formes légales (legs…). Comme maintes associations, des fédérations d’églises adventistes mènent des évaluations sur les pertes éventuelles de dons.
    Avec la pratique de la dîme la crainte est de voir une diminution d’une ressource essentielle de ressources pour financer le développement adventiste et son personnel. En ce sens, la Fédération France Nord (F.F.N) a réalisé une vidéo pédagogique qui fait polémique. Elle rappelle en bref que la mise en place de l’impôt à la source n’impacte pas le niveau des dons à réaliser (VOIR MA PRECEDENTE NOTE). La vidéo trahit une inquiétude sur le maintien des revenus de la F.F.N. Les détracteurs se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, pasteurs compris, pour dénoncer la priorisation de la sécurisation des revenus de la structure adventiste au détriment des difficultés que vivent économiquement les adventistes. Il faut dire que dans la forme, l’unique insistance sur la démonstration visant à dire aux membres de continuer à payer le même niveau de dîme, dans un groupe religieux, généralement le jour de l’office hebdomadaire, le samedi, n’a certainement pas été conçue avec habilité. Une bonne cellule de communication aurait anticipé les incongruités.

    Les inquiétudes, maladresses et réactions réinterrogent sur la relation aux dons et à l’impôts dans les communautés religieuses. (Il faudra vraiment élargir au rapport à l’Etat). Les membres qui déclaraient l’ensemble de leurs dons reçoivent comme tous des ménages qui faisaient des dons aux structures religieuses culturelles et humanitaires, des crédits d’impôts calculés sur la base des dons réalisés et déclarés par les ménages en 2018. Ils ont donc une avance fiscale encourageant à maintenir le niveau de la dîme dans le cas adventiste, à condition de n’avoir pas connu de changement de situation. Quid de ceux qui : commencent à faire des dons en 2019 ? Et ceux qui ont fait des dons en 2018 mais ont quitté l’Eglise adventiste ou ne font plus de dons simplement ? Ceux qui ont changé de situation ?... Ces questions reviennent du terrain adventiste et dans toutes les associations qui reçoivent des dons.
    En grande partie les dons se réalisent en espèces, avec une faible traçabilité individuelle. Les membres ne demandent pas de tickets quand ils déposent quelques euros à l’instar d’un catholique laissant quelques pièces à l’Eglise ! Et c’est logique. Cette partie des dons et plus va peut-être connaître une variation momentanée. Toutes les études convergent pour montrer que sur le long terme les niveaux de dons devraient se maintenir, sauf changement structurel.
    La polémique (VOIR L'AUDIO A LA FIN DE LA PRECENTE NOTE) sur la vidéo adventiste pour le maintien du niveau de la dîme avec le passage au prélèvement à la source traduit finalement, outre la polémique interne à la SDA, un véritable questionnement sur les formes de dons. Comment moderniser les dons ? Doivent-ils encore être principalement financiers ? La dîme est-elle, malgré sa légitimation théologique, un don qui doit évoluer ? S’il fallait faire une vidéo, c’est bien que les individus sur ce dernier point prennent beaucoup de largesses avec la dîme ! D’ailleurs, et c’est ce qui commence à remonter du terrain, des membres (dont nombres se sentent gilets jaunes) remettent en cause le caractère « obligatoire » de la dîme. Et surtout, dans quelles mesures les dons réalisés à l’Eglise, la dîme et les autres, peuvent-ils très concrètement bénéficier aux membres en particuliers les plus pauvres ? La question est récurrente et présente dans la critique : comment demander 10% à des membres de tout ce qu’ils gagnent, alors que ces mêmes membres n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins ? La réponse idéologico-naïve est d’indiquer aux individus qu’ils doivent prier, payer la dîme et espérer une solution divine en réponse à leurs efforts personnels.

    La vidéo pédagogique de la F.F.N a oublié, et c’est extrêmement surprenant, que le don en particulier financier a une définition bien plus large que dans l’ensemble de la société. Un individu adventiste ne fait pas que donner une partie de ses revenus pour le développement de l’Eglise ou pour une déduction fiscale. Les interviews le montrent sans détour, il s’agit d’un don très engageant où les individus finalement se donnent en partie. C’est peut-être pour cela que des réactions internes sont vives et dures. A la décharge des responsables, il est très difficile en France et surtout dans un groupe religieux d’aborder de manière décomplexée les contraintes budgétaires. 

  • Prélèvement à la source et dons aux groupes religieux: Le cas de la dîme chez les adventistes (1)

    Le prélèvement à la source est source de grandes inquiétudes dans les associations et donc dans les groupes religieux également. Dans le cas adventiste ou la dîme est pratiquée elle a donnée lieu à l'action pédagogique de la Fédération France Nord au travers d'une vidéo, soulignant que le prélèvement à la source n'impacte pas le niveau de la dîme. Les réactions ont été vives et à ciel ouvert. Dans cette première note, je vous laisse prendre acte du débat, puis j'en ferai un léger commentaire dans la note suivante.


     

    Réaction d'un pasteur très révélatrice de la perception des membres
    podcast

     

     

  • Déjà un nouveau livre en chantier sur l'Eglise adventiste du septième jour.


    shutterstock_248312674.jpgMon dernier livre sur l'Eglise adventiste du septième jour (SDA), Regards à croisés sur l'Eglise adventiste du septième joura été une expérience enrichissante. Couplé à l'écriture d'une entrée sur la SDA pour un Atlas des religions, je suis arrivé à la conviction qu'il est nécessaire d'écrire une livre global sur la SDA. Les éditeurs en sont qu'enchantés sachant qu'il ne s'agira pas d'obtenir un prix.

    En relisant des archives je me suis rendu compte de liens entre l'histoire de la SDA, la critique du libéralisme économique dès la fin du XVIIIe et surtout une filiation empathique, indirecte avec les vaudois. William Miller, autodidacte a en effet "touché" à des influences éclectiques. Il faut être conscient de cela pour comprendre les fondamentaux du Millérisme et de l'adventisme, en particulier du septième jour. Ces constats seront dans mon prochain livre. 

    Un volet de mon livre à venir sera une nouvelle lecture de l'histoire de la SDA en tentant de ne pas l'enchanter. En effet, c'est le défaut de nombreux travaux car, du ton de leur écriture à la réalité des sources, des phases romancées de l'adventisme sont établies. Comment sans source par exemple, un auteur retrace des échanges, des dialogues tenus par les protagonistes? Trop souvent les travaux ne font que reprendre des redites d'auteurs adventistes. Il ne s'agit pas de dire que ces sources sont mauvaises, mais qu'elles doivent être approchées comme des travaux internes de la SDA à corréler. Et si ce n'est pas possible comme souvent, il faut l'indiquer, sachant que souvent ce sont des travaux de grande qualité. En fait, il est facile de romancer l'histoire en voulant être pédagogue. Cette romance fait que l'on avance plus dans la mémoire que dans l'histoire. A ce jour j'ai compilé suffisamment d'informations pour faire les liens froids, historiques pour présenter des liens forts, minimisés qui existent dans l'histoire de la SDA. Et j'indique que finalement la réalité historique est reconstituable entre la mémoire et l'Histoire. Cette réalité reconstituée pousse à poser que les fondements idéologiques de la SDA ont des liens (positifs ou négatifs) avec les vaudois. J'en dirai plus dans le livre. D'autre part, les fondements de l'adventisme ne sont pas sans lien également avec les théories économiques, notamment celle sur le revenu minimum universel posé par les tribus amérindiennes et conceptualisées par Thomas Pain, lu par Miller.

    Que retenir déjà: la nécessité de poursuivre les travaux historiques sur la SDA est le premier impératif de mon futur livre. Il sera la base des autres impératifs et axes dont je vous tiendrai informé.

  • L'histoire du Sabbat (1), par Jean Luc Chandler

    1095806759.jpgJoseph Bates est le champion du sabbatisme au sein de l’adventisme. Entre août 1846 et janvier 1849, il publie quatre fois le livre, Seventh day Sabbath, augmenté à chaque nouvelle édition. Dans l’esprit des baptistes du septième jour, le sabbat est simplement le jour correct d’adoration mais pour l’adventiste Bates, il est bien plus que cela. C’est un jour de joie, d’actes de bienfaisance, un mémorial de la création, une fête de la famille, un avant-goût du ciel, une vérité biblique à restaurer et un élément clé de la trame prophétique. Pour lui, l’histoire et la théologie sont indissociables. Cette approche influencera les études des chercheurs adventistes sur le sabbat. Elle aboutira à trois observations historiques et à une perspective eschatologique. Nous présentons ici un résumé très compact des recherches entre 1846 et aujourd’hui.

    Le changement du jour du repos

    La première observation historique des chercheurs adventistes est que la pratique chrétienne générale du sabbat a progressivement été abandonnée après la mort des apôtres. Citons quelques ouvrages de référence  : History of the Sabbath de John Andrews, Du sabbat au dimanche de Samuele Bacchiochi, ou The Sabbath in Scripture and History de Kenneth Strand.
    L’historien Flavius Josèphe a indiqué que les sabbatistes (les Juifs et les chrétiens) étaient disséminés à travers tout l’empire romain. Après la mort des apôtres, des chrétiens ont cherché à se dissocier des Juifs. Pour une raison toute simple ! Entre l’an 66 et la moitié du II ème siècle, l’Empire romain a mâté plusieurs révoltes juives dans le sang. Ne faisant aucune distinction entre les Juifs et les chrétiens, les autorités romaines (généralement tolérantes envers les religions) les ont persécutés. La méprise est facile : les deux groupes observent le sabbat, ils ont les mêmes pratiques alimentaires, ils refusent de vénérer les idoles, d’offrir de l’encens aux autels dédiés au culte de l’empereur et de proclamer que « César est seigneur ». Par contraste, seul « le Christ est Seigneur » est le cri de ralliement des chrétiens.   
    Ignace, l’évêque d’Antioche en Syrie, a rapporté que pour se démarquer du Judaïsme et se rendre plus acceptables aux yeux des autorités romaines, les dirigeants chrétiens de Rome et d’Alexandrie ont transferré le culte de leurs assemblées du septième au premier jour de la semaine – appelé le dies solis, « le jour du soleil », chez les romains – vers l’an 115. Ce changement local va paver la route aux empereurs romains pour introduire un changement général deux siècles plus tard.
    Les persécutions n’ont fait qu’accroître le nombre des chrétiens dans l’Empire. Selon Tertullien, un père de l’Eglise, « le sang des martyrs est une semence pour l’Evangile ». Aussi l’empereur Constantin décide de changer de tactique. En 313, il déclare le christianisme une religion légale. Il offre le soutien du trône et l’argent du Trésor public aux chrétiens. En 321, il va plus loin. Il promulge le dies solis à la place du sabbat comme le jour chrétien de repos, une habile manoeuvre politique pour s’assurer la double allégeance des chrétiens et des païens. Il n’y a plus de choix de seigneurie, Christ ou César, mais à la place un compromis alléchant : Christ et César.

    Après deux siècles de controverses et d’observations de deux jours de repos durant la semaine, d’une transformation du sens du sabbat par des jeûnes répétés et imposés le samedi – ce que les premiers chrétiens et les Juifs n’ont jamais fait - pour en faire 24 heures de tristesse, et non de célébration des oeuvres de Dieu, l’observation du sabbat disparaît progressivement chez la plupart des chrétiens au début du VI ème siècle. 

     

    L’adoration universelle du Dieu-du-ciel
    La seconde observation, historico-anthropologique, est que l’adoration du Dieu unique a été universelle aux débuts de l’humanité. Les anthropologues feront la même constatation – mais peu voudront l’avouer - que les missionnaires chrétiens, à savoir que « 90% des religions tribales dans le monde sont imprégnés de présuppositions monothéistes » (Don Richardson, L’éternité dans leur coeur, p.49). Les chercheurs chrétiens, qui acceptent l’historicité des récits de la Genèse, concluent que l’adoration universelle d’un Être suprême a déviée et a dégénérée, après l’épisode de la tour de Babel et la dispersion mondiale qui suivit, vers celle de la nature (le panthéisme), ce qui a conduit au culte des éléments naturels (le polythéisme) comme le ciel, la terre, la mer, le soleil, les étoiles, les rois ou les héros de l’antiquité.  
    On retrouve une constante dans de nombreuses cultures : l’existence d’une divinité primitive, le plus souvent appelée « le Dieu-du-ciel », qui a les mêmes attributs que le Dieu de la Bible : un Créateur de toutes choses, éternel, omniscient, omnipotent, compatissant et juste. Comme dans la Bible, certaines tribus l’appellent « l’Eternel ». Dans une recherche, reconnue pour sa qualité, sur les cultures dites « primitives » comme les tribus amérindiennes, aborigènes ou africaines, l’anthropologue Wilhelm Schmidt a compilé durant la décennie 1930 tous les « allias du Tout-Puissant » dans le monde. A sa stupéfaction, il a dû écrire six livres et 4500 pages pour les détailler tous. Depuis, plus de mille autres exemples ont été découvert. Un fait embarrassant pour les penseurs rationalistes – et mis sous silence ! Car il dément la théorie qui affirme, à l’instar du récent roman Abraham de René Guitton, que le patriarche a inventé Dieu.

             

    La préservation du sabbat
    La troisième observation, historico-anthropologique, soutient que les récits des évènements antérieurs à la dispersion mondiale (Genèse 11.8-9) ont été préservés dans de nombreuses cultures à travers le monde. Des centaines de traditions du monde entier rapportent l’histoire de la création et du déluge sous des formes déformées et corrompues par le panthéisme et le polythéisme des religions locales.
    Les chercheurs chrétiens concluent que ces récits bibliques ont été transmis par Noé aux post-diluviens. Dans certains cas, leur transmission originale est pratiquement restée intacte. Dans l’ouvrage Genesis and the mystery Confucius couldn’t solve, Ethel Nelson et Richard Broadberry décrivent le déchiffrage des premiers scripts chinois. A leur surprise, ils découvrent que l’écriture chinoise a été inventée pour consigner l’histoire des évènements rapportés dans Genèse 1-9, un livre probablement écrit par Moïse sept siècles plus tard. Les pictogrammes racontent la création du monde, la chute, la promesse d’un Sauveur et le déluge dans les mêmes termes que la Bible. Le nom ShangTi, l’unique divinité en Chine lors de sa fondation en 2205 av.JC (deux siècles avant Abraham !), est phonétiquement similaire à El Shaddaï, un des noms hébreux de Dieu, notamment dans le dialecte cantonnais qui le prononce ShangDaï.

    Les chercheurs adventistes notent que le sabbat a été mondialement préservé à travers les siècles. Des ouvrages comme The Almost Forgotten Day de Mark Finley ou Sabbath Root de Charles Bradford par exemple l’attestent abondamment.
    En Asie, des gens ont observé le sabbat pendant des siècles, notamment en Inde, en Perse (l’Iran) et en Chine. Les chrétiens de St. Thomas, les Nestoriens, les Jacobites, les Maronites, les Arméniens et des Kurdes étaient connus pour leur sabbatisme. En Inde, des moines bouddhistes du III ème siècle ont été  sabbatistes. Au XIX ème siècle, les Taipings de la Chine ont affirmé que leur observation du sabbat remontait à l’époque de leurs ancêtres. Selon un proverbe chinois, le sabbat est un mémorial : « le septième jour qui revient ».
    A travers l’Afrique, de nombreux peuples ont observé le sabbat (parfois jusqu’à aujourd’hui), au moins depuis l’époque de Salomon, qui l’a transmis lui-même à la reine de Saba, et donc à l’Ethiopie via l’Arabie. L’Eglise chrétienne d’Ethopie est le seul groupe chrétien dans le monde à avoir observé le sabbat sans discontinuer de l’époque des apôtres à aujourd’hui. Les Abyssiniens, les Falashas d’Ethiopie, les Akans et les Ashantis du Ghana, les Yorubas du Nigéria ou les Coptes d’Egypte et d’Ethiopie, étaient réputés pour leur sabbatisme. Au point qu’Onyamee, le Dieu-du-ciel des Akans, signifie « le Dieu du samedi ». Certains esclaves africains déportés aux Amériques et en Arabie étaient des sabbatistes.
    En Europe, plusieurs groupes chrétiens ont été sabbatistes, notamment les Celtes, les Pasaginis, les Vaudois, les Bohémiens et les baptistes du septième jour. A différentes périodes de l’histoire chrétienne, le sabbatisme a touché la Grande-Bretagne, l’Irlande, la France, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, la Scandinavie, la Grèce, la Russie et la Hongrie.
    Aux Amériques, bien avant les voyages de Christophe Colomb, Maniilaq, le chef d’une tribu de l’Alaska, a converti tous ses sujets au sabbatisme après avoir reçu des visions sur le sabbat, la nouvelle terre et la venue glorieuse future de « Celui-qui-est-d’En-haut ». Ce fait est attesté dans les parchemins de la Compagnie commerciale de la baie d’Hudson et la tradition orale amérindienne. Pendant plusieurs siècles, les Sioux, les Cheyennes et d’autres tribus amérindiennes se sont transmis la prédiction que le Créateur viendra purifier la terre. Aux Etats-Unis, le comte Nicolas de Zinzendorf, le fondateur de l’église morave, a dirigé sa congrégation sabbatiste de Bethléhem en Pennsylvanie.    

                                       
    Une vérité à restaurer
    Joseph Bates est le premier sabbatiste qui présente une perpective eschatologique du sabbat. Il en est profondément convaincu : Dieu a préservé la Bible et les vérités oubliées comme le sabbat d’une totale disparition et de toutes les attaques. Il a mis tout en oeuvre pour disséminer sa connaissance dans le monde. Salomon indique que Dieu « a implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité » (Ecclésiaste 3.11). Plus tard, Ellen White affirmera que des « parcelles » ou des « gemmes précieux » de vérité ont été préservés dans de nombreuses cultures mais qu’une connaissance complète de Dieu sera proclamée partout dans le monde durant le temps de la fin.
    A la lecture d’Apocalypse 12.17-14.13, Bates conclut que toutes les vérités bibliques seront restaurées avant le retour de Jésus. Que le sabbat sera au coeur du débat : « A qui doit-on donner son allégeance ? A Dieu ou à l’homme ? » Avec l’énergie qui le caractérise, Bates s’efforcera de présenter ce message. D’abors aux millérites. Puis au reste du monde.

  • L'adventisme aux Antilles, une Eglise normative (I)

     

    Copie de DSCF0004.JPGVous êtes quelques-uns à avoir réagit négativement à la dernière note, par mails. Des adventistes antillais m'indiquent qu'ils ne sont pas d'accord avec cette affirmation que j'écrivais , même s'ils partagent l'idée. « Dans les publications antillaises se sont essentiellement des points de doctrines qui sont présentés pour par la suite conduire le membre à adopter une conduite bien déterminée. Il y a là une différence fondamentale dans l'éthique, l'épistémologie même des publications antillaises et hexagonales. La connaissance est édictée dans les publications antillaises, alors qu'elle est proposée dans la Revue Adventiste présente dans l'Hexagone ». En fait c'est simplement la différence avec l'hexagone que je mets en évidence qui surprend mais pas l'analyse des publications adventistes aux Antilles. C'est l'occasion de vous livrer deux notes sur l'adventisme antillais, que je qualifie de normatif. J'entends par là que l'adventisme aux Antilles se concentre essentiellement sur l'affirmation des normes du groupe. Le retour réflexif sur ces derniers ou sur des questions sociales n'est pas une perspective importante chez les dirigeants (ce n'est pas le cas chez les membres).

     

     

    DSCF0133.JPGPremièrement, il ne s'agit pas de dire qu'il y a une Revue meilleure que l'autre. Je constate simplement que les publications adventistes aux Antilles en direction des membres ont une expression plus normative. Elles se veulent comme des lieux où les règles du groupes sont rappelées, défendues, promues, et surtout mis en perspective avantageusement avec les normes de la société globale (antillaise évidemment). Ce n'est pas une critique mais une simple constatation.
    Deuxièmement, ce constat doit être compris en comprenant la relation qu'entretien l'adventisme avec la société antillaise aux Antilles. Un véritable décalage entre valeurs adventistes et valeurs antillaises existe et se traduit par une méfiance permanente vis-à-vis des normes de la société. Je développe ce point dans un ouvrage à paraître, dirigé par Bruno Duriez, Raphaël Liogier et Claude Dargent, dont le titre est Valeurs et religion, Mais rien n'est figé. Les adventistes antillais filtrent, ouvertement ou discrètement les interdits. J'en veux pour illustration la place de la musique et des danses dans les mariages adventistes. La règle énoncé est la sobriété voire l'interdit. En France cela peut apparaître comme incongrue. Mais la danse aux Antilles sous quelques formes s'écarte de la probité que veut développer l'adventisme.

    DSCF0025.JPGTroisièmement, les Antilles demeurent une terre où la concurrence religieuse est très vivace. Cela pousse à une véritable surenchère morale et à des stratégies évangéliques (ou prosélytes) que l'on n'imagine pas en France, mais qui correspondent à la réalité locale.
    Quatrièmement, l'adventisme bénéficie d'une reconnaissance sociale importante. Le groupe est connu et reconnu. Une véritable respectabilité adventiste existe globalement. De fait, le groupe, veille à garder et amplifier celle-ci.
    Ceci est visible dans les publications adventistes, les prédications, les politiques des dirigeants et le regard que les adventistes ont sur leur Eglise et la société antillaise.
    DSCF0060.JPGL'adventisme aux Antilles se veut exigeant. Plus qu'en France l'adventisme antillais se veut un espace de "virtuoses ascétiques", c'est-à-dire une église formée de "confessants", entendons par là d'individu avec un haut niveau de pratiques. C'est ce que l'on retrouve dans le ton des publications adventistes antillaises. Mais cela n'est pas sans conséquence dans les liens avec la société globale... Cela nous le verrons dans la prochaine note.

  • Les influences protestantes dans l'adventisme (JL Chandler)

    Culte protestant.jpgDésolé. Beaucoup me demandent de garder le rythme du blog. C’est le moment d’enchainer avec vous, pour vous, les notes historiques de Chandler. Durant quelques jours elles se succéderont autour de divers thèmes. Pour l’instant Jean Luc Chandler vous propose une réflexion autour des liens historiques entre l’adventisme et le protestantisme. Voilà qui débute bien une série de réflexion durant les fêtes de fin d’année.

    LES INFLUENCES PROTESTANTES DANS L'ADVENTISME

    croix_protestantisme.jpgAu milieu du XIXe siècle, rien n’est plus banal que le millérisme et l’adventisme au sein du paysage protestant. Les deux groupes n’ont pas surgi soudainement comme une nouveauté, comme une sorte de génération religieuse spontanée, mais à partir de la matrice originelle du protestantisme, qui a inspiré tous leurs mouvements de pensée. En 1850, les méthodistes (34% des chrétiens américains) et les baptistes (20%) sont d’assez loin les groupes religieux les plus importants des Etats-Unis mais les adventistes font aussi appel à d’autres traditions protestantes qui ont traversé l’Atlantique, de l’Europe à l’Amérique du nord, quand ils établissent leurs bases doctrinales.

    1. L’héritage de la Réforme
    Comme les millérites, les adventistes se considèrent des héritiers de la Réforme protestante. A quelques détails près, ils acceptent les doctrines emblématiques formulées par Martin Luther sans sentir le besoin de les discuter. 1 Sola Scriptura : la Bible est la seule autorité en matière de foi, et non la tradition de l’Eglise. 2 Sola gratia : nous ne sommes pas sauvés par nos actions ou par celles de d’autres personnes mais seulement par la grâce de Dieu qui est complètement imméritée. 3 Sola Christos : nous sommes sauvés uniquement par le sacrifice volontaire de Jésus-Christ qui s’offrit en substitut à la place des pécheurs (cette notion, nous l’avons observé, tous les adventistes à l’époque ne la comprennent encore clairement). 4 Sola fide : la grâce de Dieu est accordée seulement par la foi. 5 Sola sacerdos : tous les chrétiens sont des ministres de l’évangile, c’est-à-dire au service de Dieu. Certains dirigent la communauté religieuse, mais tous font partie du laos (le peuple de Dieu), un terme qui a donné le mot français « le laïcat ». A part cela, comme Luther, les adventistes adhèrent au mode d’interprétation historiciste des prophéties et à la doctrine du « sommeil » de l’âme dans la mort.

    2. Le biblicisme connexioniste
    L’historien Mark Noll observe : « Au début du XIXe siècle, les Américains transforment le premier cri de bataille de la Réforme, « la Bible seulement », en un appel distinctement américain – « la Bible est notre seul credo » » (A History of Christianity in the United States and Canada, p.151). Concrètement, cela se traduit par l’étude personnelle de la Bible – autrement dit, sans le passage obligé d’un magistère pour l’interpréter - et surtout par le refus de figer les enseignements des Ecritures dans des formules doctrinales (définitives). La connexion chrétienne, dont Josiah Himes, Joseph Bates et James White sont des anciens membres, insiste beaucoup sur cette idée. Gerald Wheeler appelle le connexionisme, « le premier mouvement religieux indigène des Etats-Unis » (James White, p.29). Willer Miller et Ellen White font aussi écho à Martin Luther quand ils proclament que « la vérité est progressive ». La Bible est le produit d’un Esprit infini. Sa compréhension – notamment prophétique – est en expansion continuelle : « Une multitude alors cherchera, et la connaissance augmentera » (Daniel 12.4). D’où la répugnance des adventistes à s’enfermer dans un corset doctrinal trop rigide. Ils estiment qu’ils n’ont pas fini de découvrir, d’apprendre, d’approfondir et d’affiner leur compréhension des Ecritures.

    3. L’érudition puritaine
    Musée du protestantisme.jpgAu milieu du XIXe siècle, les Etats-Unis sont religieusement morcelés en régions. L’Eglise anglicane est implantée en Virginie, dans les Carolines, le Maryland et la Georgie. Les Quakers et les Moraves habitent en Pennsylvanie. Les Presbytériens résident dans le Maryland, la Caroline du nord et l’état de New York. Les baptistes sont dispersés dans le Massachussetts, et dans une mesure moindre un petit peu partout, notamment dans les états du sud. Les millérites et les adventistes sont établis dans la Nouvelle-Angleterre où la culture puritaine est encore très présente. Celle-ci a un goût prononcé de l’exposé biblique durant les réunions religieuses, en contraste avec la liturgie élaborée des anglicans, la spontanéité des quakers ou le partage communautaire des baptistes.
    Le puritanisme démarra au XVIe siècle par un désir de réformer et de purifier l’Eglise d’Angleterre. Remplis de zèle, les puritains exprimèrent avec force leurs convictions et introduirent en contrebande la première traduction anglaise de la Bible – écrite par William Tyndale. Ils furent les premiers protestants étatsuniens. Ces intellectuels solides démarrèrent des universités – aujourd’hui prestigieuses (comme Princeton ou Yale) – pour inciter les masses à étudier les Ecritures. En 1636, ils fondèrent l’université Harvard, la première grande école des Etats-Unis, en l’honneur du pasteur puritain John Harvard. La devise de l’institution, Veritas, résume leur quète de vérité et leur tradition d’étude individuelle de la Bible. Les adventistes doivent aux puritains la passion de l’éducation et de la recherche biblique, la simplicité du culte d’adoration, l’emphase sur la piété personnelle et la modération en toutes choses.

    4. Le confessionalisme anabaptiste
    Au milieu du XIXe siècle, les dénominations protestantes américaines sont des congrégations de confessants (par un engagement libre et consenti). Les assemblées multitudinistes (par le baptême des nouveaux-nés) sont des espèces en voie de disparition. Pour la population, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et le choix libre de ses croyances vont quasiment de soi. La constitution américaine le garantit, une disposition unique au monde à l’époque. Les anabaptistes – un courant de la Réforme qui prit naissance en Suisse en 1525 avec l’objectif affiché de restaurer le christianisme primitif – furent des fervents promoteurs du principe. Ceux-ci se dispersèrent en Europe occidentale, notamment en Belgique et dans l’est de la France, et aux Etats-Unis. De manière directe (chez les baptistes et les mennonites par exemple) ou indirecte, la religiosité anabaptiste s’établit sur l’ensemble du protestantisme américain. Et pas moins sur l’adventisme qui lui doit ses croyances de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, du baptême des adultes par immersion, de la relation engagée avec Christ, du principe de la liberté religieuse, et de l’adhésion volontaire et non violente aux croyances de son choix.

    5. Le revivalisme piétiste
    baptême.jpgAu milieu du XIXe siècle, une des caractéristiques distinctives de la religiosité protestante étatsunienne est le revivalisme. Inspiré par la piété pratique des puritains, Philipp Spener lança en 1675 un esprit de réveil parmi les luthériens allemands. Son objectif était de raviver le christianisme en alliant la religion du cerveau (la connaissance biblique) à la religion du coeur (la dévotion personnelle, l’amour du prochain, les actes de bonté). Les doctrines correctes, le simple assentiment à la vérité, n’étaient pas tout. Sans une relation personnelle avec Christ, sans une foi vivante qui créait un impact concret sur l’individu, cette connaissance était asséchante et froide. Dans leurs prédications, les piétistes – appellés ainsi à cause leur piété – s’efforcèrent de toucher l’intelligence, le coeur et la vie de leurs auditeurs. Ils plaçèrent l’accent sur la nouvelle naissance spirituelle, la transformation intérieure, la piété individuelle et l’abandon des plaisirs mondains. « Si quelqu’un ne naît pas de nouveau, il ne peut voir le règne de Dieu » (Jean 3.3) était leur texte phare. Le piétisme produisit directement (chez les moraves par exemple) ou indirectement (chez les méthodistes) une influence majeure sur le protestantisme américain. Il a transmit aux adventistes les principes de l’étude sincère et approfondie de la Bible, de la vie de prière, du christianisme pratique, de la tolérance, de la bienveillance envers les incroyants, et la doctrine de la sanctification par la foi.

    Des doctrines prises pour acquises
    baptême tobago.jpgTous les Américains sont très attachés à ces principes religieux qui forment la fabrique du protestantisme et de la République aux Etats-Unis. Faut-il donc s’étonner de ce fait remarquable ? Durant la formation de leurs doctrines, les adventistes examinent de près les découvertes bibliques mais acceptent sans grande discussion les croyances glanées chez les cinq traditions protestantes sus-mentionnées. Par concensus tacite, elles s’imposent à eux comme des évidences bibliques et des acquis doctrinaux du protestantisme. Cette approche est un peu à leur détriment. Car elle ne sera pas sans créer quelques problèmes par la suite. En prenant l’étude approfondie de certains sujets pour acquise, ils se trouveront parfois inopinément confrontés à des imprécisions et à certaines compréhensions théologiques imparfaites insoupçonnées. C’est le cas, nous le verrons, de l’écclésiologie (la doctrine de l’Eglise) qui surgira brusquement sur leur radar durant la décennie 1850.

  • Créatifs culturels et imbrications chez les adventistes du septième jour

    créatifs culturels,paul rayL’expression de « créatifs culturels » est une proposition popularisée par Paul Ray. Groupe théorique, dont la conscience d’appartenance est relative ou inexistante, il est composé d’individus qui œuvrent pour le changement de valeurs sociales. Certains s’organisent en groupes de pressions, mais la grande majorité des créatifs culturels sont des isolés, dans leurs actions, pratiques, voir croyances. Ils sont des avant-gardistes de l’évolution de la société. Les créatifs culturels ont été formalisé par Ray autour de quelques points généraux que sont :

    • Le développement personnel,
    • Le développement durable avec la prise en compte des variables économiques, écologiques et sociales,
    • L’intégration de valeurs féminines,
    • L’implication de valeurs solidaires, humanitaire pour la construction d’un meilleur espace social.

    Certains créatifs ont une influence spirituelle. Ils forment l’essence sociographique de ce mouvement. D’autres, sont moins influencés par le spirituel. Les spiritualistes sont des descendants d’une multitude de mouvements voulant la réforme de la société. Mouvements utopistes, religieux, réformateurs, hygiénistes, déistes, communistes, libertariens… sont des influences non exhaustives.

    Les créatifs culturels sont de plus présents dans la société. Certainement parce que le terme est vaste et le borné est un véritable problème. Aujourd’hui les études les évaluent dans une définition élargie à 35% de la population. L’importance de ce chiffre doit appeler la critique car il fait de ce groupe une grande population où les traits communs sont extrêmement discutables. Il faut dire que la définition théorique a pour désavantage de faire entrer des individus dans un groupe avec la violence de la théorie ! Mais plus vraisemblablement, la montée du rejet des valeurs mercantiles et la recherche d’une quête de sens, de solidarités, expliquent la hausse de créatifs culturels.

    La Californie est un terrain où il y a le plus de créatifs culturels. Que ce soit sur le monde de vie, les innovations technologiques ou le choix d’une rupture avec l’ensemble de la société, la Californie en alliant modernité et la critique permanente de celle-ci, est un laboratoire vivant des créatifs culturels. Également lieu de forte présence adventiste, il n’est donc pas surprenant de constater des passerelles entre adventisme et créatifs. D’une certaine manière, en voulant être un mouvement de prou du changement social par ses valeurs hygiénistes, son investissement dans les formes de solidarités humanitaire, sa participation à lutte de la promotion de la liberté de penser, sa méfiance envers l’Etat centralisateur… l’Eglise adventiste du septième jour offre au créatifs culturels un cadre de développement.
    Dans sa thèse Les formes d'adhésion au discours sur les « Créatifs Culturels » Approche sociologique de la diffusion d’une croyance dans le « capitalisme vert », soutenue le 20 juin 2017 Gwennhael Blorville retrouve des créatifs culturels dont la socialisation s’est réalisée dans un cadre fortement structuré par l’Eglise adventiste du septième jour. Pas surprenant, puisque l’histoire de l’Eglise adventiste du millérisme à aujourd’hui, est traversée de réforme invitant à une rupture rationnelle avec la société. Que ce soit le goût au sein de l'adventiste  pour un meilleur développement personnel, une critique de la société de consommation, la prévention pour une meilleure santé, la formation scientifique pour un esprit critique, le débat actuel dans l'adventisme sur la place de la femme… tout cela dans une vision spirituelle qui donne du sens aux rapports sociaux et à l’Histoire, font de l'Eglise adventiste du septième jour, un groupe certainement pourvoyeurs en créatifs culturels.

    La notion de créatifs culturels s’est extrêmement élargie. La surenchère les évaluant à 35% de la population illustre ce glissement vers une mode, une popularisation massive. Des auteurs se proclament portes paroles des créatifs culturels alors qu’il s’agit par définition d’un groupe théorique et éclectique. Le mot est même devenu aujourd’hui un synonyme bobos réformateurs. C’est bien dommage. Toutefois, il montre que les groupes religieux influencent des mouvements constitués et ici non constitués formellement pour un changement social. Finalement, n’est-ce pas un objectifs du religieux ? La réponse est dans la question.

  • L'ONU met la Polynésie sur la liste des territoires non autonomes

    ONU, Polynésie Française, Autodétermination, IndépendanceCe vendredi 17 mai l'ONU a intégré la Polynésie française dans la liste des territoires non autonomes. Contrairement à ce qui est annoncé partout à chaud il n'y a rien d'exceptionnel dans cette démarche. Certes, pour les polynésiens c'est bien plus qu'un symbole. La France a déjà vigoureusement marquée son désaccord.

    La liste existe depuis 1946. Elle doit être perçue au travers des gènes constitutifs de l'ONU. A la fin de la deuxième guerre mondiale, près de 750 millions d'individus vivent dans des régimes politiques coloniaux. L'ONU pointe du doigt cette anomalie, terreau fertile pour de nouveaux conflits armés. En 1960, période marquée par les débats et mouvements décoloniaux l'ONU adopte une Déclaration sur « L'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ». Dans celle-ci, elle se considère comme un moyen d'aider le mouvement vers l'indépendance dans les territoires sous tutelle et les territoires non autonomes. La hantise de voir de nouveaux conflits est bien l'arrière plan de cette Déclaration. D'ailleurs l'Assemblée note qu'il y a un important risque d'avoir des « conflits croissants qu'entraîne le fait de refuser la liberté à ces peuples ou d'y faire obstacle, qui constituent une grave menace à la paix mondiale ».

    Nombreux territoires sont à l'époque concernés. Cette liste de territoires où le droit à l'autodétermination n'est pas reconnu s'est allongée depuis sa création. Des espaces comme Gibralta, les Bermudes ou le Sahara occidental. Concernant la France, la Polynésie rejoint La Nouvelle-Calédonie.

    ONU, Polynésie Française, Autodétermination, IndépendancePar définition cette liste pointe les anciennes puissances coloniales et est un témoin des conséquences politiques de décolonisations inachevées. Au total 16 territoires sont spécifiés par l'ONU.

    Cette liste est historiquement un marqueur objectif sur les conquêtes des libertés. Cependant elle ne doit pas être assimilée à une liste pour l'indépendance de peuples. C'est là le problème dans la lecture relayée dans l'actualité. L'ONU établie cette liste pour encourager l'autodétermination des peuples. Cette autodétermination peut conduire à l'indépendance. Aujourd'hui, en pleine crise économique, instabilités politiques et défiances envers les politiques, tout pense à croire que l'autodétermination de nombreux peuples conduiront à un refus de l'indépendance.

    Soyons précis ; l'autodétermination est la consultation des peuples sur leur choix de rester sous la tutelle d'un pays tiers. Cette consultation peut entraîner plusieurs perspectives : (1) garder le lien actuel, (2) le faire évoluer tout en le gardant ou (3) s'affranchir en devenant un nouvel Etat. L'analyse des opinions dans les territoires français concernés, y compris dans les autres susceptibles de l'être (notamment les DOM) démontrent que les peuples veulent une reconnaissance de leur statut de peuple et non une indépendance politique. La différence est importante. Les spécificités culturelles, historiques, sociales oui. L'indépendance non. C'est, je crois, la confusion, entre ces deux éléments, qui renforce une lecture orientée de la Résolution. Les esprits chagrins, populistes et souvent médiatiques concluront à une envie d'indépendance. Ils n'hésiteront pas à indiquer que les territoires français éloignés coûtent très chers à la France. Ce qui est extrêmement faux et doit être vérifié car tout dépend de ce que l'on veut bien compter.

    ONU, Polynésie Française, Autodétermination, IndépendanceEn un mot, l'ONU par sa résolution a simplement mis à jour une ancienne liste qui historique était importante et qui aujourd'hui n'est rien d'autre qu'une base de données à l'importance relative. Rien pour fouetter un chat ! Cependant, elle demeure pour les peuples concernés un symbole majeur pour leur reconnaissance certainement et peut être pas leur indépendance. Et pour l'ONU la réponse à cette question passe par le respect du doit à l'autodétermination et rien d'autre. D'ailleurs, je fais le pari que ce vote connaîtrait une faible participation et déboucherait à une affirmation du besoin de rester dans la République française. Et croyez-moi, cela ne changerait rien aussi aux problématiques sociales, économiques et politiques qui traversent la Polynésie française et plus largement les territoires d'Outremer. Tout cela, comme le rappelle la résolution 1514 n'est rien d'autre qu'un préalable pour des « conditions de stabilité et de bien-être et des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect des principes de l'égalité de droits et de la libre détermination de tous les peuples, et d'assurer le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». 

  • L’Eglise Adventiste francophone de l'Europe Occidentale se dote d’un nouveau Président.

    1830356641.jpgJean Claude Nocandy vient d’être nommé au poste de président de l'Union desEglises Adventistes de France, de Belgique et du Luxembourg par une assemblée de délégués. Le nom de Nocandy est profondément lié à l’adventisme aux Antilles. Louise Nocandy, tante du nouveau président, est un leader reconnu de l’adventisme antillais. J’ai rencontré JC Nocandy il y a déjà plus d’un an (de mémoire) autour de sa réflexion sur la place de l’identité antillaise dans l’adventisme dans une ambiance extrêmement conviviale.

    Son arrivée à la tête de l’adventisme me semble particulièrement intéressante. JC Nocandy est très sensible à l’apport des sciences sociales pour comprendre les défis auxquels sont confrontés l’adventisme. L’impact de la forte présence antillaise, la place dans la société française, le rapport avec les autres groupes protestants, etc. sont des sujets qui m’ont semblés rencontrer son adhésion. Loin d’aller avec excès vers ces questions, JC Nocandy m’est apparu modéré. Surtout, Nocandy est ouvert et heureux de pouvoir compter sur les adventistes de tout bord. Il faut dire que la trajectoire personnelle de ce dernier, que classerai parmi les « prodigues » dans ma classification des parcours de conversion à l’adventisme, l’aide à ne pas s’enfermer dans une vision du monde interne à l’adventisme. Il fait de son parcours un atout pour mieux comprendre les enjeux sociaux auxquels l’adventisme doit faire face. Comme pasteur il s’est fait remarquer comme un homme de consensus. Voilà des qualités qui lui seront nécessaires alors que l’adventisme semble avoir digéré l’introduction dans la FPF, mais demeure un groupe religieux qui doit surmonter ses particularismes afin d’arriver à mieux intégrer le paysage religieux français.

  • Sexualité des athées et des croyants (note du 21/06/11 republiée)

    Sexe, Religion, sexualité, Adventiste, Eglise adventisteAvant que l'adventisme apparaisse dans l'actualité autour de l'affaire d'exorcisme de Gringy sans lien avec ses enseignements et donne mon nom en patturge sous l'impulsion de son service de communication, je revenais sur des entretiens réalisés avec des adventistes autour de la sexualité. Pourquoi ? Parce que des adventistes m'ont transmis à ma demande des informations sur leur représentation de la sexualité alors que je m'y attendais plus. J'ai donc un peu plus de 50 entretiens sur le sujet, mais surtout une autre cinquantaine de réponse à des questionnaires gradués. Ce n'est pas représentatif, mais une série de données exploratrices pour défricher la question. Je revenais sur cette enquête parce qu'un adventiste m'a transmis un compte rendu de conférence sur la sexualité sur un support interactif. Merci de nouveau à lui. Alors poussé par ce dernier surtout à cause de problématiques aiguës comme la sexualité des célibats subits, des handicapés ou des veufs, je me demandais comment comparer la place du plaisir dans la sexualité chez des membres adventistes avec des données que l'on a en sociologie sur la société globale.
    Alors que je dépêtre encore à rendre comparable des populations à première vue hétéroclites en raison de la technique de recueil d'information, je suis tombé sur cet article. Il n'a rien à voir avec les adventistes. Il me permettra d'avancer, surtout d'être conscient d'une tendance à connaître et des erreurs de conclusions à éviter.

    De quel article s'agit-il ? "Atheists have better sex lives than followers of religion who are plagued with guilt". Il se base sur une étude menée par Darrel Ray et Amanda Brown, psychologues à la Kansas University, sur un échantillon de 14 000 individus.
    Qu'est-ce qui apparaît de cette comparaison de la sexualité des athées et des croyants ? Des similitudes qui ne surprennent pas les chercheurs et adultes honnêtes. L'étude indique que les deux groupes ont des pratiques sexuelles similaires. Les deux parties ont recours au sexe oral, connaissent la montée du bisexisme ou encore usent de la pornographie. La différence se fait sur la culpabilité. Selon une échelle de culpabilité ils constatent pour différentes organisations religieuses des performances variées autour de la culpabilité.

    On some kind of scale of feeling dirty, Mormons came the hardest, scoring on average 8.19 out of 10, "followed closely" by Jehovah's Witnesses, Pentecostals, and Baptists. Cathlolics and Lutherans were clustered around 6/10, while atheists and agnostics came in under 5/10. 

    Les athées auraient une relation à la sexualité beaucoup moins marquée par la culpabilité. Pour nos chercheurs cela serait liée à une socialisation religieuse qui met le sexe trop dans le tabou du côté des religieux. Les athées parlent plus de leurs envies, de leurs expériences et auraient ainsi une relation moins problématique à la sexualité. De fait une différence entres personnes élevées dans un environnement très religieux et d'autres qui ont grandi en contexte athée, est très forte :

    Some 79.9 per cent of people raised in very religious homes said they felt guilty about a specific sexual activity or desire while 26.3 per cent of those raised in secular homes did.

    Le plus important pour nos deux psychologues est la capacité d'amélioration de la qualité de la sexualité selon que les individus soient croyants ou non. Ils indiquent que les athées améliorent beaucoup plus la qualité ressentie de leur sexualité, même si d'autres études montrent le contraire. Le problème est que l'étude ne nous indique pas les différences de représentations, d'attentes, qui existent entre religieux et athées autour de la sexualité. C'est un élément incontournable. Mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Plus prude les croyants ? Pas étonnant. Mais de là à conclure qu'ils soient plus frustrés et ont une relation plus problématique à la sexualité, il y a un pas qui est fait mais que nous ne ferrons pas sur ce blog.

    Présentation en français de l'étude sur Slate.fr.

     

     

     

     

  • L’origine des doctrines adventistes (2/2 par JL Chandler)

    john wesley.jpgQuand les adventistes établissent leurs bases doctrinales durant les conférences du sabbat (1848-1850), ils font appel à plusieurs traditions protestantes qui ont pris naissance en Europe et qui se sont exportées aux Etats-Unis. Ils reprennent à leur compte l’héritage spirituel de la Réforme, la culture puritaine de la recherche biblique, la profession de foi connexioniste « la Bible est notre seul credo », le revivalisme piétiste, le confessionalisme et le principe de liberté religieuse des anabaptistes. Ils adhèrent de tout coeur, mais sélectivement sur les détails, à ces diverses traditions. Nulle cependant ne les influence davantage que la piété méthodiste.

    John Wesley

    Dans la première partie de cet article, nous avons observé qu’au milieu du XIXe siècle, l’adventisme ne détonne pas dans le paysage protestant. C’est particulièrement vrai en Amérique du nord. Pour deux raisons. Primo, plus de la moitié des adventistes, dont Ellen White, sont des anciens méthodistes. Or à ce moment là, le méthodisme est la communauté religieuse la plus importante des Etats-Unis (et du Canada). Vers 1840, l’Eglise épicospale méthodiste est la plus grande dénomination religieuse du pays avec 580 000 membres. En 1850, 34% des chrétiens étatsuniens sont méthodistes. Deuxio, les adventistes intègrent une sacrée dose de piété méthodiste dans leur compréhension des Ecritures.
    John Wesley (1703-1791), un fondateur du méthodisme, s’inspira consciemment du piétisme et des Dissenters d’Angleterre qui rejetaient l’interférence de l’Etat dans les questions religieuses. Si Martin Luther (1483-1546) fut le hérault de la justification par la foi, Wesley devint celui de la sanctification par la foi. Les deux hommes acceptaient les deux doctrines. Luther considérait que les oeuvres étaient le fruit de la grâce. C’est juste que, dans un contexte saturé par la croyance du salut par la grâce et les oeuvres, il mit beaucoup plus d’emphase et d’énergie à proclamer le salut par la grâce seule que la vie chrétienne sanctifiée. Deux siècles plus tard, Wesley estima que le contexte religieux s’était inversé. De nombreux chrétiens éclipsaient les oeuvres sous le prétexte de la grâce. Wesley ne se considéra jamais comme un innovateur en matière doctrinale. Il acceptait le credo des apôtres et le credo de Nicée (qui affirmaient la trinité, la mort et la résurrection du Christ). Il prenait simplement les enseignements du christianisme au sérieux et il chercha vraiment à les appliquer. Quatre aspects de la piété méthodiste influencèrent massivement la théologie adventiste.

    John_Wesley 02.jpg 1. La liberté humaine
    La plupart des réformateurs protestants avaient une vision négative de la nature humaine. Selon Martin Luther, l’être humain avait perdu l’image de Dieu (un caractère semblabe à Dieu et la liberté de choix) après la faute d’Adam et Eve. Sa volonté était esclave de sa nature pécheresse. Après sa conversion, il passait sous le contrôle du Christ et du Saint-Esprit. Pour Jean Calvin (1509-1564), l’être humain était totalement dépravé (l’incapacité de faire le bien). S’il acceptait la grâce de Dieu, c’était parce qu’elle était irrésistible. Selon la doctrine calviniste de la double prédestination, le salut dépendait complètement de la volonté souveraine de Dieu. Les incroyants étaient prédestinés à la perdition et les croyants au salut – « une fois sauvé, toujours sauvé ».
    Wesley refusa l’idée d’un salut et d’une perdition arbitraires. Il affina la position plus positive du réformateur hollandais Jacob Arminius (1560-1609) en soutenant que l’image de Dieu était partiellement effacée chez l’être humain. Par amour et respect pour ses créatures, Dieu ne leur imposait pas le salut. Celles-ci étaient dotés d’une volonté libre d’accepter ou de rejeter sa grâce. Christ était mort pour le salut de tous les hommes et non pour une partie de l’humanité. C’était le plan de Dieu que tous obtiennent la vie éternelle mais cette élection – ou prédestination (c’est-à-dire ce que Dieu avait prévu ; 1 Timothée 2.4, Ephésiens 1.4-5) – était conditionelle et non déterminée à l’avance. Le salut était offert à tous mais la grâce de Dieu n’était pas irrésistible : on pouvait la repousser. Si le croyant ne persévérait pas dans sa relation avec Christ, il pouvait aussi perdre la foi et le salut. Fort heureusement, cette apostasie n’était pas forcément définitive. Les apostats pouvaient retourner à la foi chrétienne.

    2. La voie du salut
    Wesley estimait que la prédestination calviniste apportait une fausse sécurité du salut. Sa principale contribution au christianisme fut sa définition du Via Salutis, la voie du salut. Elle comprenait quatre aspects de la vie chrétienne. 1) Par sa grâce prévoyante, Dieu prend l’initiative de révéler la voie du salut à l’humanité. Le Saint-Esprit parle à la conscience de l’être humain et la réveille aux réalités spirituelles. 2) Par sa grâce convaincante, Dieu révèle à l’invidu son profond besoin de Lui. Le Saint-Esprit dévoile son amour manifesté par Jésus-Christ et il l’invite à accepter le don gratuit de la vie éternelle. 3) Par sa grâce justifiante, Dieu pardonne celui qui regrette de l’avoir offensé et qui vient à Lui tel qu’il est. Il le voit juste au travers de la perfection de Jésus et il opère en lui une transformation instantanée appelée « la nouvelle naissance ». 4) Par sa grâce sanctifiante, par la puissance imperceptible du Saint-Esprit, Dieu transforme progressivement le caractère du croyant.

    3. La sanctification par la foi
    Les réformateurs s’étaient intéressés aux implications du rôle des oeuvres avant la justification par la foi. Et ils avaient conclu qu’elles ne sauvaient pas. En revanche, John Wesley tourna son attention sur le rôle des oeuvres après la justification. Il conclut que la réponse naturelle à la grâce, sa conséquence, son résultat et ses fruits étaient une vie sanctifiée et des bonnes oeuvres. La loi de Dieu n’était pas abolie car les principes des dix commandements étaient éternels. Un de ses textes favoris, Ephésiens 2.8-10, résumait parfaitement cette compréhension :

    «
    Justification C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est un don de Dieu : ce n’est pas le fruit d’oeuvres que vous auriez accomplies. Personne n’a donc raison de se vanter. Sanctification Ce que nous sommes nous le devons à Dieu : car par notre union avec le Christ, Jésus, Dieu nous a créés pour une vie riche d’oeuvres bonnes qu’il a préparées à l’avance afin que nous les accomplissions ».
    Wesley encouragea les prédicateurs méthodistes à précher « le plein évangile », c’est-à-dire la justification, la sanctification et la préparation à la gloire du ciel. Il vit le salut en terme de délivrance : le pardon (le salut débute), la sainteté (le salut continue) et le ciel (le salut s’achève). Autrement dit, le croyant était sauvé immédiatement de la pénalité du péché, progressivement du règne du péché et eschatologiquement de la présence et des effets du péché. Pour Wesley, le salut était aussi une guérison holistique avec deux dimensions thérapeutiques : la restauration instantanée (la nouvelle naissance) et la restauration progressive (la transformation intérieure). Dans le livre Primitive Physics, il établit une relation entre la guérison spirituelle et la guérison physique, convaincu que Dieu veut que l’on soit autant que possible en bonne santé. Il accorda de l’importance à l’hygiène, à la nutrition, à l’exercice et aux remèdes naturels. Il affirma que le corps et l’esprit (par des passions déréglés et des émotions négatives) s’affectaient mutuellement.

    4. La perfection du caractère
    John Wesley encouragea activement la poursuite de la sainteté par la pratique des disciplines spirituelles : la méditation chrétienne, la prière, l’étude de la Bible, l’adoration, le témoignage, les actes de service comme s’occuper des pauvres, des orphelins, des veuves, des prisonniers et des personnes dans le besoin. Il insista sur la participation et la coopération humaine afin d’atteindre, par la grâce de Dieu, « la perfection du caractère ». Par là, il signifiait l’amour pour Dieu et le prochain, la victoire sur les défauts extérieurs et intérieurs (les mauvaises pensées, attitudes et émotions), mais pas une perfection absolue – en connaissance, jugement (l’infaillibilité), santé et nature humaine.

    Relayeurs de la flamme éternelleLes adventistes se considèrent des relayeurs dans la lignée historique des passeurs de la vérité primitive. Plus tard, Ellen White ne cachera pas dans La tragédie des siècles sa grande admiration pour le courage et la sagacité de Luther, Wesley, Calvin, Hus, Wicleffe et de d’autres champions de la foi. Ainsi donc, ils empruntent à plusieurs traditions religieuses, à la particularité d’avoir souvent des points communs : un effort de retour à la foi des apôtres, la Bible comme l’unique règle de foi, la justification par la foi, le sacerdoce de tous les croyants, l’étude collective de la Bible, le baptème par immersion des adultes, la défense de la liberté religieuse, le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la simplicité du culte d’adoration, le chant congrégationel, le revivalisme, le prophétisme historiciste, la perpétuité de la loi morale, la sanctification par la foi, la tempérance et la piété pratique.
    Cette incorporation doctrinale est sélective car les adventistes veulent éviter les erreurs et les excès possibles des diverses traditions. Mais ce cheminement est progressif. Si par exemple, Joseph Bates et James White emportent de la connexion chrétienne (leur ancienne église) des principes positifs comme « la Bible est notre seul credo », ils ne se sont pas encore débarrassés de tous ses éléments négatifs – le rejet d’une substitution lors de la mort du Christ ou le semi-arianisme christologique ou anti-trinitaire (ils pensent que le Saint-Esprit est une puissance, et non une personnalité de la trinité). Ellen White ne cessera pas de le répéter : les adventistes doivent poursuivre la recherche biblique. Mais comme nous le verrons, à partir de 1850, ils commencent à tourner leur attention sur deux autres sujets : leur mission et l’épineuse question de l’organisation.

  • Eglise Adventiste et scrutin présidentiel aux Antilles (mis à jour)

    medium_Vote.jpgJe devais vous publier la présente note après les élections présidentielles autour du lien entre politique et valeurs adventistes aux Antilles à la lumière des élections présidentielles. Mais vous êtes nombreux à anticiper en demandant si les adventistes antillais participent au vote. Dans un récent échange Sébastien Lherbier, animateur du site droit des religions me sensibilisait sur le choix de hauts dirigeants, adventistes aux Antilles, de ne pas se rendre aux urnes.  Dans Le Monde daté du 21 avril 2007, un important dirigeant de la Fédération Adventiste de la Martinique indique que "le quatrième commandement ordonne que le samedi soit réservé à l'adoration de Dieu". Par conséquent il indique ne pas participer au scrutin tout en laissant le libre choix aux membres des communautés adventistes.  Il faut dire que depuis plusieurs mois, les adventistes antillais se posent une question : faut-il aller voter ou pas aux élections présidentielles qui se déroulent pour les deux tours un samedi dans les DFA (Départements français d’Amérique) ?

    Aux Antilles les adventistes sont connus pour leur sens civique. Il n’est pas surprenant parfois de voir des candidats envoyer des signes positifs à l’électorat adventiste. Cependant le déroulement du vote, un jour avant l’hexagonal, les samedis 21 avril et 5 mai, interfère avec la pratique adventiste du sabbat. Les adventistes antillais se demandent s’il n’y a pas incompatibilité entre le vote et le souci de consacrer toutes actions vers le divin. En effet, pour l’adventisme, en particulier dans son développement antillais, le sabbat est « un jour mis à part », « consacré ». De fait plusieurs pasteurs adventistes (pas tous) ont indiqué ne pas participer aux scrutins du 21 et 5 mai. Mais il ne faut pas croire que le débat est pourtant tranché. Beaucoup de membres, loin de cette position indique que « croire en Dieu n’implique pas de subir les choix des non croyants ». De plus, comme me l’indiquait un cadre adventiste, « Dieu demande de prier pour les dirigeants », le vote serait une manière « de laisser Dieu mettre en place des dirigeants qui nous laisseraient pratiquer notre foi ». Plus largement, le vote un jour du sabbat repose aux Antilles les liens entre valeurs citoyennes et valeurs religieuses adventistes. Il traduit également les dynamismes qui traversent l’adventisme. En effet, dans le début des années 80 l’adventisme antillais refusait toute implication avec le politique, même si les adventistes votent depuis toujours. Il faut voir là, le contrecoup d’un littéralisme millénariste. Puis, début des années 90 le temps du libre choix des membres fut un principe neutre qui s’imposa. Avec le milieu des années 90 marqué par la montée d’une instabilité sociale au centre de laquelle nous retrouvons les mouvements syndicaux d’obédience indépendantiste, les membres acceptèrent par souci de défendre des acquis sociaux de s’impliquer plus en plus dans le politique, via parfois des syndicats.
    D'un point uniquement technique, la fermeture des bureaux de votes à 20h00 adopté pour les Antilles permet de surmonter le débat.
    En effet à pareille heure le sabbat a de forte chance d'être clos. Rappelons que ce dernier est balisé entre deux couchés de soleil. Cependant la question reste posée. Il reste à voir comment l’émergence du « libre choix » et de la nécessité de s’impliquer dans la vie de la cité va résister aux Antilles à une lecture rigoriste du sabbat. Affaire à suivre...

  • Protestantisme, Franc-maçonnerie, Millérisme et adventisme: Rien d'original.

    Compas-Huguenot.jpgL'appartenance de William Miller à la Franc-maçonnerie est souvent ignorée. Elle alimente dans la blogosphère des théories conspirationnistes sur l'Eglise adventiste du septième. Cependant l'appartenance de Miller à la Franc-maçonnerie et de leaders adventistes des premières heures doit être contextualisée.

    Les liens entre protestantisme et franc-maçonnerie sont anciens. Comme le souligne Frédéric Casadesus dans une numéro de Réforme, "ils ont longtemps fait bon ménage". (Réforme du 24/03/2010). En Angleterre, ce sont les pasteurs, James Anderson et l'Huguenot Jean Théophile Desagulier qui construisent la Constitution d'Anderson en 1973, base des croyances franc-maçonnes. Desagulier du fuir la France à la révocation de l'Edit de Nantes. Ils vont insister insister sur la permanence du déisme et des religions.

    Son implantation en France va se faire chez les notables et intellectuels y compris religieux par es anglais migrants dès 1725. A cette époque elle séduit en premier lieux les religieux catholiques soucieux de garder des liens intimes avec les notables en loges.

    Après la condamnation en 1738 de la franc-maçonnerie par Rome, un rapprochement entre franc-maçonnerie et cercle protestant va s'affirmer, comme un ralliement de causes anti-catholique. L'historien Patrick Cabanel note que ce rapprochement s'est amplifiée par la Suisse, à Lausanne d'où était formé les pasteurs protestants français par le fils d’Antoine Court, initiés en maçonnerie en Suisse. (...) Par la suite, au XIXe siècle, les protestants français, comme les juifs, ont beaucoup fréquenté les loges parce qu’elles constituaient l’un des rares réseaux de sociabilité ou de notabilité qui n’étaient pas dirigés par des catholiques. »

    En Europe le constat se vérifie dans la maçonnerie spiritualiste. L'un des exemples est le pasteur évangélique maçon à Genève, César Malan au XIXè siècle. Dans la tradition anglicane, la franc-maçonnerie est spiritualiste. Elle est un cercle de réflexion où des notables, des intellectuels parfois autodidactes comme Miller se retrouvent. Cette franc-maçonnerie se différencie de ses versants européens, particulièrement français où une aversion, voir un antireligieux est développé.

     

    Dans le Vermont et dans l'Etat de New York, la Franc-Maçonnerie est un cercle qui dynamisme la réflexion. Et, le passage de William Miller en son sein et d'autres leaders va orienter le millérisme, dont l'adventisme sera un surgeon. L'intérêt porté au symbolisme du sanctuaire et du temple de Salomon pour dater le retour du Christ entre 1843 et 1844 illustre le lien entre Miller et le cercle de réflexion maçonnique.
    Ce passage et cette influence est souvent reproché à Miller mais aussi à un des fondateurs de la SDA, James White. Pourtant, il s'agit d'un débat tronqué. Les millérites, puis les adventistes issus entre autre de la maçonnerie ont eu un parcours qui est en rien particulier. 
    Dans l'Amérique du XIX au début du XXe siècle plusieurs groupes religieux lors des réveils sont initiés par des réformateurs issus ou appartenant à la Franc-maçonnerie. Ainsi d'autres groupes ont connu la même trajectoire. L'adhésion de Joseph Smith fondateur du mormonisme à la franc-maçonnerie est connue. Mary Baker Eddy initiatrice de la Science Chrétienne avait des sympathies pour les maçons car son second mari y était actif. Après le décès de ce dernier elle garda un proximité avec les maçons. Des débats existent également sur les liens entre Charles Russel et la franc-maçonnerie sans que ceux-ci aient été formellement établis.

    Rien donc d'exceptionnel. Mais il est vrai qu'il faille aujourd'hui analyser les traces de ces liens dans l'histoire de la SDA afin d'éviter les fantasmes sur des liens avec la Franc-Maçonnerie. La nature ayant horreur du vide il y a un travail d'historiens à approfondir.