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Rechercher : religion de la santé

  • Ellen White et la fondation de l'Eglise adventiste par Régis Dericquebourg

    Ces protestants que l'on dit adventiste, Régis Dericquebourg, Ellen G White, Ellen White, Eglise adventiste, adventismeSur son blog Régis Dericquebourg diffuse son article sur Ellen G. White et la fondation de l'Eglise adventiste. Ce texte est extrait de l'ouvrage que j'ai dirigé avec lui Ces protestants que l'on dit adventiste... 

    L'approche de Régis Dericquebourg est celle d'un sociologue. Elle ne veut pas uniquement se restreindre à Ellen White. N'oubliez pas cela quand vous lisez. A ce titre cette lecture ne répond pas aux attentes de ceux qui espèrent défendre ou critiquer Ellen White. Loin des passions cette lecture qu'il fait d'Ellen White est de loin la plus pertinente puisqu'il s'appuie sur une comparaison sociologique et historique. Je vous laisse découvrir

     

    Régis Dericquebourg: Paru dans Ces protestants que l’on dit Adventistes. Fabrice Desplan et Régis Dericquebourg (ed.) Paris. L’Harmattan, 2008. 149-175.

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    Le charisme d’Ellen White considérée comme la fondatrice de l’Adventisme du septième jour peut être envisagé dans une double perspective. La première s’interroge sur le rôle du charisme visionnaire d’ Ellen White Ad intra.  La seconde concerne l’attitude Ad extra envers le charisme porté par une femme. Il m’a paru utile de traiter de ces deux aspects car ce dernier éclaire peut-être la réception du charisme d’ E. White dans l’Adventisme lui-même. L’examen du premier aspect a été fait en grande partie d’une manière pertinente par Anne Marie Topalov. Nous avons tiré partie de sa thèse mais sans reprendre à notre compte ce que l’auteur dit à propos des éléments de gnose que Madame White aurait introduit dans l’Adventisme.
    Pour traiter du charisme de Ellen White et du charisme au féminin, je vais d’abord mettre l’accent sur le lien entre les femmes et le christianisme puis j’évoquerai les femmes  « peu ordinaires » dans le christianisme car c’est en tant que chrétienne et porteuse d’un don extraquotidien qu’elle revendique sa mission, puis j’aborderai le rôle du charisme de Ellen White... 

  • La décennie la plus critique de l’adventisme par JL Chandler

    Vous le savez déjà mais je le rappelle rapidement. L'analyse de l'adventisme est pertinente que si on prend en compte l'histoire et les croyances du groupe à partir des travaux de chercheurs non adventistes et adventistes. L'avantage est d'avoir une vision globale. Nous allons continuer fort de cette position qui est loin d'être partagée dans le monde de la recherche. Le regard de JL Chandler est à ce titre intéressant. Adventiste, passionné de l'histoire et de la théologie adventiste Chandler intervient souvent sur le blog via des notes pour vous parler de l'histoire et de la théologie de l'église adventiste. L'un se comprend avec l'autre. Son regard, de l'intérieur est donc un élément de plus pour celui qui veut cumuler différentes sources pour comprendre l'adventisme. En ce sens, je vous livre trois notes de Chandler sur l'histoire de l'adventisme. D'autres notes sur ce thème sont disponibles sur le blog.

    Durant la décennie 1850, un problème crucial se pose aux adventistes : l'inexistence d'une organisation. Sans un clergé salarié, sans lieux de culte, sans moyens financiers et sans institutions, le mouvement est menacé de disparaître. Les adventistes n'en ont pas du tout conscience. Au contraire, ils sont farouchement hostiles à toute forme d'organisation qu'ils associent au diable, à Babylone, à l'apostasie, à quelque chose de ce genre. Ils n'ont pas oublié. Ce sont des organisations religieuses qui ont rejetées le message de William Miller et qui les ont expulsés de leurs congrégations. James et Ellen White réalisent le danger. Mais ils ont toutes les peines du monde à les persuader de s'organiser en Eglise. 

    La crise structurelle
    Au début de la décennie 1850, de nouveaux problèmes surgissent. Sans une organisation légale, les congrégations adventistes sont sans défense. Il arrive qu'elles soient visitées par des prédicateurs fanatiques (les spiritualistes), ou qu'elles soient menacées de dissolution quand une maison aménagée en lieu de culte est récupérée ou vendue par son propriétaire. 
    James White comprend le sérieux du problème. Il mène une campagne acharnée en faveur d'une organisation du mouvement. En dépit des réticences des adventistes, il avance étape par étape vers cet objectif. Joseph Bates et lui signent des cartes de recommandation pour les « prédicateurs autorisés » à prêcher dans les assemblées. A partir de juillet 1851, ils commencent à consacrer des pasteurs. Dans les colonnes de la Revue adventiste, White essaie désespérément (avec sa femme) de convaincre les adventistes de s'organiser en Eglise. En pure perte. En 1853, il crée l'école du sabbat (sur le modèle de l'école du dimanche) pour l'instruction religieuse des enfants. En 1855, il établit la première entité légale adventiste avec la construction d'une imprimerie à Battle Creek au Michigan.
    Mais ces avancées, ces embryons de structure, ne compensent pas le manque criant d'une véritable organisation. Ce qui doit arriver finit par arriver. Après quelques années de croissance, vers l'automne 1856 le mouvement est en crise. Sans collecte de fonds structurée et régularisée, plusieurs pasteurs sous-payés et découragés abandonnent le ministère. Sans direction et soutien spirituel, les congrégations locales sombrent dans l'apathie. Jésus n'est pas encore revenu et certains adventistes se lassent déjà d'attendre. Pour la première fois de leur jeune histoire, ils sont confrontés au problème de l'attente. « Le Maître tarde à venir ».

     

    La crise spirituelle
    Une crise spirituelle s'ajoute à la crise structurelle. Car pour éviter la critique de ceux qui ont des préjugés sur les visions de sa femme, James White décide en 1851 de ne pas les publier dans les colonnes de la Revue adventiste. Pendant quatre ans, seulement sept articles d'Ellen White paraissent dans l'hebdomadaire sans jamais faire référence à des visions. Négligées, celles-ci deviennent moins fréquentes. Les adventistes sont moins sûrs de leur importance et Ellen White pense que sa mission est presque terminée. Mais ses paroles percutantes d'encouragement manquent cruellement aux croyants dispersés et léthargiques.
    A la même époque, elle voit en vision que les adventistes sont dans la condition spirituelle de Laodicée, une des sept églises du livre de l'Apocalypse (chapitres 1-3). A travers la description de ces congrégations locales d'Asie mineure, les commentateurs de l'école d'interprétation prophétique historiciste ont vu ici un résumé de l'histoire du christianisme :

     

    1. Ephèse : l'église de la pureté doctrinale (1er siècle).
    2. Smyrne : l'église persécutée (2-3e siècle).
    3. Pergame : l'église compromise avec le monde (4-5e siècle).
    4. Thyatire : l'église assise sur le trône (6-15e siècle).
    5. Sardes : l'église formaliste (16-17e siècle).
    6. Philadelphie : l'église missionnaire (18-19e siècle).
    7. Laodicée : l'église à moitié-engagée (20-21e siècle).

    Laodicée symbolise le christianisme de la dernière période de l'histoire du monde. C'est l'église qui se vante de ses gros moyens mais qui est tiède, endormie, satisfaite d'elle-même et inconsciente de ses besoins spirituels. Sans le savoir, ce groupe est « pauvre, aveugle et nu » spirituellement. Faisant écho au message de l'Apocalypse, Ellen White invite les adventistes à secouer cette attitude complaisante. Toute sa vie, elle sera une revivaliste, prêchant inlassablement le réveil lors de ses tournées des camps-meetings et des congrégations. 

     

    Le remède pour Laodicée
    On observe ici une sorte de décalage entre le point de vue d'Ellen White et des commentateurs sur le point de départ de l'ère de Laodicée. L'histoire semble valider l'interprétation de ces derniers. Primo, les historiens appellent le 19e siècle l'âge d'or des missions protestantes. Deuxio, sans moyens, les premiers adventistes n'ont rien pour se vanter. Dans ces conditions, la prophétie s'applique t'elle vraiment à leur situation au milieu du 19e siècle ? D'une certaine façon, peut-être bien !
    Passée les premières années de ferveur religieuse, on voit déjà se profiler à l'horizon quelques touches de la mentalité laodicéenne : le relâchement, la lassitude, la complaisance, la poursuite de l'aisance matérielle et l'autosatisfaction. Projeter le mouvement dans l'ère de Laodicée est déjà une partie du remède. Pour produire un réveil, il faut une prise de conscience. La description de la dernière des sept églises de l'Apocalypse produit un électrochoc. Elle confirme qu'on est bel et bien dans la dernière période de l'histoire du monde. Que le retour du Christ se rapproche !
    A travers l'histoire du christianisme, l'espérance d'un retour imminent de Jésus a été le moteur des grands mouvements de réveil. Les premiers chrétiens ont cru qu'il se produirait durant leur génération. Martin Luther, John Wesley, Charles Spurgeon ou Dwight Moody le pensaient à leurs époques. Les périodes d'apostasie et de déclin spirituel coïncident le plus souvent  avec l'oubli de la promesse ou avec son renvoi à une période plus éloignée dans l'avenir. Dans un sens, les mouvements de réveil sont toujours profondément des mouvements adventistes.
    L'adventisme ne se projette jamais très loin dans l'avenir. Chaque génération  d'adventistes pensera voir Jésus revenir dans les airs. Si Ellen White décourage la moindre tentative de spéculation sur la date de son  avènement, ses écrits (et ceux de ses contemporains) laissent transparaître qu'elle s'attendra sincèrement à ce qu'il revienne dans un avenir proche. Mais elle soulignera que dans sa sagesse, Dieu n'a pas révélé le moment précis de sa venue pour ne pas mettre la foi des croyants gravement en danger. « Nous n'en ferions pas bon usage » (Review and Herald, 22 mars 1892). Se laissant aller à la nonchalance et à la superficialité avec Dieu, certaines personnes renverraient - erreur fatale - leur préparation spirituelle au dernier moment et les fanatiques créeraient une émotion et « une excitation malsaine » autour de la date (Lettre 34, 1884).
    Les premiers adventistes ont tendance à appliquer les prophéties de la fin à leur époque contemporaine. Ils n'ont pas de raison de penser autrement car ils voient les signes du temps de la fin (Matthieu 24) défiler devant leurs yeux. Ils n'anticipent pas que des décennies s'écoulent avant l'apothéose du retour du Christ. Néanmoins, James White les encouragera souvent à la prudence : « Quand l'histoire n'est pas encore écrite, l'étudiant de la Bible ne doit pas avancer ses suggestions de manière trop catégorique » (Review and Herald, 29 novembre 1877). Les théologiens adventistes observent que la plupart des prophéties de la fin se réalisent de manière progressive dans le temps. Les premiers adventistes n'ont simplement pas imaginé qu'elles s'étaleraient sur une durée plus longue.
    L'histoire de l'adventisme est celle du réveil en perpétuel recommencement. Alors que les années passent, que l'attente se prolonge, comment maintenir la flamme spirituelle et missionnaire ? Selon Ellen White, c'est dans la persévérance de l'attente aujourd'hui, par la relation journalière avec Dieu qui refuse de se laisser absorber par les tracas du quotidien et d'encourir le risque de se faire surprendre par le retour du Christ à l'improviste : « Tenez-vous donc en éveil, puisque vous ignorez quel jour votre Seigneur viendra » (Matthieu 24.42).
    Nous verrons comment le couple White contribuera à retourner la situation critique de la décennie 1850. Ellen cherchera à dissoudre la crise spirituelle et James se chargera de résoudre la crise structurelle.

  • Témoins de Jéhovah à Lambres-lez-Douai.

    Lambres-lez-Douai est une petite ville du Nord. Je connais très bien Lambres. Ces usines, son centre ville qui tente de rester dynamique malgré la perte de vitesse de l’automobile (Renault, Faurecia) et la grande fragilité de Beguin Say.
    Cette ville ouvrière est à quelques minutes de Douai et 25 minutes de Lille. Lambres est à la une de l’actualité locale depuis que l’ADFI stigmatise l’installation de la nouvelle salle du Royaume des Témoins de Jéhovah et une manifestation internationale à venir, organisée à Douai, par les Jéhovistes.
    Voici une vidéo avec Mme Delporte. Encore une fois, je vous indique que je ne suis pas jéhoviste (certains le pensent !!), mais admirez la qualité des arguments anti-jéhovistes qui flirtent avec le racisme anti américain. Regardez aussi la foule très nombreuse qui accompagne Mme Delporte.

     


  • Commémoration des Abolitions de l’Esclavage à Lille.

    1180568669.jpgLa Commémoration s’inscrit paisiblement dans le calendrier républicain. Elle dépasse maintenant les grandes villes et les anciens ports négriers de France. Elle devient un élément du rythme républicain et c’est une première réussite. Le Nord n’a pas été en reste. Plusieurs villes ont été les lieux de manifestations diverses. A Lille il y eut trois temps forts aux impacts différents.

    802851858.JPGLe premier fut la venue de Christiane Taubira, le 7 mai. Elle a tenu une conférence sur « L’apport des descendants d’esclaves à la construction républicaine ».
    Le second, symbolique, fut le premier dépôt de gerbe en mémoire des esclaves sur la Place de la République. Durant ce moment solennel, Alizés Gospel au travers de la voix de Jean Yves Amusan suscita une dense émotion. Organisateur pour la Ville et la Région Nord de ces moments, vous n’êtes pas étonné que j’ai tenu à cette présence d’Alizés Gospel !
    Le troisième, temps fort était le concert de Gwo Ka en l’Hôtel de Ville de Lille. Ce dernier rencontra un important succès populaire auprès de 250 personnes.
    1354630080.JPG Toutes ces manifestations furent accompagnées par l’exposition du Chevalier Saint George d’Alain Guédé. Elle est encore visible à Lille jusqu’au 22 mai à la Maison des associations (74-76, rue Royale).
    La commémoration lilloise eut un incontournable succès médiatique. Le 20 heures de France2, la matinale de France Bleu Nord, des chroniques sur RTL2, Rock FM. La presse écrite ne fut pas en reste notamment au travers de Nord Eclair qui réalisa des articles honnêtes, simples et objectifs.

    Que retenir ? Si on dépasse comme le note Nord Eclair les difficultés à 2015774380.jpgmobiliser lors d’un long week-end ensoleillé où Lille était le siège d’une importante manifestation sur l’Europe en présence d’une grande partie du gouvernement, le succès pédagogique est incontestable. Il reste une difficulté récurrente : mobiliser les premiers concernés qui se sentent encore plus intéressés par des activités festives.
    Des actions pédagogiques s’effectuent dans le prolongement de la commémoration en direction des scolaires de la Région. Voilà qui laisse présager d’un avenir radieux.
    Toutes ces manifestations et bien d’autres, seront relatées dans le prochain numéro de la revue Tam-Tam 59. Je ne manquerai pas de vous indiquer sa sortie.

  • Des adventistes prient pour faire baisser les prix de l’essence.

    1653352004.jpgNous avons déjà beaucoup parlé des adventistes. Pourtant après avoir passé en revue rapidement les 175 notes échangées ici, je remarque que nous n’avons jamais parlé de prière. Et pourtant, on ne peut pas aborder l’adventisme sans ce point. Il faut dire qu’il reste compliqué à approcher sociologiquement. Les anthropologues réalisent de magnifiques descriptions de la prière. Les philosophes en dissertent encore. C'est un élément central pour le théologien. Concernant l’adventisme en particulier : comment parler, du point de vue du sociologue de la prière, sommairement ici ?

    104328295.jpgCe qui m’a convaincu de vous parler de la prière est cette situation très explicite rapportée par l’AFP le 1er mai dernier. Des adventistes (la dépêche ne parle pas en termes exclusifs) investirent des stations services aux USA, pour prier, publiquement, en demandant à Dieu, d’intervenir pour faire baisser les prix à la pompe. Pour le non initié aux groupes millénaristes messianiques protestants, comme l’adventisme, et qui se donnent une mission évangélique, le tableau peut paraître ubuesque. Comment des individus peuvent-ils, en public, sans crainte du ridicule, en faisant fi des lois économiques, en oubliant la géopolitique, demander à Dieu d’intervenir sur les prix de Total, Exxon, ou autres Shell et BP ? D'ailleurs sans dans la rubrique "Insolite" que ce fait a été repris dans quelques rares journaux. Pour comprendre cela, du point de vue du sociologue, regardons les fonctions sociales de la prière.
    Dans la théologie adventiste, la prière garde les caractéristiques génériques du protestantisme. Elle est le produit d’une intimité entre le croyant et la divinité, Dieu. C’est par son biais que l’individu va entretenir l’essentiel de sa relation avec Dieu. De fait, la prière illustre bien le protestantisme, dans son versant dit individualiste. Seul, dans la confidence, le croyant s’adresse à Dieu.
    1847145464.jpg La littérature sociologique, en raison de cette intimité où aucun intermédiaire n’apparaît entre Dieu et le croyant a décrit les groupes comme les adventistes, comme individualistes. Le terme, en raison de sa connotation moderne et péjorative me semble excessif. Il faudrait plutôt parler d’un aspect personnel et pas obligatoirement individualiste.
     Avec la prière, ce sont deux entités, deux individualités (vous voyez encore pourquoi le terme d’individualiste est utilisé !) qui se rencontrent. Mais pas n’importe lesquelles. Le croyant imparfait, fini, rencontre le Dieu parfait, infini. En conséquence, uniquement sur le plan de la définition, nous pouvons affirmer que symboliquement, la prière est le lieu de la rencontre de l’improbable. L’individu va se hisser (le terme est maladroit) au niveau de Dieu. Comment cela reste possible ? Là il faut aller voir dans la littérature théologique adventiste. Ici intervient un personnage central : le Christ. Je vais tenter de faire rapide et simple. Pour les adventistes, de part sa vie parmi les mortels, le Christ connaît très bien les complexités humaines. Comme Fils de Dieu, il est le personnage qui fait donc lien entre Dieu et les hommes. Attention, cela ne veut pas dire que Dieu avait besoin de voir son Fils mourir pour comprendre les hommes, non. Mais l’inverse ; il fallait rendre Dieu accessible à l’humain.
    Si vous me suivez bien jusque là, ipso facto, en croyant en la divinité de Jésus, en acceptant son caractère messianique, le croyant trouve une passerelle, un pontife (petit coucou vers les critiques protestantes au catholicisme) permettant d’accéder à Dieu.
    668935271.jpg L’acte individuel de prier pour le sociologue, dans son essence même, n’est finalement pas si individuel que cela. C’est pour cela que le terme individualisme est me semble maladroit. Dans sa définition, son fonctionnement, il fait intervenir, dans l’adventisme et plus largement dans le protestantisme, plusieurs entités. Au minimum nous retrouvons donc : Dieu, le Christ et le prieur.
    Mais encore plus. Comme le montre l’anecdote sur les prix à la pompe, prier est un acte qui dans la majorité des situations, revêt un aspect profondément social. On le retrouve dans la prière dite collective. Qu’elles sont ces particularités et les effets de celles-ci ?
    Premièrement on peut parler de l’effet de cohésion de groupe. Il est classique. En priant ensemble, les individus « soulèvent les montagnes ». Ils font, demandent, ce qui seul, peut apparaître comme incongru. Je prends un exemple.
    Souvent des individus, à haute voix, prient seuls. Pourtant, il n’y a pas de dépêche
    AFP dans ce cas! Au mieux on dirait que « le pauvre homme a perdu la tête », si nous le croisons à l’essencerie. Mais le fait qu’il y ait une prière de groupe, une action collective, cela interpelle. Pourquoi? Parce que la prière collective, s’adresse à trois interlocuteurs différents :
    1299303371.jpg Evidemment, les individus s’adressent à la divinité. Deuxièmement les prieurs communiquent entre eux, serait-ce par le fait qu’il faille s’organiser ou encore écouter. Mais chose plus importante, ils interpellent ceux qui ne prient pas. En priant, publiquement, il y a donc une injonction sociale. Le groupe démontre sa foi et l’intensité de celle-ci (ils ne craignent les rires). Cette injonction sociale a pour but de provoquer l’étonnement en affirmant la Toute-Puissance divine. Dans les stations services, les individus illustrent, grandeur nature, les conséquences de la foi. Ainsi, ils appèlent les individus, sans le dire, à accepter de croire en Dieu, surtout que c’est un Dieu qui entend les prières. La preuve, ils prient.
    Mais encore plus intéressant dans notre cas des prix à la pompe. En investissant les stations services, les prieurs démontrent à leur entourage, que Dieu n’est pas une entité abstraite. Il peut intervenir sur des sujets qui préoccupent la vie quotidienne de chaque individu. S’il peut baisser le prix de l’essence, résoudre d’autres problèmes intimes, complexes, douloureux, est chose aisée.
    Vous le voyez ; l’exemple de la dépêche
    AFP sur les adventistes qui prient pour la baisse des prix dans une station service aux USA implique plusieurs interactions sociales, qui ont chacune des sens et ambitions différentes. Il y a l’affirmation de la croyance Dieu et en sa Toute-puissance. Il y a également, l’affirmation que le groupe, ici adventiste, s’investi concrètement dans les préoccupations du quotidien. Et troisièmement, la prière collective démontre et renforce l’identité du groupe. En d’autres termes la prière a trois dimensions :

    1. Une dimension personnelle
    2. Une dimension intra groupale, endogène (qui concerne les membres du groupe)
    3. Une dimension exogène (qui interpelle les individus non membre du groupe).

    Il faudrait développer chacun de ces points encore. Mais notez déjà que toutes ces dimensions sont présentes dans toutes les prières d’un individu membre d’un groupe religieux comme les adventistes. Même la prière intime, réalisée chez-soi dans la discrétion. Cela surprend ! Je vous laisse sur cette surprise car il faut toucher un autre point.

    Continuons à effleurer le sujet : Les individus croient-ils que Dieu va baisser les prix ? Si le contraire se passe, ne sont-ils pas discrédités, et in fine leur manière de croire en Dieu également ?
    Si vous avez suivi l’implication de la prière dans les trois formes de relations sociales (personnelles, endogènes et exogènes) la question sur l’effet concret de la prière est peu importante. Evidemment, si le prix à la pompe baisse, peut être que les individus diront que leurs prières étaient pour quelque chose. Quitte à surprendre encore. Le but premier n’est pas que les prix baissent, mais plutôt de renforcer chacune des dimensions. Cela n’exclue en rien l’attente d’une baisse des prix évidemment !
    1693077351.jpg

    Voilà qui nous permet de terminer plus simplement sur le caractère incertain de la prière, ce qui l’a différencie fondamentalement de l’acte magique. J’insiste sur ce point car souvent dans la littérature anthropologique, il y a une comparaison naïve entre prière et magie. Alors que la magie désire absolument intervenir sur le présent, à la différence, la prière, n’est qu’une demande d’intervention où l'individu apparaît soumi à Dieu. Ce n'est pas lui qui mène la danse comme dans les rituels magiques. De fait, les croyants doivent s’attendre à ce que Dieu n’intervienne pas, ne répond pas comme ils le souhaitent. Dieu est Tout-Puissant. Sans le comprendre il doit accepter que Dieu ne lui accorde pas ce qu’il désire. D’ailleurs la littérature biblique et la littérature religieuse pullulent de situations identiques.
    Pour dire les choses simplement, finalement avec la prière, considérée dans les trois dimensions énumérées, ce n’est pas la réponse qui compte, mais l’acte de prier lui-même. Ce n’est pas la baisse du prix qui compte, mais le fait de prier, que le croyant manifeste sa confiance en Dieu pour vivre, dans des conditions économiques difficiles, et qu'il invite ses concitoyens à faire de même.

  • Le Nègre vous emmerde de Claude Ribbe présenté à Lille

    Claude Ribbe, Le nègre vous emmerde.jpgHier a marqué la sortie nationale du livre de Claude Ribbe Le Nègre vous emmerde. Aujourd’hui 6 juin 2008 à 17h, Claude Ribbe est à Lille, au Furet du Nord pour présenter son ouvrage sur l’actualité de l’œuvre de Césaire. En quelques pages, l’auteur réussit admirablement à rappeler l’auteur, le politique, bref en un mot, l’homme que fut Césaire. Ribbe repositionne le débat sur la place de la dépouille de Césaire en rappelant les enjeux que cela renferme. Rien n’est épargné par l’auteur qui fait le choix d’un discours tranchant.

    Extraits choisis :

    La question qui se pose sans doute est de savoir quel type d’hommage on peut lui rendre. Plus que le politique, l’auteur Césaire est subversif. Subversif et respecté, donc dangereux. La meilleure manière d’enterrer l’œuvre, c’est de s’en tenir au Césaire politique.  (p. 11)

     

    Tout le monde a compris : les obsèques d’Aimé Césaire ne sont pas nationales, mais martiniquaises, et parrainées par une France bienveillante. Le Monde avait déjà donné le ton au moment du crash aérien de 2005 en titrant La France s'associe au deuil martiniquais. L’autonomie qu’on veut bien accorder à la Martinique, c’est l’autonomie du cercueil. L’ennui, c’est qu’il y a autant de Martiniquais en France que sur l’île caribéenne. Mais personne ne pense à ceux-là. À moins que ce soit une façon de leur signifier que leur vraie place est là-bas, au cimetière La Joyaux.
    La France, il faut le reconnaître, s’intéresse beaucoup moins aux funérailles d’Aimé Césaire qu’elle ne s’est intéressée à celles, beaucoup plus «people», de ses pitres : Henri Salvador, à La Madeleine, Carlos, à Saint-Germain-des-Prés. Eux au moins, on comprenait ce qu’ils disaient : Qu’est-ce que tu bois Doudou, dis donc ? ou bien encore Faut rigoler !. (p. 20, 21)

     

    Il est frappant de constater qu’au XXIe siècle la vision racialiste du monde est encore pertinente pour la majorité des hommes et en particulier pour la majorité des Occidentaux. En faisant de la couleur de la peau une essence, peu de gens ont conscience d’avoir déjà marché sur le terrain miné des préjugés qui jouxte, hélas sans clôture aucune, le jardin des bons sentiments. De bonne foi, ils pensent que le racisme ne commence qu’au moment où une «race» affirme sa supériorité par rapport à une autre, comme s’il suffisait de dire que toutes les «races» se valent pour se voir immédiatement délivrer un certificat d’antiracisme. Pourtant, enchaîner son semblable à sa prétendue différence, c’est toujours une façon subreptice de l’inférioriser. Éprouver le besoin de dire de Césaire qu’il est noir ou que c’est un «noir», c’est une manière de le disqualifier a priori. Négrifier, c’est déjà dénigrer. (p. 59)

     

    Césaire rejette tout essentialisme : « Il n’y a pas de négritude prédéterminée, il n’y a pas de substance ; il y a une histoire et une histoire vivante», explique-t-il encore. La Négritude renvoie à une expérience qui s’inscrit parmi celles que l’histoire a imposées à l’humanité. «Oui, nous constituons bien une communauté, poursuit-il, mais une communauté d’un type bien particulier : […] une communauté d’oppression subie, une communauté d’exclusion imposée, une communauté de discrimination profonde.»
    En ce sens, la Négritude, loin d’être un mot d’ordre pour des revendications strictement communautaires, n’est qu’un moyen privilégié et original d’appréhender l’universel. «Il y a belle lurette, dit encore Césaire, que Hegel nous en a montré le chemin : l’universel, bien sûr, […] mais comme approfondissement de notre propre singularité. » (pp. 65,66)

     

    Poursuivons dans le sens indiqué par Césaire dans son Discours sur le colonialisme : Hitler n’est peut-être pas tant le «démon» de l’homme «blanc» que le «démon» de l’humanité tout court. N’est-il pas enfin souhaitable que, chacun, grâce à la part de Négritude qu’il porte en lui, au lieu d’écouter ses sirènes intérieures, apprenne enfin à respecter, quels qu’en soient le nom ou la couleur, la Négritude de l’autre ? (p. 71)

     

    Le 27 avril 1948, sous le prétexte de rendre hommage à Victor Schoelcher, il prend la parole à la Sorbonne devant l’establishment français, solennellement réuni sous l’autorité du président de la République, Vincent Auriol, et du président du conseil de la République, Gaston Monnerville. L’écrivain entame alors un réquisitoire sans merci contre la bourgeoisie et rend hommage aux ouvriers parisiens qui avaient signé dès 1844 une pétition pour l’abolition de l’esclavage. La presse du lendemain va titrer : «Un député nègre insulte la bourgeoisie française qui a libéré ses ancêtres.» (p. 80)

     

    L’homme politique Césaire, fidèle à ses engagements, s’est battu jusqu’au bout, jusqu’à ce que l’âge finisse par triompher. Malgré toutes les critiques qu’on peut lui faire, si la Martinique et les autres départements sont quelque peu sortis de l’ère coloniale, il serait injuste de dire qu’il n’y est pour rien. (p. 91)

     

    La visite à Césaire, pour les politiques, c’est un moyen de se rallier à bon compte non seulement l’électorat martiniquais, mais aussi le vote d’une bonne partie de l’Outre-mer et les suffrages des Ultramarins de métropole. Comme si, pour se faire délivrer un certificat de négrophilie, Il suffisait désormais de se rendre à Fort-de-France, d’incliner la tête et de recevoir la précieuse bénédiction. (p.93)

  • Joshua Himes : l’organisateur du mouvement millérite (de JL Chandler)

    b7f5bb63ad63e9f6d0b754ae035624a1.jpgAprès treize longues années de silence, en 1831, William Miller commence enfin à annoncer la nouvelle du retour du Christ. Il reçoit beaucoup d’invitations à prêcher mais c’est un homme seul. Son message est mal accueilli par les hommes d’église. Mais après la Panique de 1837 (une sévère dépression économique), les Américains perdent confiance dans la croyance populaire de l’imminence d’un millénaire de paix et de prospérité universelles. Les prix s’effondrent brutalement : de 42% entre 1839 et 1842. A partir de 1838, plusieurs pasteurs – notamment Josiah Litch et Charles Fitch - acceptent le message de Miller sur le retour du Christ.

    Pour ne pas créer de confusion dans l’esprit des lecteurs du blog, nous distinguerons désormais deux groupes d’adventistes. Ceux qui précèdent 1844, nous les nommerons les millérites. Nous appellerons leurs héritiers d’après 1844 les adventistes (du septième jour).

  • CHARLES FITCH : Le séparatiste du mouvement adventiste (de JL Chandler)

    8a8fb6fc2fce8eed9759a48c78bd45bd.jpgLa chute de l’empire ottoman le 11 août 1840, correctement prédite par Josiah Litch en interprétant Apocalypse 9, provoque à la fois un sursaut d’intérêt du public pour les prophéties bibliques et un assaut frontal contre elles. Pour les uns, la rectitude des interprétations historicistes est confirmée. C’est la preuve réjouissante que le Christ va bientôt revenir triomphant sur les nuées du ciel. Pour les autres, furieux ou indifférents, c’est une illusion, une imposture qu’il faut stopper.

  • Samuel Snow fixe la date du retour du Christ (de JL Chandler)

    38b8418cd71707b3dc7aa5a2ebc36808.jpgA la surprise de tous les opposants, la proclamation millérite du retour du Christ repart de plus belle en été 1844. Les millérites découvrent brusquement que l’an zéro n’a jamais existé. Il faut donc ajouter une année à leurs calculs prophétiques :

    2300 – 457 = 1843 + 1 = 1844

    Ils situent le début des « 2300 soirs et matins » - 2300 ans – de Daniel 8.13 en 457 av. JC. Mais comme personne ne connait la date précise du décret du roi perse Artaxerxès, qui a été signée cette année là (Esdras 7.11-26), la fin du temps prophétique demeure à une date inconnue, située quelque part en 1844. Le Christ peut revenir à n’importe quel moment !  

  • L’héritage prophétique des adventistes sabbatistes (de JL Chandler)

    1a03a67d42e1591bd5ae53bb4fd0b4c9.jpgAprès 1844, le millérisme éclate en trois courants adventistes : les spiritualistes, les albanistes et les sabbatistes. De loin le plus petit au départ, ce dernier groupe sera le seul vrai survivant du millérisme et  s’étendra même au monde entier. La raison de l’étonnante vitalité de l’Eglise adventiste du septième jour est essentiellement théologique. Car la grande différence est celle-ci : les autres courants délaissent certains aspects de l’héritage millérite alors que les sabbatistes le gardent inctact et bâtissent dessus.

  • Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque en France. La Thèse de Laurie Larvent

    L'année vient de commencer. Je reçois vos demandes par mails et surtout votre surprise de voir le blog peu mis à jour. Il faudra que je fasse mieux cette année. Pour l'ouvrir, vous trouverez cette petite présentation de Laurie Larvent de sa thèse sur le Mouvement missionnaire intérieur laïque en France. J'ai découvert ce mouvement religieux quand je réalisais ma propre thèse sur les adventistes, à partir de travaux sur les liens entre russélites et adventistes. De plus j'ai été surpris d'entendre parler d'eux au hasard d'une discussion dans un échange au sein d'une communauté adventiste dans le Nord. Mais le MMIL est grande partie inconnue, y compris par moi. Il n'a pas été un axe de recherches très développé. J'ai rencontré Laurie Larvent et ses travaux par l'intermédiaire de Régis Dericquebourg alors que je me penchais sur des adventistes unitariens. Ces derniers ne sont pas nombreux et se font en plus très discret, alors que le MMIL se caractérise comme des chrétiens ouvertement unitariens, c'est-à-dire très réfractaire à la trinité. Sur ce point le MMIL est très intéressant. Rien qu'à ce titre la thèse de Laurie Larvent doit être connue. S'ajoute l'analyse de Larvent, un chercheur qui du fabriquer un regard singulier. Laurie Larvent soutiendra ce samedi 7 janvier 2012 sa thèse. En plus d'une rapide présentation que Laurie nous propose vous trouverez également son carton d'invitation espérant vous croiser à cette soutenance.

    Présentation de Laurie Larvent de sa thèse :

    Titre : Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque en France des origines à aujourd’hui, un mouvement de chrétiens millénaristes non trinitiaires

    Abstract : Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque (MMIL) rassemble des chrétiens millénaristes non trinitaires. Fondé aux États-Unis en 1918 par un Juif, Paul Samuel Léo Johnson, ce mouvement est issu de l’implosion des Étudiants de la Bible survenue après le décès de son fondateur Charles Taze Russell. L’objectif du mouvement est double : d’abord la défense de la doctrine de Russell, la Parousie, puis la diffusion de l’Épiphanie. Implanté dans une vingtaine d’États, le MMIL reste cependant un mouvement ultra-minoritaire ne rassemblant que quelques milliers de personnes dans le monde. La France est touchée en 1926, principalement dans le Nord, avec Denain comme épicentre. La présence de Russellistes explique cet enracinement septentrional. Cette petite communauté développe progressivement un réseau d’ecclésias où la Bible est étudiée intensément. Après la Seconde Guerre mondiale, l’activité éditoriale s’intensifie avec l’édition d’un second périodique et d’une trentaine de livres doctrinaux, et à partir des années soixante-dix, le mouvement s’oriente vers un travail spécifique de témoignage envers les Juifs.


    Invitation à la soutenance de thèse



  • Une nuit pour le chantier sur les déconversions de l'Eglise adventiste

    Cela fait maintenant près de deux ans que j'écoute et enregistre des déconversions à l'Eglise adventiste. Et j'arrive à une première conclusion: Le nombre d'individu qui quitte l'Eglise adventiste par constat d'incohérence théologique est quasi inexistant. Certains déclarent des critiques théologiques, mais pas d'incohérence (si on peut se permettre de faire trop rapidement une distinction entre incohérence et illogisme). C'est souvent par besoin de compléter, relativiser la théologie adventiste.

    Mais le paradoxe est  que quasi 80% des individus remercient l'Eglise adventiste pour avoir transmis un savoir théologique structuré! Incroyable. Ils quittent donc l'adventisme par satisfaction du savoir et de l'expérience acquise pour un autre cadre jugé plus compatible, plus propice à un vécu en adéquation avec la théologie adventiste.  Et là, les statistiques issues des déclarations des individus sont sans appel. Des cas mentionnent une relativisation de l'importance de la personne d'Ellen White (pas de son enseignement), et une critique forte de la théorie du sanctuaire est faite (extrêmement rare mais extrêmement construite). Un autre critique est le mode de financement qu'est la dîme.

    Je vous passe les critiques sur la gestion administrative de l'adventisme et les conflits de personnes. Je vais vite mais c'est là que l'on rencontre plus de raisons déclarées faisant de la rationalité bureaucratique (au sens wébérien) la principale raison des départs de l'adventisme. Ces enregistrements sont parfois difficiles à écouter et réécouter car il n'existe pas de départ sans souffrance. Il s'agit de véritables cassures relationnelles où la reconstruction est parfois difficile. Pour d'autres, c'est le constat d'une incompatibilité entre la vie privée et les objectifs ecclésiaux. Là est aussi un autre aspect. Il n'est pas de radiation sans cicatrice sur la communauté locale dont l'individu a été exclu ou s'est exclu.

    Pour certains  l'entretien réalisé avec le sociologue a été l'unique échange construit sur cette cassure, faisant de l'instant (souvent répétés pour les besoins de l'enquête) un temps où la charge émotionnelle est immense. 

    Les formes de déconversions sont multiples. Une véritable typologie devrait être construites à l'instar de la célèbre que j'ai réalisé sur les conversions à l'église adventiste. Mais c'est un long chantier qui demande encore de la matière nouvelle, des déconversions nouvelles à enregistrer et questionner. Des nuits de réécoutes, de saisies de réponses, d'encodage de variables à venir pour un résultat inconnu.

  • ”Dis le au Monde” le long métrage de l'église adventiste sur son histoire.


    Ce samedi 3 décembre à la Maison de l’Espérance au 13 rue Gracieuse à Paris (75005), je présenterai mon livre Regards croisés sur l’Église adventiste du septième jour. Je commenterai également la projection du film Dis le au Monde. Il s’agit d’un long métrage sur l’histoire de la SDA. Réalisé par la « filiale » australienne à partir de données historiques relevées par les chercheurs du groupe. Ce « realdocumentaire » de plus de 2 heures porte à l’écran les principaux fondateurs du millérisme, puis de l’Église adventiste du septième jour

    Fabrice Desplan, Regards croisés sur l'Eglise adventiste du septième jour, Maison de l'Espérance, Dis-le au mondeC’est d’ailleurs l’atout du film : une série de portraits, de biographies qui s’emboîtent clairement. Revers ; le regret de ne pas voir cette histoire s’emboîter dans l’Histoire. Mais c’est la contrainte de l’exercice : se frustrer pour au moins réussir une chose ! Alors que je travaille par la force des exigences de mon futur ouvrage sur les liens entre l’adventisme et la société globale, ce « manque », ce choix, montre l’objectif du film tel qu’annoncé par les concepteurs : la transmission, vers ses membres mais aussi pour les non initiés des temps forts de l’histoire de l’Église adventiste du septième jour. Finalement c’est un film qui consolide la mémoire adventiste plus que l’histoire. Les historiens aiment cette différence entre mémoire et histoire. 

    Cela est particulièrement visible au travers des absences. Miller est par exemple présenté uniquement comme fermier, ce qui est une erreur. Mais faire des choix c'est obligatoirement faire des erreurs!
    Dans le Magazine Adventiste, William Costa responsable de la communication des adventistes stipule:

    L’objectif de ce film est d’enregistrer les débuts de l’Eglise adventiste… On espère donc que ce film sera un outil puissant afin que les adventistes soient fortifiés, inspirés par la manière dont tout a commencé, par l’esprit des pionniers. Et en même temps, on espère que les non adventistes puissent se faire une idée de l’idéalisme, du sacrifice et du dévouement dont ont fait preuve ceux qui ont lancé notre Eglise.

    Le film est donc un outil pédagogique vers les adventistes et les non adventistes. Il à ce titre un outil de réel communication interne et externe.  Des kits téléchargeables sont mis à disposition des communautés adventistes à cet effet. 

    Consolider la mémoire implique de travailler sur une sélection d’angles, de faits, de parcours, d’acteurs. L’une des fonctions de la mémoire est aussi de densifier les liens entre ceux qui sont les héritiers de cette mémoire. Sans doute ce dernier objectif sera atteint car le film permettra aux adventistes de se réapproprier leur mémoire. Pédagogiquement, ce film est excellent car nombre d’adventistes ont une connaissance morcelée des chemins qu’a du parcourir l’adventisme sabbatique en particulier celui porté par la SDA. L’historien y verra plusieurs manques à raison. Mais ce film n’est pas un cours d’histoire, ni une analyse historique. Il est déjà, et c’est louable, une tentative de transmettre la perception adventiste de son histoire, c’est à dire sa mémoire. D'ailleurs, la date de sortie, le 22 octobre dernier est en référence avec le grand désappointement qu'ont connu les millérites et qui par la suite conduira à la constitution de l'Eglise adventiste du septième jour.

    L’étape suivante de ce travail serait une mise en perspective des liens entre mémoire adventiste et l’Histoire. En d’autres termes quelles sont les apports, les questionnements qu’adresse l’adventisme à l’Histoire ?

  • Suite... Le défi de la réorganisation des cultes (II): Impacts sur les rituels

    IMG-20200624-WA0001.jpgLes américains considèrent la France comme une société des bisous, pour montrer l’importance des embrassades. Ce constant est encore plus flagrant dans les communautés spirituelles et/ou religieuses. Embrassades fraternelles, gestes affectifs, manifestations d’un soutien… montrent que l’interaction corporelle est un prolongement, une concrétisation de l’intensité des échanges interindividuels. D’ailleurs son évitement, souvent appelé « relation froide » attise le soupçon et/ou est l’expression d’une tension, d’une mise à distance. Il faut donc repenser les gestes du quotidien dans les communautés pour qu’ils gardent une intensité avec une moins grande expressivité tactile, corporelle. Concrètement dans les communautés c’est le mode d’expression des rituels qui se pose derrière les gestes barrières. C’est l’axe de cette deuxième note sur la réorganisation des cultes avec la Covid-19. Certains rituels devront certainement garder la même forme tout en diminuant leur expressivité. D’autres doivent être repensés, voire suspendus. Prenons quelques exemples dans un vaste ensemble afin de montrer les difficultés que les groupes religieux et spirituels surmontent actuellement. Je prends arbitrairement trois cas; (1) le chant, (2) la Sainte-Cène ou la Communion et (3) les relations interpersonnelles.

    • Le chant.
      Il a une place centrale dans l’activité liturgique. La maxime, « chanter c’est prier deux fois », répandue dans le protestantisme illustre l’importance des cantiques. Le chant augmente mécaniquement les probabilités de transmission des infections. Cependant il faut distinguer les prestations individuelles et collectives. Dans le premier cas le risque est moindre voire nul si l’interprète exécute son art à bonne distance de l’auditoire. A défaut, il est plus important pour les prestations en groupe, à l’instar d’une chorale. La communauté doit s’assurer que chaque choriste soit à une distance plus grande que le mètre linéaire en raison des projections. Les études parlent de 4m ! Si des musiciens sont mobilisés l’écart est moindre entre eux à diférence des choeurs. Mais l’installation d’un matériel désinfecté complique considérablement la logistique. La multiplication de groupes, utilisant le même matériel lors d’un service, devient un casse-tête mais pas une impossibilité. La communauté doit pour cela disposer de ressources humaines importantes pour la désinfection, sans perturber l’office. Surtout, accepter la prestation d’un groupe, ou d’une chorale réduit la capacité d’accueil du public car il faut intégrer les choristes dans les jauges. Dans les communautés où il faut réaliser plusieurs services, les choristes devraient être présents à chaque séance, réduisant donc la jauge et augmentant les contraintes. Face à cela certaines églises catholiques ont suspendu les activités des choristes. Reste le chant réalisé par l’assemblé. Il est possible que si la communauté impose le masque à tous les participants avec une grande rigueur. Mais là, il y a un effet baillonage! C'est donc un véritable. Par contre dans les communauté encore une fois qui ont de l'espace, tout ses problèmes n'existent pas. Nous revenons à une observation triviale: L'espace, c'est le luxe.

    • La Sainte Cène ou la Communion. Ce rituel est un marqueur de l'identité chrétienne. Il symbolise la christodépendance d’une communauté qui fait lien par le Christ. A la notion de christodépendance s’ajoute donc le classique christocentrisme. Le partage collectif du vin et du pain entre croyants est un symbole fondateur. S’ajoute plus rarement dans certaines traditions comme l’Eglise adventiste du septième jour un lavement réciproque des pieds, en répétition de l’acte du Christ, montrant ainsi Sa totale disposition pour l’humanité et l'Eglise. Il symbolise également l'humilité réciproque à développer.
      Les communautés évangéliques et catholiques ont recours à une coupe dont l’usage est collectif. Il est évident que cela est à proscrire. Les églises adventistes utilisent massivement les verres individuels, ce modèle est voué à être dupliqué. Il circonscrit en effet le risque de contamination. Quant à la transmission du pain, il devra être réalisé par l’usage d’un outil désinfecté, une simple pince de service. Dans les communautés, comme l’Eglise adventiste où le lavement des pieds est réalisé lors de la cène, les églises locales devront désormais privilégier un lavement entre personnes de la même famille. Les échanges entre les autres membres devront sans doute s’accompagner d’une rigoureuse et extrême désinfection. L’expérience Allemande dans les abattoirs a montré l’impacts des projections (sang, salive, eaux…) dans les contaminations. De fait, la mise en place d’un lavement des pieds reste un défi car il était utilisé comme une occasion d’échanges entre tous les individus des communautés locales. Cette permissivité ne sera certainement plus aussi ouverte. Surtout, les projections suscitées imposent un aménagement très complexe des lieux. Là encore un étalement des séances de Sainte Cène sera impératif mais dépendra des points d’accès et d’évacuation des eaux. La logistique de désinfection est particulièrement contraignante au point de dissuader. Serviettes, récipients, sens de circulations, le tout dans une désinfection, avec les masques… Tout cela ne sera pas possible en l’état dans toutes les communautés adventistes. Le fait que la Cène ne soit pas pratiquée dans l’adventisme à toutes les rencontres (souvent trimestriellement) permet d’optimiser le temps pour penser à cette réorganisation.
    • La durée des rencontres
      Tous les retours confirment l’aspect chronophage des nouvelles mesures barrières. Il est donc nécessaire de repenser l’architecture des programmes pour qu’ils restent dans une temporalité acceptable. Dans l’adventisme, je l’ai déjà dit, il y a un glissement vers une forme d’expressivité à dominante pentecôtiste qui se matérialise par une amplification du temps consacré aux chants spontanés, aux partages d’expériences, aux prières d’invocations, à l’argumentaire émotionnel… tout cela au détriment de l’apport ajouté historique et théologique de l’adventisme qui était un discours religieux à base rationnel permettant un cadrage de l’expression émotionnel. De fait avec la réduction de l’espace-temps condamne les communautés religieuses à hiérarchiser les formes d’expressions et de revenir à l’essentiel de leur identité. Plusieurs communautés qui fonctionnent avec une préinscription obligatoire pour connaître les flux et une programmation où toutes les activités sont réduites dont le chant principalement.
    • Clin d’œil aux relations interpersonnelles.
      Les deux exemples sont des rituels institutionnalisés, c’est-à-dire pensés, codifiés par l'organisation. Je rajoute le cas d'un rituel informel, de la vie quotidienne, qu’est l’acte de se saluer. Tout le monde a constaté que la société des bisous est désormais ancienne. Les salutations dans les communautés religieuses sont aussi impactées. Dans les groupes religieux la fraternité s’exprime par le contact corporel. Il est même codifié dans des cercles spiritualistes comme la Franc Maçonnerie. Mais tel n’est pas le cas généralement dans le protestantisme où sa spontanéité est préservée. Les individus doivent désormais repenser la manière de se saluer en se protégeant. Mais cela n’est pas sans conséquences sur les moments dits de fraternités tel les Agapes, les invitations, les sorties… Ils sont donc peu encouragés. Dans les communications, les groupes religieux dissuadent souvent ces derniers temporairement en indiquant la nécessité de garder une distance sanitaire (je préfère ce terme à celui de distance physique ou sociale).

    Ce survole des impacts sur les rituels (c’est bien un survole !) illustre la complexité de la réorganisation des activités dans les lieux de cultes. D’une communauté à l’autre les réponses varient en fonction des attentes individuelles, de la géographie des lieux, des ressources disponibles… ou encore de l’impact sur la perception qu’a le groupe des impératifs théologiques. Ce sera notre dernier point sur le sujet dans une prochaine note.

  • « Le nègre vous emmerde », regard de Claude Ribbe sur l’actualité de l’héritage d’Aimé Césaire.

    2110187641.jpgVoilà plusieurs jours que Claude Ribbe m’a indiqué l’écriture, puis la sortie de son pamphlet-hommage à Aimé Césaire chez Buchet Chastel. La sortie nationale est programmée pour le 5 juin 2008. Lille sera un temps fort de cette sortie puisque le 6 juin 2008, à ma demande, Claude sera l’invité du Furet du Nord à 17h00.

    1666147456.jpgCréé par la famille Callens, le Furet du Nord est une institution commerciale et symbolique dans le monde de la librairie. Cet établissement est le premier super marché du livre à double sens. Il fut chronologiquement, le premier établissement à appliquer les logiques de la grande surface au livre. Il est également par sa superficie. Plus de 20 000 passages par jours autour du livre. De plus, son ancienneté, son architecture en font un élément toujours visible sur les bonnes cartes postales de Lille.
    Faire de la sortie du Livre de Claude Ribbe, « Le nègre vous emmerde », un temps fort de la programmation du Furet est fort intéressant. Premièrement, il s’agit de perpétuer le regard césairien, au sein d’un lieu qui a réussit à faire un alliage fort intéressant entre grande consommation et connaissance
    766887270.jpglivresque. Le but est de banaliser, vulgariser, populariser Césaire au travers du regard de Claude. Un autre objectif est de clamer haut et fort, la réponse que faisait Césaire aux racistes et qui est devenu le titre de l’ouvrage de Claude : « Le nègre vous emmerde ».
    L’évènement est déjà médiatisé dans les réseaux associatifs concernés. Reste à espérer que tous les acteurs contre les discriminations, pour la construction de la mémoire collective, se déplacent pour échanger avec l’auteur. Là est un intérêt majeur de la présence au Furet du Nord. Jean François à la baguette de la communication de la boîte, amplifie l’interaction entre les publics et les auteurs. Ainsi, tout le monde pourra interroger l’auteur sur sa lecture de Césaire. D’autre part, le public ne manquera pas, je l’espère, d’interpeller Claude sur le traitement actuel de la mémoire de Césaire au travers, entre autre, de la discussion sur la présence d’Aimé Césaire au panthéon.
    775004238.JPGLa présence de Claude au Furet du Nord sera également l’occasion de brièvement découvrir l’appropriation artistique de l’héritage Césairien que propose un slameur lillois, Marc Olivier, chantre du collectif, On a marché sur la Lune ».